Tandis que Carlos Ghosn, heureux à Beyrouth comme Dieu en France, doit être en train de contempler la corniche depuis la terrasse de son opulente villa, la Justice du Japon vient de condamner Michael et Peter Taylor, un père et un fils de nationalité américaine, qui furent à l'origine de son enlèvement, fin 2019, à deux ans de prison ferme - un peu moins pour le fils.

On sait, depuis l'affaire Ghosn justement, que les prisons japonaises ne sont pas tout à fait agréables à vivre. On se souvient également que l'appareil judiciaire du pays du Soleil levant condamne les prévenus dans plus de 99 % des cas. On ne semble pas connaître la bienveillance de nos juges rouges, dans ces contrées hostiles. Même si les deux citoyens américains avaient choisi, par exemple, Éric Dupond-Moretti pour les faire acquitter, celui-ci se serait ébroué à la barre, avec des grâces de vieux morse tabagique, en pure perte. Au Japon, on réserve ce genre de guignolades aux scènes de théâtre - lui aussi très codifié. Et la justice tombe comme un couperet.

Il faut reconnaître qu'il y a quelque chose de triste, à voir ce père et ce fils condamnés. Leurs peines sont, certes, relativement légères, car ils ont reconnu leurs fautes en public et demandé pardon à la cour. Cependant, on ne peut s'empêcher de les voir comme les victimes collatérales d'un système dans lequel les riches s'en tirent toujours. Ghosn ne sera jamais extradé (c'est la loi, au Liban), tandis que les Taylor ont été arrêtés par la police américaine, aux États-Unis, et extradés vers le Japon pour y être jugés. Greg Kelly, un cadre de Nissan, croupit encore dans une prison japonaise car il clame son innocence, alors que les juges considèrent qu'il a falsifié des données pour faciliter l'échappée belle de son patron.

En guise d'hommage, on peut tout de même rappeler le montage millimétré de cette exfiltration : Ghosn sort de chez lui en déjouant la surveillance des autorités japonaises, saute dans un Shinkansen (le TGV nippon) qui l'emmène de Tokyo à Osaka, se cache dans un caisson de matériel musical percé de petits trous puis emprunte, toujours déguisé en ampli, deux jets privés successifs qui le déposent à Beyrouth via Istamboul. Chapeau, les artistes !

En voilà au moins deux à qui on ne risque pas de souhaiter sottement, comme le veut une récente coutume française, un « bel été »...

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22 juillet 2021 à 12:50

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