Un exceptionnel manuscrit médiéval vendu aux enchères, le 3 octobre
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Un exceptionnel manuscrit du XIVe siècle est mis en vente le 3 octobre par la maison De Baecque & Associés, à Lyon. Ces Heures à l'usage de Rome se composent de 222 petits feuillets remarquablement enluminés, avec belles miniatures et élégants rinceaux.
L’entourage de Jean Pucelle
Par comparaison avec d’autres manuscrits (les Heures de Jeanne de Savoie et le Bréviaire de Blanche de France), on estime que celui-ci a été peint vers 1325. Son style permet de l’attribuer à l’entourage de Jean Pucelle. Ce maître imagier eut une grande influence dans les ateliers français du second tiers du XIVe siècle - bien qu’il y ait des discussions sur ce point, l’incertitude de l’attribution des œuvres autorisant des doutes. En 1949, Rudolf Blum restreignait fortement l’importance de Jean Pucelle. Depuis, la biographie de Kathleen Morand (1962) a rééquilibré les choses et le statut de « plus grand miniaturiste des années 1320-1330 » lui est acquis.
On distingue trois mains, dans ces heures. Un artiste a réalisé les miniatures : annonce aux bergers, initiales historiées de sainte Catherine, saint Paul, saint Jean-Baptiste, saint Jean évangéliste, sainte Geneviève… Un autre, les drôleries marginales (en grisaille), zoomorphes, parfois lestes - ce contraste avec l’illustration principale n’effrayait pas nos aïeux. Un troisième, les décors secondaires. L’élégance graphique des rinceaux qui définissent les marges sans jamais se répéter est remarquable. La qualité est telle qu’on peut envisager la participation de Jean Pucelle lui-même à la réalisation du manuscrit.
Isabelle, une fille de France de tempérament
Un tel travail de longue haleine, où l’or et les coûteux pigments ont été utilisés, suppose un important commanditaire. Les analyses héraldiques mettent sur la piste d’Isabelle de France (1258-1358), fille de Philippe le Bel et épouse d'Édouard II, roi d’Angleterre. Sœur du roi Charles IV, donc, lequel, en ces mêmes années 1325, faisait réaliser par Jean Pucelle un livre d’heures pour son épouse, Jeanne d’Évreux.
La vie d’Isabelle de France fait litière de bien des croyances féministes en une détestable société « patriarcale ». Avec son amant Mortimer, Isabelle prend la tête d’une révolte des barons et renverse son mari trop attentionné envers ses favoris, Gaveston puis Despenser. Emprisonné, Édouard II ne tarde pas à être assassiné (1327). Isabelle devient régente de leur fils Édouard III, mais celui-ci, trois ans plus tard, fait pendre Mortimer et rejette la tutelle maternelle. Cependant, ne voulant pas perpétuer les vengeances familiales, il se montre clément avec sa mère. Elle vivra de longues années sans pouvoir et confortablement, dans ses résidences royales. Mais avec cette mère française de rois anglais se noue la guerre de Cent Ans… Maurice Druon donnera le surnom de « louve de France » à cette femme belle, intelligente et politique au point de passer pour intrigante.
Un manuscrit pour la BnF?
Avec ces Heures à l’usage de Rome, une nouvelle œuvre s'ajoute à histoire de l’art. Le monde de l’enluminure médiévale paraît inépuisable. À côté de quelques grandes références, telles que les Riches Heures du duc de Berry, combien de livres historiés, combien de pages débordant d’imagination, de beauté et de fantaisie restent inconnues du grand public ? Cette méconnaissance contribue à fausser notre vision d’une époque. Celle-ci reste victime des préjugés ancrés dans les esprits depuis les XVIIIe-XIXe siècles. Ceux qui réalisaient ces œuvres étaient tout sauf d’obscurs barbares dont la Renaissance nous aurait délivrés.
Estimé 80.000 à 100.000 euros, le manuscrit pourrait-il être préempté par la Bibliothèque nationale ? « La BnF ne s'exprime pas sur les ventes de manuscrits », répond à BV son service de la communication. Opacité institutionnelle ? Ou discrétion pour ne pas dévoiler sa stratégie avant cette vente ? Rendez-vous à Lyon, le 3 octobre, pour connaître l’heureux acquéreur de ce chef-d'œuvre qu’on espère voir rester en France.
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4 commentaires
Il me paraît tout autant surprenant qu’inadmissible que les oeuvres d’art françaises soient mises en vente publique. Elles devraient automatiquement aller dans un musée et, comme c’est le cas ici, à la BNF. Trop de nos trésors sont déjà partis à l’étranger. Pour moi. c’est incompréhensible!
Un autre manuscrit exceptionnel, fin XIII, passera aussi à Tours le 5 octobre.
S’il n’est pas français mais byzantin, il mérite lui aussi d’être à la BnF tant ce type de manuscrits est rare mais aussi parce que la BnF possède déjà la seconde partie.
Malheureusement, pour les deux manuscrits, rien ne dit qu’ils seront préemptés.
Et puis, sachant que ces Heures risquent d’être préemptées par la B.N.F., les grosses fondations américaines peuvent être tentées de faire monter le prix, histoire d’une part d’assécher un concurrent, d’autre part de valoriser les (trop nombreux) manuscrits déjà partis chez elles !
L’estimation apparaît basse pour un objet à destination royale, mais c’est vrai que les manuscrits enluminés du XIVe siècle n’ont pas la grâce et la maîtrise de ceux du XVe s. Quoi qu’il en soit, si l’attribution à Isabelle de France – mère d’Edouard III – est bien exacte (et elle le paraît), la British Library va aussi se mettre sur les rangs, et pas seulement elle !