[PEOPLE] Charles III le Vegan

Il n’y a pas à dire, les Britanniques savent y faire. Preuve en est la présentation, le 1^er mai dernier, du Coronation Roll au roi Charles III et à son épouse la reine Camilla, presque un an après cette cérémonie historique du couronnement. Coronation Roll : en français, « rouleau du couronnement ». Un document tout à fait officiel dans lequel est enregistré tout le processus du couronnement, allant de la proclamation du roi après le décès de son prédécesseur jusqu’au déroulé complet de la cérémonie avec l’organisation des cortèges, le rôle des grands officiers ainsi que la liste des invités. D'ailleurs, pour vous rassurer sur ce sujet, sachez que la présence de Son Excellence Emmanuel Macron et de Madame Brigitte Macron est bien mentionnée sur ce document historique (nous avons vérifié !). Certes, après celle de Son Excellence Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et du représentant de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Satané ordre alphabétique dans lequel les Britanniques ont mis dans le même sac États souverains et machins internationaux. Et c'est ainsi que European Commission et European Bank sont passés devant French Republic. Mais n'allons surtout pas imaginer qu'il s'agit d'une vachardise dont nos amis d'outre-Manche ont le secret...

Pas de la peau de mouton : pour le bien-être animal...

Magnifique document, en tout cas, calligraphié à la main, orné d’enluminures, ce parchemin long de 21 mètres est donc destiné, pour son conditionnement, à être enroulé (d’où le terme roll), comme c’est la tradition depuis le XIV^e siècle - le premier Coronation Roll datant de 1308, à l’occasion du couronnement du roi Édouard II Plantagenêt et de son épouse Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel. Au passage, rappelons que c’est à cause de ce mariage que vinrent, par la suite, les prétentions des Anglais au trône de France. D’où la guerre de Cent Ans. Passons. Parchemin, disions-nous. En fait, stricto sensu, ce n’est pas un parchemin puisque, pour la première fois depuis 1308, et c’est là la grande innovation – on n'ose dire « révolution » -, ce document officiel a été rédigé sur du papier et non sur une peau de mouton ou de chèvre. En effet, « parchemin » vient du latin Pergamena, qui signifie « peau de Pergame », parce que c’est dans cette ville d’Asie mineure qu’aurait été inventé, dans l’Antiquité, ce procédé. The Telegraph n’hésite donc pas à titrer : « Le roi et la reine reçoivent le premier rouleau du couronnement vegan ». « Par souci du bien-être animal », ajoute le quotidien britannique. Au prochain couronnement, remplacera-t-on les chevaux de la garde par des trottinettes, par souci du bien-être animal ? That is the question. Il est vrai que Charles serait devenu vegan sur le tard. Histoire de limiter son « impact sur l’environnement », avait-il expliqué, en 2021, dans une interview à la BBC. Reçu à Versailles en grande pompe par Son Excellence Emmanuel Macron en septembre 2023, le roi a-t-il touché au homard bleu, au tourteau de casier et à la volaille de Bresse proposés au menu ? On l’ignore. Deuxième grande innovation : ce document fait l’objet d’une large publication par le biais d’Internet, avec l’incrustation d’extraits de vidéos du couronnement et d’interviews. Une mine d’informations pour qui s’intéresse aux us et coutumes de la monarchie britannique. Tout ça, c’est pour le côté résolument moderne de la chose.

Le charme des vieilles maisons qui se tiennent

Dieu merci, en parcourant ce Coronation Roll pour les nuls, on découvre que de nombreuses coutumes délicieusement désuètes ont été maintenues par bonheur lors de ce couronnement. Le charme des vieilles maisons qui tiennent par la force du lierre et, finalement, se tiennent ! Ainsi, le Coronation Claims Office (Bureau des réclamations du couronnement : eh oui, ça existe !) a dû faire droit aux demandes de nombreuses personnes ou représentants d’institutions désirant faire partie du cortège. Par exemple, les barons des Cinque Ports (ces ports de la côte sud de l’Angleterre qui jouissaient, autrefois, de privilèges remontant au XI^e siècle, en échange de la fourniture de bateaux de guerre) étaient en droit de porter le dais du roi. Or, ce dais n’est plus utilisé, mais en reconnaissance du rôle historique de ces ports, leurs représentants (les « barons ») ont reçu des sièges au service du couronnement.

On pourrait sourire de ce Bureau des réclamations qui, dans un autre genre, doit être tout aussi utile que notre Conseil constitutionnel, mais il n’empêche qu’à sa mise sur pied, on y avait placé pour le diriger Oliver Dowden, alors secrétaire d’État sans portefeuille et chancelier du duché de Lancaster, vice-Premier ministre depuis le 21 avril 2023. Donc, pas n'importe qui. Le 5 janvier 2023, il signait ce communiqué : « Le couronnement de Sa Majesté le roi sera un événement capital dans l'histoire de notre pays. Le nouveau Bureau des réclamations du couronnement veillera à ce que nous répondions au souhait du roi que la cérémonie soit enracinée dans la tradition et l'apparat, mais qu'elle embrasse également l'avenir. Toutes les réclamations doivent être soumises par écrit au Bureau des réclamations du couronnement avant 17h30 le vendredi 3 février 2023. Les formulaires de réclamation peuvent être téléchargés ici et envoyés par e-mail à [email protected] ou par courrier… » Damned!, on l'aurait su plus tôt... En tout cas, on admirera ce mélange de tradition et de modernité !

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