[Point de vue] Réchauffement climatique et décroissance : la métaphore du Titanic

Titanic

Article écrit en collaboration avec Pierre Coindreau*, de l'Institut Sapiens

Ce 14 avril 1912 à 23h40, l'officier de quart n’aperçoit l’iceberg que trop tard : le calme plat régnant cette nuit-là sur l'Atlantique Nord l'a privé de la frange blanche des vagues qui se brisent usuellement sur ses flancs et, pour des raisons inexplicables, les veilleurs ne disposent pas de jumelles ! De surcroît, il s’agit d’un « iceberg bleu », un bloc de glace qui, en se détachant de la banquise, s'est retourné et présente à l'air libre son fond bleuâtre, peu visible. Il est à moins de 500 mètres sur la route directe du navire de 46.000 tonnes lancé à plus de 22 nœuds. Pour prendre une décision rationnelle, il manque à l'officier deux informations essentielles : la distance précise le séparant encore de l’iceberg ainsi que la distance nécessaire pour stopper le géant des mers.

Pour éviter l'obstacle, son instinct lui commande dans l’urgence de battre en arrière tout en mettant la barre à gauche. Une décision catastrophique : ignore-t-il qu’en battant en arrière, il va rendre ses gouvernails totalement inopérants, le flux d'eau projeté par les hélices étant dirigé vers l'avant et non plus sur les safrans. Insuffisamment dérouté vers la gauche, le paquebot ne peut éviter la masse de glace dont les débords sous-marins vont découper la coque sur une grande longueur. Excédant six compartiments étanches, l’entaille dépasse la limite de l'insubmersibilité calculée par ses concepteurs. La catastrophe est consommée : plus de 1.300 personnes périront dans les eaux glaciales de l'Atlantique Nord.

Le Titanic est souvent associé à la compétition inéquitable opposant l’homme à la nature : cette dernière a eu raison de l'arrogance des ingénieurs sous-estimant la force d’Archimède et de l'inconscience des armateurs imposant au navire une vitesse déraisonnable sur une route dangereuse pour établir un nouveau record. La métaphore climatique est évidente : dans sa course effrénée au progrès, à travers sa consommation excessive et son action irresponsable vis-à-vis de la nature, notre société de croissance émettrice de gaz à effet de serre (GES) va précipitamment heurter « l'iceberg » du dérèglement climatique pour finalement sombrer en provoquant des dizaines de millions de victimes.

Comme pour le Titanic, le « paquebot Monde » navigue à vive allure dans un environnement incertain. Ainsi, la sensibilité climatique (correspondant au doublement des émissions de GES) est estimée par le GIEC dans une fourchette comprise entre 2,1 °C et 4,7 °C. En d’autres termes, alors que nous manquons cruellement de visibilité, faut-il réagir dans « l’urgence absolue » et battre arrière pour entrer dans une société post-croissance a-productiviste réduisant dans un temps record les émissions de GES ? Si, de prime abord, la décision paraît logique, elle devrait s’inspirer de la décision instinctive mais totalement erronée de l’officier de quart du Titanic.

En négligeant les réalités physiques, les tenants de la solution décroissantiste souffrent de la même myopie que l'officier de quart. Nos sociétés développées reposant toujours sur plus de 80 % d’énergies fossiles, le paquebot Monde est beaucoup trop lourd et beaucoup trop rapide pour éviter le choc du réchauffement. Compte tenu de son inertie, battre en arrière en imposant la décroissance lui ferait perdre son gouvernail (sa production de richesses et ses moyens d'action technologiques) sans pour autant contourner l'iceberg. Comme pour le Titanic, la décroissance ferait sombrer le navire Monde dans l’extrême pauvreté dont les plus démunis (ceux qui n’étaient pas en première classe et n’avaient pu bénéficier des chaloupes de secours) seront inévitablement les premières victimes.

Toute réaction instinctive et émotionnelle étant à proscrire, la bonne stratégie repose donc sur une analyse rationnelle. Arrêter le navire étant impossible, battre en arrière étant suicidaire, notre seule option pour (peut-être) éviter l’obstacle est de le ralentir tout en maintenant une vitesse suffisante pour en conserver la manœuvrabilité.

