Construite au XIXe et fermée depuis huit ans en raison de son état de délabrement, l’église de La Ferrière-de-Flée, à Segré-en-Anjou Bleu (Maine-et-Loire), est menacée de démolition. Une affaire qui suscite de vives réactions.

Explications, au micro de Boulevard Voltaire, du curé de cette paroisse, le Père Emmanuel d'Andigné.

 

 

 

L’église de La Ferrière-de-Flée sera-t-elle détruite ? C’est la question que se pose l’équipe municipale en place. Père d'Andigné, vous êtes le curé de cette église. Concrètement, vous êtes opposé à la destruction de cette église. Quels sont les arguments qui ont été avancés pour mettre à bien cette entreprise ?

 

La municipalité a sous les yeux un vieux dossier. Dès les années 90, il a été question soit de rénover complètement, soit de rénover partiellement, soit de détruire et de transférer le culte dans un autre endroit. Cette affaire est très ancienne, mais la municipalité actuelle a récupéré ce dossier.

Au mois de mars, j’ai été informé que le projet retenu pour l’instant pas la municipalité était la destruction de l’église et le transfert du culte dans une petite chapelle. Je ne pense pas que ce soit une bonne solution. J’ai eu l’occasion de le dire récemment parce qu’on a découvert cette affaire très récemment. Comment faire pour régler ce problème ? Cette église est en très mauvais état. Par conséquent, les solutions ne sont pas simples. Dans tous les cas de figure, il faudrait une aide de générosité privée et publique.

 

 

Toutefois, dans la communauté de commune de Segré-en-Anjou Bleu, là où se situe La Ferrière-de-Flée, il y a une quinzaine d’églises. Les municipalités ont-elles les moyens d’entretenir un tel « parc immobilier » ?

 

Bien sûr, elles n’ont pas les moyens de le faire toutes seules. D’ailleurs, dans les années 90, la municipalité qui était toute petite avait réclamé de l’aide qu’elle n’a jamais obtenue. Comme elle ne l’avait pas obtenue, elle avait été obligée de laisser l’affaire se dégrader. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. En effet aujourd’hui, quinze églises pour une commune, c’est un gros budget. Comment va-t-on aider la municipalité à croire en ce projet de conserver le patrimoine ?

Au moment des élections, la municipalité a produit un petit tract sur lequel était inscrit que le patrimoine serait conservé et rénové. Nous étions donc très confiants dans le fait que nous allions pouvoir transformer l’essai en encourageant la municipalité à refaire ce que l’on peut refaire.

 

 

Cette affaire est assez symptomatique. L’église est fermée depuis huit ans et elle est dans un état de délabrement assez avancé. L’Église catholique a-t-elle les moyens d’occuper tous ces lieux de culte et de les faire vivre au sens spirituel ? Comment se situe l’Église sur cette problématique-là ?

 

Je ne suis pas d’accord avec le fait que le catholicisme recule. Il va reculer sur le plan des ressources financières. Ce sont les personnes plus âgées qui font vivre la « boutique ». Nous allons probablement avoir une difficulté financière importante dans les toutes prochaines années.

Je constate que ma paroisse rajeunit et je constatais la même chose dans les paroisses précédentes que j’ai accompagnées. Il n’est donc pas tout à fait exact de dire que le christianisme recule.

Ensuite, la paroisse et l’Église catholique peuvent habiter tous ces lieux sans aucun problème. En revanche, il ne faut pas que l’on veuille les occuper de manière eucharistique et de façon dominicale.

 

 

On envisage les églises comme des églises habitées par un prêtre qui célèbre la messe. En réalité, ce n’est pas la seule « utilité » du lieu.

 

Il y a une utilité essentiellement cultuelle. Il y a la messe, le chapelet, l’adoration, les vêpres, mais il y a d’autres façons « d’occuper » intelligemment une église. Je pense aussi aux gens qui viennent dans une église pour présenter à Dieu une intention de prière très lourde, une souffrance, etc. Beaucoup de gens font cela, mais ce n’est pas mesurable.

Enfin, je pense que l’Église a une fonction symbolique très importante par les utilisateurs irréguliers de l’Église, c’est-à-dire ceux qui participent à un baptême, un mariage ou une sépulture et qui peuvent en être complètement transformés. J’en ai vu un certain nombre.

Encore un peu plus loin, il y a un cercle de gens pour qui l’existence même des pierres qui manifestent une transcendance chrétienne est une référence très importante vaguement religieuse. Toute la question, pour les paroisses, est de savoir si on part en mission ou non. Si on se dit que nous allons nous lancer dans la mission, on va habiter ces églises de manière régulière ou irrégulière avec des prêtres ou même sans des prêtres, on peut animer un chapelet sans un prêtre, nous ferons beaucoup de choses. Depuis vingt ans, un paroissien du village ouvre et ferme tous les jours l’église et sonne l’angélus. J’admire beaucoup ce monsieur pour sa régularité incroyable. Il donne un cœur et une âme à cette église. Comme par hasard, dans cet endroit, il y a un système de concerts qui fait que, petit à petit, ils ont refait la chaire et le retable. C’est une façon intelligente d’habiter l’église.

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28 mai 2021 à 19:04

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