Dans une tribune intitulée « Mainmise de l’industrie pharmaceutique sur le pays : pas plus de réaction que ça… » parue sur Boulevard Voltaire, le 31 mars dernier, j’écrivais qu’il serait temps que le Sénat fasse son travail et contrôle l’action gouvernementale en vérifiant, notamment, la sincérité des données chiffrées relatives à l’occupation des lits de réanimation. C’est sur ces données de plus en plus contestées, parmi d’autres, que s’appuie Emmanuel Macron pour étendre le confinement à l’ensemble du pays. Et la haute assemblée de me répondre que j’ignorerais qu’« il y a une mission commune d’information sur le sujet ». Une telle mission a, effectivement, été mise en place en janvier dernier au Sénat, mais son objet n’a rien à voir avec ce dont il est question dans ma tribune. Cette mission est simplement chargée « d’évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités ».

Lorsque les acteurs de notre démocratie représentative sont pris en défaut, ils se croient particulièrement habiles en répondant à côté de la plaque. Il faudrait qu’ils lisent (ou relisent) les Trois discours sur la condition des grands de Pascal. Cela les empêcherait de tomber dans ce travers hautement narcissique qui consiste à croire que l’onction des urnes leur aurait conféré une supériorité devant laquelle leurs concitoyens n’auraient qu’à s’incliner.

La manière arrogante et mensongère dont est gérée la crise sanitaire et que l’opposition fait semblant de dénoncer en boycottant un vote purement consultatif, ce degré zéro de la politique jamais atteint suscitent une irritation grandissante chez les Français. C’est l’occasion de se souvenir de la différence que fait Pascal entre les « grandeurs d’établissement » et les « grandeurs naturelles ». « Si vous êtes duc et honnête homme, écrit-il, je rendrai ce que je dois à l'une et à l'autre de ces qualités. Je ne vous refuserai point les cérémonies que mérite votre qualité de duc, ni l'estime que mérite celle d'honnête homme. Mais si vous étiez duc sans être honnête homme, je vous ferais encore justice ; car en vous rendant les devoirs extérieurs que l'ordre des hommes a attachés à votre naissance, je ne manquerais pas d'avoir pour vous le mépris intérieur que mériterait la bassesse de votre esprit. »

Puisque ma tribune du 31 mars s’inquiétait aussi de la mise sous le boisseau, par la commission des affaires sociales, de la question des traitements, j’en profite pour préciser que le président de la bien tardive mission commune d’information est le sénateur Bernard Jomier. Élu sénateur de Paris en 2017 sur la liste Nouveaux souffles : progressistes, écologistes, européens, démocrates, apparenté au groupe socialiste et républicain, ce médecin qui fut l’un des rapporteurs de la commission d’enquête du Sénat sur le Covid-19 (à quoi a-t-elle servi ?) avait interrogé le professeur Didier Raoult – c’était le 15 septembre 2020. Lui ayant expliqué de façon péremptoire que, dans le monde entier, son traitement n’était plus utilisé, le sénateur écologiste avait conclu son intervention en ces termes : « Est-ce que ça signifie que le monde entier est aujourd’hui dans l’erreur ? »

Il est utile de réécouter la réponse particulièrement sévère et argumentée de Didier Raoult qui met en évidence les lacunes et les insuffisances à l’origine des affirmations du sénateur Vert. Et Didier Raoult d’ajouter : « Que chacun fasse son métier, et les vaches seront bien gardées. » Depuis plus d’un an, le manque de transparence sur les conflits d’intérêts, la mauvaise foi des chaînes d’information et l’absence de travail de l’opposition font le jeu du lobby pharmaceutique au détriment de la santé des Français et de celle de l’économie du pays.

« Restez chez vous, allez voter ! », disait-on, hier, aux Français. « Faites-vous vacciner, restez chez vous ! », leur dit-on aujourd’hui. Le sénateur Bernard Jomier, qui crut, en septembre dernier, faire la leçon au professeur Raoult, préside, sept mois plus tard, une mission aussi bavarde qu’inutile sur les effets du confinement. Au Sénat, il n’y a pas de petits hochets qui ne trouvent preneur sous l’œil vigilant et œcuménique de son président.

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07 avril 2021 à 16:30

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