Pour l’Institut Sapiens, qui vient de publier, ce 31 janvier, un ouvrage intitulé La transition énergétique est-elle soutenable ?**, les incertitudes quantitatives relative au réchauffement climatique ne justifient pas un changement radical de société. La création de richesses reste un préalable permettant de conjuguer développement humain et lutte contre le réchauffement. Pour ce faire, nous préconisons de combattre efficacement la surconsommation et les gaspillages énergétiques tout en préservant une croissance soutenable associée à des mesures pertinentes d’atténuation et d’adaptation. C’est sur cette approche bénéfice/risque et non sur un discours anxiogène d’urgence climatique absolue s’abritant derrière le principe de précaution que doivent reposer les futures politiques publiques.

 

* Pierre Coindreau est ingénieur civil des Ponts et Chaussées. Il détient un MS de l'université de Stanford et un MBA de l'INSEAD. Il a réalisé sa carrière en partie dans la construction puis dans le secteur financier. 

**La transition énergétique est-elle soutenable ? Défis des accords de Paris et du Pacte vert européen.

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Serait-il possible d’avoir de vraies mesures scientifiques pour tenter de prouver ce que vous considérez comme axiomatique à savoir le « réchauffement climatique » et l’implication de l’homme dans ce qui n’est pour le moment qu’un fantasme issu des conclusions des pseudo-experts du GIEC ? Non bien sur ! L’institut Sapiens ne possède pas ces données.

  2. Mais comment pouvons nous avoir des dirigeants, pour ne pas dire des dictateurs, tant au niveau européen que français, pour croire qu’en réduisant, même de moitié et en dépensant des sommes astronomiques, les émissions de GES de pays qui au total en représentent moins de 10 pour cent (et la France à peu près 1 pour cent), pourra avoir un résultat significatif au niveau mondial ?
    Quand arrêtera-t-on de marcher sur la tête dans l’ignorance de mathématiques élémentaires ?

  3. L’idéologie de la Décroissance, c’est un peu l’idéologie de la Collectivisation autoritaire (car la Décroissance ne peut être que.. autoritaire) : elle est une solution de posture, fondée sur un mauvais diagnostic, dont ma mise en pratique produira l’effet inverse au but rêvé: elle produira de la pauvreté qui, en retour, exigera plus d’énergie (comme la Collectivisation a généré plus d’individualisme et d’irresponsabilité.

  4. La seule chose qui marche, c’est la PEUR, comme pour les enfants : « Si tu n’obéis pas , gare au Père Fouettard » ou « Le loup viendra te manger ». On nous prend vraiment pour des imbéciles! Normal puisque nous avons un grand timonier à la barre…

  5. « Toute réaction instinctive et émotionnelle étant à proscrire, la bonne stratégie repose donc sur une analyse rationnelle. » Alors commencez par le début et prouvez SCIENTIFIQUEMENT l’existence du fameux effet de serre et de la nocivité du CO2, théories sur lesquelles reposent l’intégralité de nos politiques économiques.

  6. Excellent point de vue, mais faire référence au GIEC pollue le raisonnement. Pour prendre des décisions censées il faut des données non polluées par une idéologie gauchiste ayant pour seul argument la catastrophe qu’ils appellent de leur veux les plus chers.

  7. Dès que je vois quelqu’un prendre en référence le GIEC sans prendre en compte des milliers d’autres scientifiques qui contestent les causes, les cycles solaires, les changements de route des courants : le Niño et la Niña etc., le doute m’habite.

  8. Le réchauffement climatique existe bel et bien ;mais la part de l’homme y est négligeable. C’est un phénomène cyclique qui a toujours existe et que la terre a parfaitement géré.

  9. La cause anthropique du changement climatique reste à démontrer; tous les modèles donnent les résultats que veulent voir ceux qui les financent, donc actuellement l’oligarchie au pouvoir en occident.

  10. 46 000 tonnes lancé a 22 noeuds ( soit 45 Km heure) sur 500 mètres, l’affaire est cuite il n’y a plus rien à faire même mettre en arrières les machines n’ont pas le temps de réagir voir même possible de casse, toutes façons …. . J’ai fais le quart mainte fois à la passerelle d’un sous-marin, en surface évidement, dans l’Océan glacial Arctique même si on est muni de jumelles il faut aussi protéger les yeux du vent glacial alors faire la veille sans jumelles en plus !

    • Et si on avait mis barre à bâbord toute et en poussant les machines à fond ???
      Je n’ai plus de carte marine… mais ça vaudrait le coup de s’amuser à faire le calcul… pas vrai ?
      Vous étiez à Toulon ? Moi à St Mandrier …

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