L’outrecuidance de l’homme hypernarcissique que des Français ont cru devoir installer à l’Élysée est décidément sans limite. Le voilà qui ose affirmer, sans mesurer le grotesque de la formule, qu’il voulait « redonner du sens au commandement des armées » en nommant Lecointre après avoir humilié le général de Villiers et l’avoir conduit à quitter son poste de chef d’état-major des armées.

Lors de la présentation de son livre L’équilibre est un courage, celui-ci avait dit, quant à lui : « Dans l’armée, on sait pourquoi on peut aller jusqu’au sacrifice suprême. » La comparaison entre les deux phrases disqualifie l’auteur de la première et il faut s’étonner que l’arrogance dénuée de la moindre légitimité de la formule macronienne ne soit pas davantage dénoncée. Voilà un homme qui a évité soigneusement d’effectuer son service national alors que celui-ci n’avait pas encore été suspendu, un homme qui n’a donc jamais été soldat, qui sans beaucoup d’expérience a été propulsé, à la suite d’un coup d’État médiatico-judiciaire à la présidence de la République, un homme qui est ainsi devenu le « chef » des armées, un homme qui a fait de la repentance et, donc, de l’accusation de nos armées le fil rouge de sa politique de l’Algérie au Rwanda, et c’est cet homme qui prétend redonner du sens à leur commandement !

Le mot « sens » est, comme le mot « valeur », un de ces mots-valises qui n’ont précisément de sens que si on précise leur signification. Quel est ce sens qu’il s’agissait de redonner à nos armées, ce sens dont elles étaient donc dépourvues avant qu’un inspecteur des finances ne s’empare de la question ? La réponse, c’est le général de Villiers qui la donne. Et il le fait à la manière de Camus, qui disait que le suicide était la question philosophique la plus importante parce qu’elle soulignait que le sens de la vie, c’est ce qui est capable de remettre celle-ci en jeu, par le suicide, lorsque l’existence a perdu toute signification, toute finalité, par le sacrifice lorsque l’on accepte de mourir pour une valeur qui est supérieure à celle qu’on attache à sa propre vie.

C’est, bien sûr, ce sens du sacrifice suprême qui est au cœur du commandement des armées et qui n’a pas attendu M. Macron pour être vécu par les officiers et leurs hommes sur les théâtres d’opérations où les responsables politiques les déployaient. Faut-il rappeler que la plupart des généraux bardés d’étoiles qui commandent nos armées ont commencé leurs carrières comme sous-lieutenants et ont affronté le terrain et ses risques en obéissant aux ordres des politiques, de ces gens qui, eux, comme M. Macron ou comme Mme Parly, avaient tissé leur toile d’un cabinet à l’autre, ou d’un cabinet à une entreprise, en ayant, très jeunes, un pouvoir réel plus grand que celui des généraux au terme de leur vie militaire. Or, combien de fois le sacrifice des soldats français a-t-il été gaspillé par les circonvolutions des politiciens ?

Les militaires savent parfaitement quel est le sens de leur mission : servir leur pays. Si ce sens est parfois défaillant, ce sont les politiques qui en sont responsables. Aussi serait-il plus juste que ce soit l’armée qui exige que les élus, et le premier d’entre eux, redonnent du sens à leur politique ! C’est, d’ailleurs, le message envoyé par les militaires à travers deux tribunes adressées au Président et que celui-ci semble avoir oubliées, tandis que des ministres s’en prenaient aux signataires avec une rare impudence.

L’indécence de la formule présidentielle est révélatrice du personnage. Certes, il a le droit de parler, mais à propos de l’armée, il n’en a pas la légitimité morale. La présomption du beau parleur vire même à l’impudeur lorsque des doutes surgissent sur sa volonté de servir l’intérêt national : son rôle dans la vente d’entreprises françaises essentielles à l’étranger, par exemple. Un liquidateur de l’intérêt national est-il le mieux placé pour « redonner du sens » au commandement de nos armées.

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22 juillet 2021 à 12:00

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