Les propos tenus par Emmanuel Macron, relatifs à la « mort cérébrale » de l’OTAN, n’en finissent plus de susciter la polémique ; plus à l’étranger qu’en France, d’ailleurs, tant les médias dominants demeurent, ici, frileux sur la question.

Si Moscou s’est officiellement réjoui de cette sortie élyséenne, il en va tout autrement de deux autres capitales, Washington et Ankara, à en croire cette conférence de presse tenue par les deux présidents Trump et Erdoğan, fraîchement rabibochés.

Le Turc se dit donc « déçu », tenant ces propos pour « inacceptables ». Et l’Américain d’embrayer : « Je pense que le président Erdoğan n’a pas vraiment apprécié et je pense que beaucoup d’autres gens ont eu la même réaction. » Il est vrai qu’à Berlin, à défaut d’être forcément « déçue », Angela Merkel semble au moins avoir été courroucée. Bref, au prochain bal des hypocrites, ces trois-là ne camperont pas dans la fosse d’orchestre.

Pourtant, la vérité oblige à dire qu’Emmanuel Macron a tapé là où cela faisait mal. En pointant tout d’abord du doigt l’inanité de l’OTAN, organisation à peu près pertinente du temps de la menace soviétique, mais aujourd’hui devenue sans objet, si ce n’est celui consistant à accroître la vassalisation de l’Europe vis-à-vis des USA. Puis, en soulevant un autre problème, celui de la Turquie, première armée de l’OTAN, mais avec toujours un pied dehors et l’autre dedans.

Du temps de la guerre froide, voilà qui pouvait encore avoir du sens, la diplomatie américaine visant alors à encercler l’URSS. Ce pays était, d’ailleurs, d’une importance si stratégique, que l’OTAN préféra regarder ailleurs, en 1974, lorsque Chypre, membre de cette même OTAN, fut en partie envahie par la Turquie - crise non encore résolue à ce jour.

Plus récemment, cette organisation ferma encore les yeux devant les troubles relations entre Ankara et Daech, mouvement qu’elle soutenait plus ou moins en sous-main tout en faisant mine de le combattre. Pareillement, on ne protesta ensuite que mollement lorsque Recep Erdoğan, à la faveur de la fin de ce conflit, en profita pour tenter d’annihiler les Kurdes de Syrie. Résultat : qui a réussi à retenir le bras du nouveau sultan ? Vladimir Poutine et non point l’OTAN.

D’où cette interrogation d’Emmanuel Macron, relative à l’article 5 de l’OTAN, lequel prévoit une solidarité militaire entre ses membres si l’un d’entre eux est attaqué : « Si le régime de Bachar el-Assad décide de répliquer à la Turquie, est-ce que nous allons nous engager ? C’est une vraie question. Nous nous sommes engagés pour lutter contre Daech. Le paradoxe, c’est que la décision américaine et l’offensive turque, dans les deux cas, ont un même résultat : le sacrifice de nos partenaires sur le terrain qui se sont battus contre Daech, les Forces démocratiques syriennes. »

On passera évidemment sur le fait que ces dernières sont en partie composées d’anciens soldats d’Al-Qaïda. Il n’empêche que le Président français pose cette véritable question voulant que l’OTAN, si elle fut autrefois partie de la solution, aurait désormais tendance à devenir problème à part entière. Et le même de s’inquiéter de « la fragilité de l’Europe » qui, si « elle ne se pense pas comme puissance dans le monde », pourrait bien avoir vocation à « disparaître ».

Le constat n’est pas faux et vaut tout autant pour la France. Donald Trump et Recep Erdoğan qui, eux, en véritables hommes d’État, tiennent leurs pays respectifs pour de véritables puissances politiques, ne s’y sont pas trompés en taclant de concert notre jeune Jupiter. Mais il est vrai que lui semble seulement vouloir débuter dans le métier.

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14 novembre 2019 à 15:17

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