Parce qu’on a tous un paysan dans sa famille : une exposition photo qui rend hommage au monde rural

tracteur enfant

« Capturer le visage du monde agricole » : loin, bien loin de l'agribashing, des séries Netflix et du « tout connecté », une exposition photo prometteuse se tient à Houlgate en Normandie du 8 juin au 24 septembre. C'est à l'occasion du Festival 2022 « Les femmes s'exposent » que Victorine Alisse, petite-fille d'agriculteurs, a tenu à rendre hommage à ce monde rural qui se meurt  « parce qu'on avait tous un paysan dans la famille », et parce que sa grand-mère un jour lui raconte avoir vu son agriculteur de mari pleurer à l'idée de prendre sa retraite, la jeune photographe de 29 ans «  prend conscience que ce monde là disparait et qu'il faut en garder la mémoire. Je me suis dit : si je ne m'y intéresse pas maintenant, qu'est-ce qu'on va garder de tout ça ? Je voulais que toutes ces histoires isolées racontent quelque chose de la transformation du monde agricole. En prenant en photo les agriculteurs, j'ai essayé de trouver en eux une forme d'authenticité, de les prendre tels qu'ils sont. C'était à la fois un hommage à mon grand-père et à la fois un questionnement plus large sur ce qu'il en est de la disparition des fermes en France »,

Un bel hommage en effet : « en trente ans la France a perdu progressivement plus de la moitié de ses exploitations agricoles, 200 fermes disparaissent chaque semaine et un agriculteur sur deux ignore s'il aura un successeur ». En 1955, le secteur employait 31% de la population, chiffre ramené à 1,5 % en 2019. Car derrière ces statistiques, des drames humains, parfois médiatisés grâce à un film à comme  Au nom de la Terre rappellent qu'aujourd'hui, en France, c'est un agriculteur qui se suicide chaque jour (estimation de la MSA).

Une réalité finement et justement analysée par Patrick Buisson dans son ouvrage La fin d'un monde (éditions Albin Michel) pour qui « la crise de l'exploitation familiale écartelée entre la tradition et le désir des fils d'évoluer vers les milieux urbains » gages de revenus plus élevés, modernisation des méthodes de travail, souci de productivité et départs à la retraite anticipés ont précipité la fin du monde rural. Signe (avec la dilution de la pratique religieuse) de la fin de notre civilisation, en témoignent ces paroles des jeunes : « le travail de la terre c'est trop dur » ou encore « la terre c'est l'esclavage, pas la peine de se faire chier dessus ». L'indépendance d'esprit de Patrick Buisson lui permet de dire que le mouvement d'émancipation des femmes qui les a poussées à partir travailler en ville a été un facteur déterminant : « se lever entre 5h30 et 6h30 du matin, porter le lait au camion, préparer le petit déjeuner, faire la vaisselle, les lits, le ménage, la lessive, préparer le repas, nourrir les poules et les lapins, donner un coup de main aux champs (...) cette vie grevé de servitudes immémoriales (...) quelle fille d'agriculteur pouvait encore l'accepter ? ». Une évolution tout à la fois salutaire - sans ce deuxième salaire peu de petites exploitations seraient encore debout - et terriblement mortifère car participant à ce que l'auteur appelle « l'ethnocide bienveillant » des campagnes et sa désertification : en 2019, 73% des agriculteurs sont des hommes et 55% d'entre eux, célibataires à 25%, ont plus de 50 ans (le taux de célibat du monde rural étant trois fois plus élevé que dans les autres secteurs d'activité).

Si les féministes ne se préoccupent pas des vrais problèmes des femmes, les écologistes eux sont au fil des ans, devenus les ennemis des paysans. Trop empêtrés dans leurs  liaisons dangereuses, fleurtant entre islamo gauchisme et délires progressistes, par haine de la tradition et du conservatisme, ils concentrent leurs forces sur le sauvetage des sapins de Noël, le port du burkini ou la construction de pistes cyclables non genrées. Reconnaissons à José Bové d'avoir au moins lutté contre les OGN et la malbouffe. Sans voir que c'était de l'âme et de l'identité française qu'il s'agissait.

Le temps d'une émission de télé (L'amour est dans le pré), d'une exposition photo comme celle de Victorine Alisse ou d'un confinement (la peur de manquer), les Français renouent parfois avec leurs paysans. L'angoisse d'une famine mondiale fera peut-être mieux que cela, quitte à faire mentir cette phrase de Patrick Buisson « qui peut croire que, dans la terre de Monsanto, puisse un jour renaître des paysans et encore moins des chrétiens ? » Chiche !

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Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

4 commentaires

  1. N’oublions pas que la nourriture vient de la terre et aussi la remarque de Mark TWAIN « Achetez de la terre, il y a longtemps qu’on n’en fabrique plus » ou celle de P RABHI « L’agriculture est la seule activité indispensable à l’humanité »
    Le retour à la terre contraint est inéluctable. Regardez le rapport : Nombre d’habitant divisé par la surface agricole. Il faut nous y préparer nous comme le dit Yves Cochet. Se souvenir des paysans est seulement une première étape dans la prise de conscience.

  2. Il faut une pandémie et une guerre (qui ne nous regarde pas) pour que certains s’aperçoivent que le monde rural existe. Les mêmes qui, lors du confinement, ont envahi le monde rural en venant y habiter mais en ne voulant supporter que les avantages et non les inconvénients. Les mêmes qui disaient en parlant du monde rural « la France profonde ». Ces paysans aiment leur terre, leurs animaux, leur pays. Discuter avec eux est un plaisir, ils vous apprennent beaucoup. Sans eux, la France n’est rien.

  3. Et pendant ce temps il y a les exploitants agricoles qui s’enrichissent en cultivant des betteraves, du maïs (qui assèche les nappes phréatiques), pour produire du « bioéthanol » !
    Et dire qu’en plus, ils militent pour la préservation des terres agricoles ce qui aggrave la crise du logement et l’univers concentrationnaire urbain ! Monde agricole et « écolos-bobos » même combat contre l’humanité !

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