[NOTRE CARTE INTERACTIVE] Le déficit agroalimentaire de la France explose

9,3 milliards d'euros de déficit en 2024 : voici le bilan de nos échanges de produits agroalimentaires avec l'étranger.
Gros plan sur notre carte interactive des échanges de viande 2024 de la France

Près de 10 milliards d'euros de déficit : voici le résultat de nos échanges de produits agroalimentaires avec l'étranger en 2024. Des échanges qui étaient encore à l'équilibre en l'an 2000. Ce chiffre méconnu, Boulevard Voltaire le révèle aujourd'hui, alors que s'ouvre le Salon de l'agriculture à Paris, sur la base des derniers chiffres de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

Notre carte représente les échanges de viande et de produits à base de viande de la France en 2024 avec ses 27 partenaires de l'UE (périmètre 2016, Grande-Bretagne comprise). La couleur des pays indique l'intensité du déficit (nuances de jaune et rouge) ou de l'excédent (nuances de vert). Les triangles représentent les échanges de volailles (poulet, canard, dinde, etc.) et les disques ceux des produits d'animaux de boucherie (bœuf, porc, mouton, etc.). Le rouge indique un déficit commercial et le vert un excédent. Plus l'objet est gros, plus le solde des échanges est bénéficiaire ou excédentaire.
Exemple : L'excédent de nos échanges de viande avec l'Italie est de 131 millions d'euros, qui se divise en un déficit de 30 millions d'euros sur les volailles (petit triangle rouge) et un excédent de 161 millions d'euros sur les animaux de boucherie (moyen disque vert). Données Agreste/DGDDI publiées le 31 janvier 2025.

 


En ce début de Salon de l'agriculture, le chiffre qui circule pour continuer à alimenter le mythe de « la France, premier pays agricole d'Europe » est celui de 4,9 milliards d'euros d'excédent agricole (ici, par exemple). Sauf que ce chiffre cumule les performances des « produits agricoles » (matières premières) et des produits transformés (« produits des industries alimentaires », « boissons » et « produits à base de tabac »). Or, à elle seule, l'exportation de nos vins et spiritueux – dont le montant a doublé depuis l'an 2000, passant de 7,3 à 14,7 milliards d'euros – compense quasi intégralement la stabilité de la filière tabac, le léger recul des matières premières et l'effondrement des industries alimentaires.

Divisés en neuf sous-secteurs, les échanges de produits des industries alimentaires rapportaient 0,9 milliard d'euros, en l'an 2000 : ils creusent, en 2024, 9,3 milliards d'euros de déficit, soit une dégringolade de 10,2 milliards d'euros en 24 ans.

Si produits laitiers et aliments pour animaux enregistrent autour de 2 milliards d'euros de bénéfices en 2024, quatre secteurs cumulent plus de 3 milliards de déficit : la viande, les produits de la pêche, les fruits et légumes et les huiles (graphique ci-dessous).

Solde alimentaire 2000-2024 de la france

Or, en l'an 2000, notre commerce de viande était excédentaire de 780 millions d'euros, quand il est déficitaire de 3 milliards en 2024, soit un recul de 3,8 milliards d'euros en un quart de siècle.

Dans le détail, les échanges de viande distinguent les « viandes de boucherie et produits d'abattage » des « viandes de volailles » et des « produits à base de viandes » (graphique ci-dessous). Bénéficiaire de 1 milliard sur les volailles en 2000, la France est aujourd'hui déficitaire pour 1 milliard, soit une bascule de 2 milliards d'euros. Le reste de notre recul sur le marché de la viande est creusé par les produits préparés, qui passent d'une situation d'équilibre, en 2000, à 1 milliard de déficit en 2024.

Échanges de viande de la France 2000-2024

Une partie de cette dégradation s'explique par la modification de nos habitudes alimentaires puisque, de troisième viande consommée en l'an 2000, la volaille est devenue, en 2024, la viande préférée des Français, avec 31,6 kg par habitant et par an, contre 21,3 kg par habitant et par an en 2000.

Or, comme l'a bien documenté un très riche rapport du Sénat de 2022 sur la « Compétitivité de la ferme France », la production française de poulet, qui a « perdu ses marques à l'export », ne parvient même plus à répondre à la demande nationale. La faute n'en revient pas aux poulets brésiliens mais plutôt aux poulets polonais : en 2024, notre déficit commercial avec la Pologne sur le marché de la volaille – représenté par un triangle, sur notre carte interactive – a atteint... 683 millions d'euros ! Ce déficit n'était que de 8 millions en l'an 2000...

La grande surprise de notre enquête, c'est que ce n'est ni le poulet brésilien ni le bœuf argentin qui ont déséquilibré notre balance commerciale des viandes mais bien les échanges intra-UE :

- en l'an 2000, la France enregistrait sur le marché de la viande un excédent de 325 millions d'euros dans ses échanges avec les 27 pays de l'UE (GB comprise). En 2024, sur les mêmes 27 partenaires, nous sommes déficitaires de 2,87 milliards d'euros, soit une perte de 3,2 milliards en un quart de siècle.

Depuis l'introduction de l'euro et l'ouverture à marche forcée de l'Union européenne, la France est incontestablement la grande perdante de l'UE sur le marché de la viande. Pire : ce qui est vrai pour la viande l'est aussi pour les autres produits alimentaires, puisque – et c'est ce qu'illustre notre dernier graphique – c'est uniquement la dégradation de notre balance commerciale avec nos partenaires de l'UE qui explique la plongée abyssale de notre industrie alimentaire (graphique ci-dessous).

L'Europe agricole devait sauver notre agriculture : la France, grand pays agricole depuis des siècles, est aujourd'hui submergée par les importations... européennes.

Balance agroalimentaire de la France


Vos commentaires

56 commentaires

  1. Perso, je pense que l’exportation est un danger pour l’environnement.
    Si on arrêtait de donner des aides aux multinationales de l’agro-alimentaire.
    Et que cela se redistribue sous forme d’un simple smic ( en plus de leurs productions ) à tous les agriculteurs bio.
    Nous pourrions assainir nos sols, notre eau et notre air, pour un monde meilleur.
    Je ne vois pas pourquoi il faudrait subventionner ceux qui polluent la nature et refusent de produire bio sous faux prétexte qu’ils doivent nous nourrir !
    Il faut au contraire taxer tous les produits à l’exportation qui nous empoisonnent à petit feu.

  2. Vous avez raison, ce déficit est dramatique. La France a largement les moyens de s’auto-nourrir, et même d’exporter beaucoup plus. Mais le consommateur Français est schizophrène. Les écolos veulent des poulets bio élevés en plein air, mais pour le prix d’animaux étrangers élevés en batteries. Les autres se jettent sur les cuisses de poulet à 2€ au supermarché, mais disent que bien sûr il faudrait acheter Français…mais laissent ça aux autres !

  3. Merci pour cet article. D’une manière générale, le quidam est bien peu informé. Oui, bien peu ! Personnellement, j’essaye pour la viande ( enfin , je vérifie ! ) d’acheter français. Cependant, dans certains plats il y a peut être des ingrédients non-français. Cela devrait être indiqué. Pour les fruits et légumes, c’est le fiasco ! de pire en pire. Des « responsables » dignes de ce nom, devraient prendre tout cela à bras le corps ! A moins que… « ce soit étudié pour » ( comme disait F. Reynaud ).

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