Pénuries de médicaments : où se situent les responsabilités ?

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Il y a quelques jours, des infectiologues et des pharmaciens participant à un réseau de lutte contre l'antibiorésistance ont publié une tribune dans Le Point pour dénoncer la pénurie d'un antibiotique largement prescrit (amoxicilline), susceptible d'entraîner selon eux le développement de nouvelles antibiorésistances liées à l’usage généralisé d'antibiotiques de substitution qui jusque-là n'étaient réservés qu'à certaines affections précises.

Ce phénomène n'est pas nouveau et déjà, en 2014 dans ces mêmes colonnes, nous dénoncions cette augmentation des antibiorésistances, que l'on peut bien sûr attribuer à un usage inapproprié des antibiotiques dans beaucoup d'affections virales où ils ne sont indispensables qu'en cas de surinfection ou de fragilité du malade, mais sans oublier également l'utilisation intensive qu'en font les éleveurs d'animaux en batterie.

Cette pénurie de médicaments ne concerne pas uniquement les antibiotiques, les médicaments utilisés dans les maladies cardio-vasculaires, le système nerveux ou le cancer sont également très touchés par ce phénomène de pénurie.

En 2020, 2.446 signalements de tension d'approvisionnement ont été rapportés à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), alors qu'on en dénombrait moins de 600 trois ans plus tôt . Ces tensions d'approvisionnement ont été bien sûr accentuées par la pandémie de Covid-19, car la plupart des principes actifs nécessaires à l'élaboration des médicaments sont fabriqués en Chine ou en Inde, ce qui faisait dire à Bruno Le Maire, en février 2020 : « Nous ne pouvons pas continuer à dépendre à 80 ou 85 % de principe actifs pour les médicaments qui sont produits en Chine, ce serait irresponsable et déraisonnable. » Hélas, nous n'avons toujours pas changé de fournisseur et n'avons pas relocalisé les usines de production.

Pour expliquer ces ruptures d'approvisionnement, les laboratoires invoquent des problèmes liés à des incidents de production ou à une demande mondiale accrue, mais de nombreux observateurs dénoncent le fait que beaucoup de ces médicaments en rupture sont anciens, peu coûteux et donc moins rentables à produire pour les industriels, et que les normes commerciales imposées par la mondialisation du marché orientent leur distribution vers les pays qui les paient le plus cher, au détriment de ceux comme la France où le prix du médicament est imposé et relativement bas pour ce qui concerne les médicaments d'usage courant.

Pourtant, il existe en France des décrets qui obligent les industriels, afin de prévenir les pénuries, à posséder un stock minimal de plusieurs mois et d'apporter dans les meilleurs délais des solutions pour assurer la continuité des traitements, et l’ANSM peut envisager des sanctions financières contre les laboratoires qui ne respectent pas cette réglementation. Cependant, ces contraintes nationales paraissent peu efficaces face aux exigences d'un marché mondialisé, ce qui fait dire aux auteurs de cette tribune publiée dans Le Point qu'« une production sur le territoire national ou européen pourrait apporter une partie de la solution mais nécessiterait une volonté politique doublée d'une stratégie industrielle forte, aux dépens toutefois d'un coup d'achat plus élevé ».

Il serait étonnant que cette demande puisse être satisfaite, car depuis longtemps déjà l'industrie pharmaceutique a imposé sa loi, et les décisions politiques en matière de santé ne sont effectives que si elle les agrée.

Dr. Jacques Michel Lacroix
Dr. Jacques Michel Lacroix
Médecin - Médecin urgentiste et généraliste

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Tout celà est voulu par nos industriels et nos politiques depuis les années 8O ! Mais bon, les français votent pour les mêmes pines et même les réélisent, donc si il n’y a pas une révolution, rien ne changera et le pays deviendra un pays du tiers monde qu’il est déjà à moitié !!!

  2. Qui est responsable ? Tous les Ministres de la santé , Premier Ministres et Présidents depuis 20 ans.

  3. Tout cela est voulu, ne soyons pas naifs !… Moins de lits d’hopitaux, moins de soignants, moins de médicaments, des déserts médicaux, donc, moins de dépenses pour la Sécu.

  4. Le lobby pharmaceutique étant le plus puissant et le plus corrompu ( largement prouvé par l’épisode Covid 19 et sa gestion ) il faudra donc boire le calice jusqu’à la lie…. Et préserver sa propre santé autant que faire se peut !

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