[Point de vue] Bruxelles ne comprend toujours rien aux Balkans

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Le 6 juillet dernier, le Parlement européen a examiné la situation politique de trois pays candidats à l’Union européenne : la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le « Kosovo ». Depuis la dislocation de la Yougoslavie dans les années 1990, les Balkans occidentaux n’ont toujours pas retrouvé la voie de la sérénité et de la prospérité. La corruption, le crime organisé, les rivalités religieuses et ethniques sont, hélas, bien implantés malgré les promesses des États-Unis et de l’Union européenne d’apporter la paix, la démocratie et le respect des droits de l’homme.

La Bosnie-Herzégovine, pays "inventé" par Washington, subît un taux de chômage de 30 % (quasiment 40 % pour les jeunes), un afflux d’immigrés extra-européens et un essor du radicalisme islamiste. La Bosnie-Herzégovine est le deuxième pays européen, par tête d’habitant, pour le nombre de djihadistes envoyés au Moyen-Orient. La première région est le Kosovo, autre création états-unienne, qui ferme les yeux sur Daech et continue de persécuter les Serbes et autres minorités comme les Roms ou les Goranis. Le taux de chômage au Kosovo est également extrêmement élevé. La Serbie, elle, tente de résister à l’occidentalisation du pays mais doit faire face à de graves problèmes de trafic de drogue.

De ces problèmes de chômage, de wahhabisme, de migration et de crime organisé, le Parlement européen n’a pas dit grand-chose. Pour Bruxelles, le seul vrai problème des Balkans, c’est… la Russie. En effet pour se rapprocher du graal européen, la Bosnie-Herzégovine est invitée à « appliquer les sanctions de l’Union européenne » (contre la Russie). L’Union européenne met en garde le pays contre « l’intérêt continu de la Russie pour déstabiliser la Bosnie Herzégovine ». D’ailleurs, Bruxelles ne promet pas qu’un avenir européen à Sarajevo mais également « euro-atlantique ». Bruxelles ferme les yeux sur l’ostracisme contre les minorités au Kosovo mais félicite les Kosovars pour « leur alignement […] sur l’UE concernant les sanctions contre la Russie ». Les députés européens vont même jusqu’à affirmer que « l’indépendance du Kosovo est irréversible », ce qui est une position opposée à celle de l’ONU et de nombreux pays comme l’Inde, l’Argentine, le Brésil, l’Indonésie, l’Algérie, le Vatican et même d’autres membres de l’Union européenne comme l’Espagne ou la Grèce.

Accuser la Russie d’ingérence dans les Balkans alors que les atlantistes ont encouragé la destruction de la Yougoslavie, que l’OTAN a bombardé la Serbie pour lui arracher le Kosovo ou qu’un Allemand* officie à la tête de la Bosnie-Herzégovine ferait doucement sourire si le sujet n’était aussi grave. L’Union européenne se moque des véritables préoccupations des peuples des Balkans. Tout ce qu’elle veut, c’est un alignement sur sa politique suicidaire antirusse pour plaire à l’Oncle Sam et un grand marché sans frontières pour que ses multinationales fassent main basse sur l’économie locale et que l’OTAN y établisse ses bases militaires.

Dans le contexte actuel, une telle vision hors-sol ne va faire que pousser les Balkans non intégrés dans l’Union européenne dans les bras de la Chine, de la Turquie ou de la Russie, qui s'intéressent beaucoup plus à des relations pragmatiques que politiques. Trente ans après les guerres d’ex-Yougoslavie, Bruxelles ne comprend toujours rien aux Balkans.

* NDLR : Le haut représentant international est le plus haut pouvoir politique en Bosnie-Herzégovine, il n'est pas élu par le peuple mais désigné par le Conseil pour la mise en œuvre de l'accord de paix de Dayton de 1995. Cette fonction est aujourd'hui occupée par l'Allemand Christian Schmidt, député et ancien ministre de l'agriculture.

Nikola Mirkovic
Nikola Mirkovic
Responsable d’une association humanitaire

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