[SANTE] L’avortement, un droit fondamental ? Pas au niveau européen ni international

800px-Drapeau_du_Parlement_Européen_de_Strasbourg

Après avoir inscrit la « liberté d’avorter » dans la Constitution française, le camp présidentiel se donne désormais l’ambition d’ajouter ce même droit à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

À ce titre, il est intéressant de voir le glissement qui s’est opéré sur les cinquante dernières années : d’exception, l’avortement, pudiquement appelé par les initiales IVG, est progressivement devenu en France un acte banal, puis, dans le discours des dirigeants français, « un droit inaliénable à disposer de son corps », avant donc de se transformer en droit sanctifié par la Constitution. Le tout s’est accompagné d’un allongement progressif du délai légal pour avorter, qui est passé en cinquante ans de 10 à 14 semaines à partir du début de la grossesse. En parallèle sont intervenues la suppression du délai de réflexion, la suppression du délit d’incitation à l’avortement, la création du délit d’entrave à l’avortement, etc.

Serait-il possible d’entendre en France des propos comme ceux prononcés en 2016 par le président du Tribunal constitutionnel polonais ? « Quelle que soit l’appellation élégante qu’on lui donne, l’avortement est un meurtre », avait alors déclaré le juge Andrzej Rzepliński, qui avait été nommé par une majorité libérale (avec, déjà, Donald Tusk comme Premier ministre) et qui s’exprimait dans un journal de gauche, Gazeta Wyborcza, ouvertement pro-avortement.

Un Parlement européen en phase avec la France et aligné sur l'OMS

Dans ce conflit de normes et de valeurs au sein de l’Union européenne, il ne fait aucun doute que la Pologne est minoritaire et que le Parlement européen est en phase avec les positions françaises. Comme l’OMS, il ne se contente plus de tenter de greffer un droit à l’avortement sous couvert de « droits reproductifs et de santé » ou de « santé sexuelle et génésique », mais depuis quelques années, il ose même le terme de « soins d’avortement » dans ses résolutions.

Des résolutions qui, notons-le, ne sont que des opinions de sa majorité et ne sont pas source du droit. Mais concernant l’avortement, le Parlement européen ne peut rien faire d’autre puisque, dans l’Union européenne, la régulation de cette question est une compétence exclusive des États membres en vertu des traités en vigueur.

La Pologne, exception européenne mais nullement seule au monde

Une ONG polonaise, l’Institut Ordo Iuris pour la culture du droit, a fait partie des rares organisations pro-vie qui sont intervenues et sont parvenues, en alertant et ralliant nombre de pays, à faire bloquer l’adoption, à la Conférence internationale sur la population et le développement qui s’est tenue en 2019 à Nairobi, au Kenya, un texte qui tentait d’introduire l’avortement dans le droit international sous couvert de « santé sexuelle et reproductive ». Car le fait est que, contrairement à ce qui est souvent énoncé en France comme une évidence, l’avortement n’a jamais été un droit au niveau européen ou au niveau international, tandis que le droit à la vie existe bien, lui... même si le moment où il commence à s’appliquer à toute nouvelle vie humaine est interprété différemment selon les pays.

Ainsi, le Tribunal constitutionnel polonais considère depuis les années 1990 que, lorsqu’il est question de droit à la vie dans la loi fondamentale, la conception est le seul moment qui peut être objectivement désigné comme marquant le début d’une nouvelle vie humaine. C’est pourquoi la détermination par le législateur de tout autre stade du développement prénatal comme marquant le moment où doit commencer à s’appliquer la garantie constitutionnelle du droit à la vie serait pour cette cour constitutionnelle un acte arbitraire et une usurpation de pouvoir. Cela n’interdit pas les avortements dans certaines situations particulières, mais cela contraint le législateur à prévoir un niveau raisonnable de protection du droit à la vie de l’enfant à naître dès la conception.

C’est pourquoi les propositions de loi en discussion aujourd’hui au Parlement polonais, qui visent à autoriser l’avortement sur simple demande, sont de toute façon inconstitutionnelles en Pologne à la lumière de la jurisprudence des trente dernières années (et pas seulement à la lumière du jugement de 2020 qui a fait tant de bruit en interdisant les avortements motivés par les anomalies ou maladies graves et incurables du fœtus humain).

Et si la Pologne fait figure d’exception à l’échelle européenne, au niveau mondial, elle est clairement dans le camp de la majorité, puisque 89 pays autorisent aujourd’hui l’avortement sur simple demande ou pour raisons socio-économiques, tandis que 112 pays ne l’autorisent que pour raisons de santé ou ne l’autorisent pas du tout.

