Philippe, Le Maire, Darmanin : la glace à trois faces de l’après-Macron

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Une nouvelle de Paul Morand, dans le recueil L'Europe galante (Grasset), s'intitulait La glace à trois faces, par analogie avec le miroir qui, chez le tailleur, permet au client d'observer le résultat sous tous les angles. Le narrateur de la nouvelle se rendait chez les trois maîtresses d'un ami défunt, qui représentaient chacune une part de sa personnalité.

On observe la même diffraction dans le camp de Macron pour 2027 puisque, sauf coup d'État constitutionnel, il ne pourra pas se représenter et que sa « pensée complexe » ne trouve, c'est bien normal, pas d'incarnation évidente chez l'un de ses subordonnés... il est le seul à oser l'« en même temps », le seul à ne pas voir que tout le monde en a marre, aussi, probablement.

Michel Eltchaninoff, dans son magistral Dans la tête de Vladimir Poutine (Actes Sud), faisait du dirigeant russe une « nature large », capable de comprendre et de croire sincèrement une chose et son contraire, selon une formule de Dostoïevski dans Les Frères Karamazov. Macron n'a pas cette sincérité, mais son grand écart permanent oblige ses successeurs éventuels à n'occuper qu'une partie de son créneau idéologique.

Pour 2027, il y a d'abord Édouard Philippe. Lui, c'est le créneau de la « rupture dans la continuité ». Premier ministre historique de la Macronie, en poste pendant la crise des gilets jaunes, aimé des Français si l'on en croit les sondages, il incarne la France des cadres supérieurs de province, de la droite bourgeoise. Il rassure et l'on a déjà oublié ce qu'il aurait pu faire de mal. C'est la force tranquille, la sérénité. Il pense à la dette et aux retraites. Pour le reste, on ne sait pas.

Et puis, il y a Bruno Le Maire. C'est le plus vieux de tous les gendres idéaux. Brillant, pragmatique, bosseur. Toujours à poste depuis plus de cinq ans. Il a pris de l'ampleur au point de devenir une sorte de vice-Premier ministre. Lui, c'est le versant techno de la Macronie. Parisien, surdiplômé, jadis un peu élu local, il laisse peu d'angle mort à l'observateur critique. Ceux qui le trouvent fade ignorent qu'il écrit des romans érotiques, ceux qui le jugent trop ambitieux en rabattent devant sa patience à Bercy. Quant à savoir s'il a un projet pour la France, ou même si ce mot lui inspire autre chose qu'une série de tableurs...

Enfin, il y a Gérald Darmanin. D'imposture en imposture, à force de « se rendre sur place », il a fini, de facto, par occuper le terrain. Il doit se dire que ce qui a marché pour Sarkozy marchera pour lui. Après tout, pourquoi pas ? Lui, c'est le funambule sécuritaire, le troisième invariant de l'en même temps macronien. Il condamne mais rien ne se passe, il multiplie les « grandes fermetés » mais, faute de mesures réelles, il n'y a plus une seule ville moyenne qui n'ait pas son mini-Johannesburg. Par manque de profondeur intellectuelle suffisante, probablement, il n'a retenu de ses maîtres successifs que l'histrionisme médiatique et le carriérisme fébrile. C'est court pour un destin, mais cela a plutôt bien servi à Sarko et Macron. Alors...

Ces trois profils, un peu déprimants pour notre pays, sont cités par Le Huffington Post comme les successeurs potentiels de Macron. Le journal ajoute quelques lignes sur François Bayrou, parce qu'il faut bien rigoler un peu. Pas sûr que cette affiche contribue à réduire l'abstention en 2027...

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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