[POINT DE VUE] « Sensitivity readers » : Mediapart cède à la folie woke ?

Sabrina Kassa. Capture écran TV5 Monde
Sabrina Kassa. Capture écran TV5 Monde

La direction de Mediapart a récemment franchi une étape supplémentaire dans ce que certains qualifient de « surveillance idéologique » en nommant une responsable éditoriale aux questions raciales. Ce poste, attribué à Sabrina Kassa, journaliste et écrivain qui, se décrivant elle-même comme « spécialisée dans l’altérité et les identités éraflées », entend incarner une volonté d’introspection sur la manière dont les articles du média en ligne traitent les questions de racisme, de diversité et de discriminations. Selon Mediapart, l'objectif est d’assurer un traitement journalistique plus « conscient » et « responsable » des questions liées aux minorités raciales. Cependant, cette initiative soulève des inquiétudes sur la liberté éditoriale et le rôle d’une telle fonction dans le journalisme français. Doit-on désormais passer chaque mot, chaque ligne, à travers le prisme de la race ? Cette démarche suscite des interrogations : où s’arrête la volonté de lutter contre les discriminations et où commence le contrôle des idées ?

Une surveillance journalistique sous couvert de justice sociale

Venu des pays anglo-saxons, le terme « sensitivity reader » (ou lecteur de sensibilité, en français) est aujourd’hui associé à cette fonction qui se déploie de plus en plus dans les rédactions progressistes. Mediapart, en s’inspirant de ces pratiques, ne cache pas son intention d’intégrer une lecture critique des œuvres journalistiques avant publication pour en « prévenir les biais racistes », selon Sabrina Kassa elle-même. Mais ce filtrage soulève des questions légitimes : qui décide de ce qu’est un biais raciste ? Et surtout, comment concilier ce contrôle avec la pluralité des opinions et la liberté d’expression, pourtant pilier fondamental de la presse libre ? Les journalistes ne sont-ils plus capables de juger eux-mêmes du bien-fondé de leurs propos ? Sabrina Kassa souligne qu’il « ne s’agit pas de censurer ou d'imposer une pensée unique », mais ses explications peinent à dissiper l’impression d’une dérive vers une réécriture des articles en fonction d’une grille idéologique préétablie.

Si ce poste vise à « améliorer la qualité éditoriale », selon ses défenseurs, on peut s’interroger sur l’impact réel de cette surveillance sur la production journalistique. Le rôle du journaliste n’est-il pas, justement, de rapporter les faits, d’analyser avec nuance, plutôt que d’adapter ses propos à des standards idéologiques fluctuants ? La mission première de la presse est de rendre compte du réel dans toute sa complexité, pas de simplifier les débats ou de gommer les éléments qui pourraient déplaire à une partie du lectorat.

L’hypocrisie d’une vision morcelée de l’information

En 2020, Mediapart a instauré le premier poste, en France, de responsable éditorial aux questions de genre, occupé par Lénaïg Bredoux. Dès sa création, ce poste avait soulevé des critiques concernant une lecture idéologique de l’information. La journaliste défend ce rôle en affirmant que « le travail sur le genre ne cherche pas à imposer une vision particulière, mais à poser des questions que certains ne se posent pas, pour ouvrir le champ des réflexions ». Cependant, à l’instar de la fonction dédiée aux questions raciales, cette démarche fragmente le travail journalistique en le cloisonnant selon des prismes identitaires. Choisir de poser certaines questions tout en en occultant d’autres, n’est-ce pas déjà imposer une vision ? Ce « travail de sensibilisation » semble enfermer la réflexion dans des cases idéologiques, à l'opposé de l’ouverture revendiquée.

En élargissant cette logique aux questions raciales, Mediapart s’engage dans une politique de morcellement de l’information où chaque sujet est scruté sous un angle identitaire. Comme Bredoux le défend pour le genre, ce pôle racial prétend « accompagner des réflexions » plutôt que « corriger des fautes ». Pourtant, cet « accompagnement » prend la forme d’une tutelle idéologique où certaines perspectives sont jugées plus légitimes que d’autres, ouvrant grand la boîte de Pandore des délires raciaux. Finalement, cette politique risque de créer ce qu’elle prétend combattre : une uniformisation du discours où la complexité du réel est sacrifiée sur l’autel des luttes identitaires.

Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Il reste à souhaiter qu’en ajoutant des postes aux contenu nébuleux à sa hiérarchie, Mediapart finisse par ne plus pouvoir assumer financièrement ces gadgets. Plus il y en aura, et plus vite on en sera débarrassé. Pourvu que cela continue !

  2. De toute façon ce choix ne concerne que Médiapart, donc en leur en fasse, le problème est juste les subventions publiques allouées à la presse qu’il faut supprimer. Pour le reste, c’est comme les critiques cinéma, chacun encense ou saque n’importe quelle œuvre comme il l’entend. J’ai pour habitude de lire les critiques cinéma de Libération et Télérama et d’aller voir les films qu’ils déconseillent. Je suis rarement déçu, souvent ça me plaît ! Donc je ferai pareil avec les critiques journalistiques Médiapart, s’ils détestent, je lirai !

  3. Ce qui est aussi choquant que la débauche de ce journal, ce sont les subventions offertes par l’Etat à ces journaux d’informations qui font tout et n’importe quoi, mais pas d’information. Le contribuable est-il d’accord que son argent soit ainsi dilapidé ? D’ailleurs, qui décide d’accorder des subventions à une certaine presse seulement ? Dans un pays où la liberté d’expression règne, enfin paraît-il, comment cela se fait-il que certains journaux soit grassement subventionnés et d’autres pas du tout : au nom de quoi ? Qui décide et sur quels critères ?

  4. L’excellent article de J. Tellier révèle néanmoins, comme à l’accoutumée, combien fonctionne le politiquement correct, c’est à dire la règle qui impose l’auto-censure! Tant il est devenu prégnant que le fond, l’essence de certains dogmes, qui ne se discutent pas. Et dès lors il n’y a plus de limite. L’intégrisme devient la règle. C’est clairement le cas pour le »racisme », comme pour le « féminisme ». Ainsi n’ayant plus le droit de décrire, dénoncer des spéficités culturelles, de vie tout simplement, le bon peuple en est réduit à tout supporter.
    L’idée même que certains usages, certains comportements puissent être consubstanciels de certains groupes, est à masquer. Moi-même ici, je tourne « autour du pot », pour tenter de faire passer une idée sans que …. Tout ça pour dire qu’il va falloir se réhabituer à appeler un chat, un chat.

  5. Nous avons compris. Avec Mediapart, journal super subventionné, tous ce qui sera « Français » sera raciste. Venant de gens qui ont prôné pendant des années que les races n’existaient pas, c’est drôle et paradoxal. Demain, dire « il fait beau sur la France » sera qualifié de « raciste ».
    En France, où est passé le bon sens ?

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