[Point de vue] Recrutement des professeurs : les intentions cachées de Macron

école professeurs

En déplacement pour la prérentrée dans un lycée professionnel, Emmanuel Macron, le Président je-sais-tout, a donné la recette pour « avoir le bon système de recrutement ». C'est simple : il suffit de mettre en œuvre « une formation dès l'après-bac ».

Comme à son habitude, il ne s'est guère montré précis. On ignore, par exemple, s'il parlait uniquement des professeurs des écoles – les instituteurs d'autrefois –, puisqu'il a proposé « de revenir à un système qu’on connaissait par le passé, qui fonctionnait, qui est un peu celui des écoles normales », ou de l'ensemble des professeurs, qu'ils exercent à l'école primaire, au collège ou au lycée. Il a demandé à Gabriel Attal de « travailler sur la formation », une formation « professionnalisante, plus visible, qui va nous permettre de mieux planifier nos besoins ».

Il a expliqué vouloir ainsi limiter « l’un des phénomènes qu’on a aujourd’hui, qui parfois crée de la frustration et qui est à [son] avis sous-efficace, c’est-à-dire d’avoir certains de nos enseignants qui rentrent après un cursus universitaire qui est totalement disproportionné et parfois décorrélé avec ce qu’ils vont faire ». Présenté de cette façon, il est difficile de le contredire. Qui pourrait être opposé à une meilleure formation des personnes chargées de l'instruction de nos enfants ? Qui ne souhaiterait pas que les professeurs fussent bien préparés à enseigner ?

Il y a cependant une grande différence entre ce que l'on dit et ce qu'on met derrière les mots qu'on emploie. Si la crise du recrutement est incontestable – de nombreux postes ne sont pas pourvus au CRPE (professeurs des écoles) et au CAPES (professeurs de collèges et de lycées), seule l'agrégation résistant encore –, ce n'est pas parce que les concours se passent après cinq années d'études, c'est parce que le métier n'attire plus et que les meilleurs des étudiants s'en détournent.

Autrefois, le recrutement dans les écoles normales d'instituteurs était effectué par concours, avec des épreuves écrites et orales. Elles formaient donc des lycéens motivés et sélectionnés qui avaient le projet d'enseigner dans les écoles primaires et maîtrisaient déjà les bases du savoir, notamment l'orthographe, la grammaire et le calcul. Ce n'est pas du tout l'objectif de Macron, qui voudrait mettre en place une « formation intégrée » et éviter « d'ouvrir des concours année après année ».

Pour qui sait lire entre les lignes, on comprend qu'il souhaite, à terme, supprimer les concours de recrutement pour les remplacer par une sorte de formation en alternance. Si ce type de formation est efficace dans certains secteurs professionnels, il ne l'est pas dans l'enseignement, où la maîtrise des savoirs est la première des compétences pédagogiques. Si un savant peut être un mauvais pédagogue, on ne fera jamais qu'un ignorant puisse enseigner autre chose que du vent. On peut ainsi former de bons animateurs, on ne formera jamais, sauf exception, de bons professeurs. Ce n'est pas la durée de la formation actuelle, avant le concours, qu'il faut incriminer, c'est le contenu de cette formation.

S'il voulait améliorer la qualité des professeurs et rendre de nouveau attractif leur métier, Macron commencerait par supprimer les IUFM qui, s'ils ont plusieurs fois changé de nom, n'ont pas changé de pratiques. Mais il ne le fera jamais. Pour lui, l'important, c'est de former des exécutants qui forment, dans le commun du peuple, d'autres exécutants dociles, facilement adaptables aux besoins du marché. Non pas des transmetteurs d'un savoir qu'ils maîtrisent, dont la mission première est d'éveiller les esprits, de développer les talents et de permettre aux élèves de construire librement leur avenir. Macron a horreur des empêcheurs de tourner en rond.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

48 commentaires

  1. L’éducation ou l’instruction, l’école… ont toujours été le reflet des valeurs et des anti-valeurs qui animent « les élites » d’une société à un moment donné. Si l’éducation pourrit c’est que nos élites pourrissent. Un adage populaire le dit clairement : le poisson pourrit par la tête.

    Education or instruction, school… have always been a reflection of the values and anti-values which animate « the elites » of a society at a given moment. If education is rotting it is because our elites are rotting. A popular adage says it clearly: fish rots from the head.

  2. Hélas, 3 fois hélas cher Monsieur Kerlouan, n’y aurait il pas lieu de mobiliser les associations de parents d’élèves ? Il est impensable que notre génération de parents soit insensible au carnage en cours transformant les écoliers en victimes désignées de la dégringolade générale du pays !!

    • Ce n’est pas la première fois que ce gouvernement comme les précédents, notamment sous Hollande veut « lisser par le bas « , les compétences !! imaginez-vous qu’il a été décidé de recruter du personnel sans diplôme dans les crêches, n’importe quelle personne qui apprendrait sur le tas, car « nous sommes tous des mères  » ! imaginez par qui vont être gardé vos enfants ..il y a beaucoup d’exemple de ce type, alors que la France avait un haut potentiel de compétences en tout ! et l’on devine pourquoi …

  3. On ne s’est jamais remis de la reprise des apprentissages par l’Education Nationale. Redonnons aux entreprises la maitrise (totale) du cursus d’apprentissage aux patrons qui savent de quoi ils ont besoin comme personnel et qui savent (mieux que les professeurs d’EN) ce qu’il faut apprendre aux jeunes.

  4. Plus les Français seront ignorants, de leur langue, de leur histoire, moins ils comprendront comment ils se font avoir. C’est le but de la classe dominante issue du pouvoir de l’argent, qui s’est fabriquée elle même sa fausse opposition, la gauche, afin de bien enfumer les Français…..Tous les enseignants ont fait leur malheur en se laissant avoir par la gauche, c’est eux qui ont scié leur branche.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois