Certains trouveront la comparaison délétère, les termes par trop mercantiles, mais l’offre politique pourtant pléthorique n’a pas suscité de demande suffisante. L’addition des abstentions (51,29 %), des nuls (0,34 %) et des blancs (0,74 %) donne 52,37 %, soit la majorité absolue obtenue dès le premier tour pour le parti de la pêche à la ligne. La législature prochaine devrait, en bonne logique, se tenir dans un Hémicycle vide de tout représentant. Mais la politique, comme la nature, a horreur du vide… et cela ne sera donc pas.

Blâmer ceux du parti de la pêche à la ligne ? Oui, pourquoi pas, ils ont failli à leur devoir électoral de citoyen. Il est des pays comme la Corée du Nord où l’on aimerait pouvoir voter librement, où cette moue d’enfant blasé devant une vitrine de pâtisserie choquerait : ils sont privés de ce droit que nous dédaignons. À l’instar de la devise du palmipède satirique ("la liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas"), la démocratie se délite quand on la dédaigne.

Blâmer les jeunes qui, plus massivement que leurs aînés, ont déserté les urnes ? C’est tentant, mais est-ce bien prudent ? Si les générations précédentes avaient fait de la politique proprement, en servant un bien commun plutôt qu’en luttant pour le pouvoir de leur chapelle, parfois en empochant le pognon de la quête, les jeunes auraient des raisons plus convaincantes de s’investir dans une citoyenneté active qui commence avec le dépôt de son vote dans l’urne. Ajoutons à cela que l’éducation qu’ils ont reçue n’y porte pas nécessairement. Ils ont de bonnes excuses. Il faudrait plutôt les inciter à entrer eux-mêmes en politique, mais bonne chance pour trouver les arguments !

Blâmer les médias, leurs propriétaires et leurs journalistes ? Ils ont largement contribué à discréditer un establishment corrompu. Leur parti pris univoque en France choque tous ceux qui comprennent que cette absence de pluralité cause un gigantesque dommage à notre démocratie flageolante. Oui, ils sont responsables, mais l’information alternative existe aussi, pour qui sait la chercher.

Blâmer les partis ? Certes, s’ils avaient agi avec cohérence et courage, il serait encore possible de croire qu’ils peuvent apporter quelque chose de bénéfique à la vie politique, mais la veulerie et le calcul semblent présider à leur façon d’agir, pas le moteur de l’intérêt public.

Blâmer les hommes et femmes politiques ? Ils sont l’offre dont la demande ne veut manifestement pas. Les piles de bulletins restées sans baisser faute de votants pour les prendre dans tous les bureaux de vote portaient leurs noms. Une tentation serait de dire que, dans toutes les circonscriptions où un seuil de participation des 2/3 des inscrits pour un premier tour ne serait pas franchi, une nouvelle élection devrait être organisée, mais qu’il soit interdit aux candidats du premier tour de s’y présenter.

Blâmer les poissons ? Il faut bien un bouc émissaire. Je sais, un poisson, ce n’est pas un bouc.

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13 juin 2017 à 17:14

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