La Russie bolchevique fut le premier pays dans l’histoire de l’humanité à autoriser l’avortement en 1920, tandis que la Yougoslavie communiste de Tito fut la première nation à inscrire un droit à l’avortement dans sa Constitution en 1974, la France n’étant que le deuxième pays à le faire.

Quant à l’avortement sur simple demande jusqu’au neuvième mois de la grossesse, qui est le prochain cheval de bataille des partisans de l’avortement dans l’Hexagone (comme on l’a vu avec les discussions autour de la loi Bioéthique, il y a quelques années, et maintenant à nouveau avec la constitutionnalisation du droit à l’avortement), il est aujourd’hui autorisé dans quelques pays seulement : la Corée du Nord, la Chine communiste, le Vietnam, le Canada et quelques États américains gouvernés par les démocrates. C’est aussi une revendication de l’OMS.

La France progressiste, si fière d’avoir envoyé un « signal fort » au monde en constitutionnalisant le droit à l’avortement, sera donc en bonne compagnie dans les livres d’histoire...

L'IVG, un « droit » non reconnu au niveau international

Précisons qu’au niveau international, c’est depuis les années 1990 que le lobby pro-avortement s’efforce d’imposer un droit à l’avortement dans les textes de l’ONU sous l’appellation de « droits reproductifs et sexuels » ou sous les autres appellations du même type déjà mentionnées plus haut. Ces droits reproductifs compris comme englobant le droit à l’avortement ne sont toutefois reconnus explicitement dans aucun traité international et ce terme n’apparaît que dans le cadre de tentatives d’interpréter les traités internationaux de manière extensive à la lumière d’une idéologie bien précise.

Dans plusieurs résolutions adoptées ces dernières années, notamment à l’encontre de la Pologne, le Parlement européen prétend bien que ces « droits reproductifs » (ou encore « droits génésiques ») font partie des droits de l'homme reconnus internationalement : c’est tout simplement faux.

Olivier Bault
Olivier Bault
Directeur de la communication de l'Institut Ordo Iuris

Vos commentaires

14 commentaires

  1. Vue l’évolution il y aura un mix euthanasie – avortement. Celui ci est déjà accordé en France jusqu’à 9 mois en cas de malformation ou de détresse psychologique de la mère. La prochaine étape sera « l’euthanasie » de bébés non conformes. Ce sera assez flou pour laisser une grande latitude de conformité. J’exagère ? Même pas, en lois sociétales le pire est toujours sûr.

    • Je suis en pleine détresse psychologique par la faute de notre gouvernement, je voudrais savoir si j’ai le droit de le supprimer. Pas physiquement, je vous rassure, mais simplement de l’empêcher de nuire.

  2. On n’a pas le droit découper un arbre dans son jardin mais ôter une vie ne gêne personne.

  3. Question : Si le fœtus n’est pas considéré comme un être vivant, pourquoi les femmes enceintes ont-elles recours à l’échographie. Or s’il y a « un outil » qui montre et démontre qu’un être en formation est bien vivant dans le ventre de la mère c’est bien l’échographie. CQFD.

    • « Écartons d’abord les faits, car ils ne touchent point à la question. »
      Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les origines de l’inégalité parmi les hommes

  4. Tout est mis sur cette « loi fondamentale pour la FEMME » alors qu’ils s’apprêtent à « constitutionnaliser » la GPA qu’est rien moins que la marchandisation du corps de la femme et la marchandisation d’un être humain ! … Elles sont où « les féministes » et les pseudos « humanistes » ? ! …

    Décadence quand tu nous gangrène ! …

  5. Macron pour qui tout va bien dans ce pays a choisi de tuer des foetus plutôt que de punir comme il se doit des vrais assassins ,il dormira bien , la conscience tranquille . La loi de Simone Veil était bien suffisante , bien plus juste et plus humaine donc ce qu’a fait Macron n’a pas de quoi le glorifier , bien au contraire .

    • Tout à fait ! Il restera le président de la mort ! On a touché aux plus vulnérables : le fœtus et les personnes âgées et les malades avec l’euthanasie dont Line Renaud a manifesté sa joie au vu de cette nouvelle décision et celle à venir : l’euthanasie !

  6. Revoyez, dans le discours d’Éric Zemmour du 10 mars 2024, les 4 minutes sur Mozart: fin de la discussion.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois