Le RN va devoir batailler ferme pour emporter la présidence de la prestigieuse, stratégique et très convoitée commission des finances à l’Assemblée nationale. Car les règles et les pratiques en vigueur, le paysage politique né des élections législatives et les intérêts politiques des différents partis en font un sac de nœud particulièrement velu. Le RN décrochera-t-il la commission des finances ? Le suspense est entier à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Les enjeux sont pourtant majeurs pour le parti de Marine Le Pen qui en a besoin pour faire la démonstration de son sérieux et de sa crédibilité. Indispensable pour gravir les marches des responsabilités dans l’avenir.

Soyons clairs : d’abord, la Constitution de la Ve République ne traite pas de la question de ce poste ultra-sensible. « Il relève du règlement de l’Assemblée », précise Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université de Paris II Assas. Un accord plus ou moins tacite que les différents acteurs se sont engagés à respecter. Il relève du domaine réglementaire. Le règlement, justement, a été revu en 2009, dans la foulée de la révision constitutionnelle de 2008. Il prévoit que la présidence de la commission des finances revient à l’opposition mais ne dit pas si cette fonction doit aller au premier ou au deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée. Deuxième inconnue : jusqu’ici, la majorité s’abstenait lors de ce vote, permettant à l’opposition de désigner la personnalité qu’elle a choisie. « Il s’agit d’un modus vivendi accepté par tous mais pas d’une coutume établie au sens juridique du terme, précise Benjamin Morel. C’est un accord plus ou moins tacite que les différents acteurs se sont engagés à respecter. »

Cette fois, la configuration tripartite de l’Assemblée (voire quadripartite, avec LR) bouscule la tradition. Si chaque groupe présente un candidat, c’est le groupe RN, le plus nombreux, qui emportera la présidence de la commission des finances. Mais si la NUPES s’accorde sur un candidat unique, ce qu’elle est semble-t-il en train de négocier, elle sera en mesure d’emporter ce suffrage. La clé de l’affaire pourrait donc se situer… chez les macronistes d’Ensemble dont une partie, au moins, pourrait se laisser convaincre de voter pour le candidat à la présidence de la commission des finances du Rassemblement national. Ou pour celui de LR. En somme, la majorité pourrait rompre avec la pratique récente pour participer à la désignation de son opposition… Et à ce jeu-là, le RN ne part pas en si mauvaise posture. Car, tandis que le RN aura à cœur de démontrer qu’il sait faire fonctionner les institutions, La France Insoumise tentera de déstabiliser la Macronie. Elle a, par exemple, promis de fouiller dans les accords fiscaux noués avec des entreprises ou des particuliers par l’administration. La Macronie comme la droite pourraient ainsi considérer que les dossiers sensibles seront traités avec plus de respect des règles et des intérêts de la France par le RN que par les amis de Jean-Luc Mélenchon. Quoi qu’il en soit, le président de la commission des finances, quelle que soit sa couleur, devra cohabiter avec un rapporteur général qui sera issu, lui, du groupe Ensemble.

Mais voilà, si les députés Ensemble rompent avec la tradition et votent en faveur du RN, la NUPES en fera un étendard et hurlera cinq ans durant à la coalition infâme. Et si cette présidence échappait au groupe de Marine Le Pen, les 42 % d’électeurs qui se sont prononcés en sa faveur au deuxième tour des présidentielles tiendront ce camouflet pour une injure et un déni de démocratie. Ils auront beau jeu de considérer que les règles démocratiques évoluent selon les circonstances, créant les conditions idéales des éruptions populaires et des colères à venir.

Au fond, il s’agit, pour les macronistes, de regarder la situation avec honnêteté, dans l’intérêt du pays. En sont-ils capables ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/06/2022 à 9:45.

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22 juin 2022 à 23:39

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28 commentaires

  1. Je crains que le prince ne fasse que du en même temps avec ce poste pour mettre un caillou dans les chaussures de MLP et de LFI toujours diviser pour mieux regner

  2. En somme, nous ne sommes pas sortis de l’ auberge avec toutes ces turpitudes à l’ assemblée nationale !

  3. Si la tradition est rompue face au RN pour la présidence de la commission des finances de l’assemblée nationale l’hémicycle va se transformer en Hall de gare . Fini la majorité absolue gouvernementale qui permettait une dictature douce. Le roi Ubu déchante. Un quinquennat pourri, un autre mal parti.

  4. Pas étonnant que notre pays, depuis plusieurs dizaines d’années s’enfonce de plus en plus dans la médiocrité. alors que nous étions auto suffisant dans bien des domaines, nous sommes devenus grand importateurs par ce que les grands secteurs de notre économie sont tenus par quelques politiques bien connus qu’ils ne sont pas prêt à lâcher dans d’autre intérêts que notre pays. En priver le RN de la commission des finances à l’Assemblée nationale en un belle exemple.

    1. Oui la France est devenue une très grande importatrice nette non pas uniquement de marchandises mais surtout de « chances pour la France », à mon grand regret. Qui aurait pu imaginer cela et constater que nos ex-colonisés nous colonisent aujourd’hui à grande vitesse

  5. Très bon article. Mais le logiciel de la droite bruxelloise LR est tel qu’on peut craindre qu’en dépit de l’échec constant de leur stratégie contre ce rival (RN) ils persistent dans cette ligne désormais par dépit d’être passé (loin) derrière. Entre la France et le bruxellisme macronien que feront les LR …?

  6. les mouches, les mouches…., songez à ce qu’elles souffrent avec telles analyses !

  7. Macron, il l’a prouvé, se moque complètement des coutumes, voire des reglements républicains. Il prend ses décisions « au petit bonheur », en fonction de ses intérêts du moment. Il est certain s’il aurait moins de soucis avec un RN soucieux de respectabilité (voir les consignes données aux nouveaux députés parMLP) qu’avec les électrons libres de la NUPES, qui n’ont qu’une envie : « dynamiter le gouvernement ».

  8. Il n’y a plus de front républicain chez les électeurs, mais le front républicain existe toujours chez les élus. Donc le RN, malgré son entrée en force à l’Assemblée, n’aura rien que le minimum syndical (et encore !). Pourtant, c’est objectivement la seule formation politique vraiment républicaine : programme clair (on peut ne pas être d’accord), pas d’alliances électoralistes contre nature, et surtout pas d’ostracisme contre les autres.

  9. Rassurez vous M.Baudriller : aucun cadeau ne sera fait au F.N. et c’est ce qui confortera l’opinion favorable nouvellement acquise à Marine.

  10. Les macronistes, capables de regarder la situation avec honnêteté ?, vous demandez vous…. Personnellement, j’ai des doutes… Comment peut-on leur faire confiance, et penser qu’ils seront loyaux et honnêtes ? C’est impossible, de mon point de vue.

  11. Nouvelle victoire mais nouveau combat car si l’on a pas pu faire barrage dans les urnes, ces chers députés si démocrates en apparence ne vont pas se priver et même s’acharner pour priver le RN de cette présidence.

  12. Parions hélas que la NUPES trouvera l’accord parfait pour gagner le pouvoir de succéder à E.W.

  13. En chiffres, pour que le RN ait la présidence si l’on exclu ensemble, il faut que LR vote pour le FN, ce qui est loin d’être acquis, par contre le LR peut avoir la présidence, et si ensemble ne joue pas le jeu, ils feront élire la présidente du groupe socialiste Valérie Rabault, c’est ça la politique.

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