« On fait les choses par obligation, en obéissant comme des moutons simplement parce qu’on l’a décidé au niveau de l’Etat. »

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Médecin généraliste à Tourcoing, le docteur Bertrand Legrand revient sur l'extension du pass sanitaire annoncée, lundi, par Emmanuel Macron. Il dénonce notamment l'incohérence d'une mesure qui intervient alors même que le nombre de doses disponibles n'a toujours pas augmenté.

Réaction au micro de Boulevard Voltaire.

 

 

Emmanuel Macron l’a annoncé avant-hier soir, le vaccin va devenir une obligation. Comment avez-vous accueilli les annonces d’Emmanuel Macron ?

Avec un sourire assez narquois. On est sur une obligation qui n’existe pas, mais il devient invivable de ne pas se vacciner. Même si les gens se sont arrêtés à l’interdiction d’aller boire un verre en terrasse, il y a aussi, derrière, l’interdiction d’aller faire ses courses dans un supermarché. Il faut noter que c’est une mesure antisociale pour les gens qui n’ont pas les moyens d’aller dans une épicerie bio. J’ai trouvé assez étonnant d’avoir ce contre-pied où on nous fait croire pendant très longtemps que la vaccination ne sera pas obligatoire. Dans un premier temps, on ne délivre pas le nombre de doses nécessaires et, finalement, on rend la vaccination obligatoire, mais on n’a toujours pas augmenté le nombre de doses disponibles.

 

Depuis les annonces du Président, avez-vous noté une augmentation des demandes de vaccination ?

C’est le côté assez amusant de la chose. Mon téléphone a sonné 450 fois, le lendemain des annonces du président de la République. On sait tous que Doctolib a fait exploser son standard. Les idées des anti-vaccins face à l’impossibilité d’aller boire un coup en terrasse ne semblent pas faire long feu. Moi-même, j’ai vacciné quelqu’un qui ne croyait pas à l’existence du coronavirus mais qui voulait absolument prendre l’avion. Il devient hilarant de faire des choses par obligation en obéissant comme des moutons, simplement parce que l’État l’a décidé.

Il y a un côté frustrant, puisque je suis intimement persuadé que la vaccination est nécessaire aux patients et qu’elle leur permet de sauver leur vie, mais en réalité, ils ne viennent pas se faire vacciner pour cette raison-là mais pour pouvoir boire un coup en terrasse.

 

Le débat n’est finalement pas entre les pro-vaccins et les anti-vaccins, mais sur cette stratégie sanitaire. Nous avons l’impression que c’est une insulte quotidienne à l’intelligence.

On cherche à obtenir 80 % d’immunité en même temps. En théorie, lorsqu’on fait un vaccin, plus un rappel, on a une immunité qui dure un certain temps. À l’issue de ce temps, il n’y a plus cette immunité pour les premiers vaccinés. C’est la raison intellectuelle et théorique pour laquelle, éventuellement, on aura, un jour, besoin d’une troisième dose.

Lorsqu’on regarde les études, on n’a pas atteint ce certain temps, et donc pas atteint le point de fin. Il semblerait que cette information n’ait pas percuté le niveau cérébral de notre président de la République.

Par conséquent, il nous invente une nécessité absolue, en septembre, de faire une troisième dose. La troisième dose est nécessaire pour les gens qui sont immuno-déficients, mais sûrement pas pour toute la population. Avant de faire la troisième dose des gens qui ont accepté de se faire vacciner, on fait la dose pour les gens qui souhaitent se faire vacciner pour la première fois.

 

Dr Bertrand Legrand
Dr Bertrand Legrand
Médecin généraliste à Tourcoing, fondateur de l'observatoire du Tiers payant, secrétaire général CSMF 59-62, fondateur de Vitodoc

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