Notre-Dame est revenue à Notre-Dame !

©GabrielleCluzel
©GabrielleCluzel

Pour la réouverture officielle, le 8 décembre, le pape ne sera pas là et le Président parlera finalement sur le parvis… Qu’importe ! Ce vendredi 15 novembre, Notre-Dame est revenue à Notre-Dame, et c’est là l’essentiel. La cathédrale est réanimée, au sens étymologique du mot. Elle est la première à entrer. Elle vient de Saint-Germain-l’Auxerrois, où elle a été posée le temps des travaux. Dans les rues parisiennes, une procession aux flambeaux immense l’a accompagnée. La statue - un fac-similé, car l’originale, trop fragile, a été transportée directement en camion -, sur un brancard fleuri, est portée par les chevaliers du Saint-Sépulcre. De loin, vus du Pont-Neuf, les cierges allumés en serpentin sur les quais de Seine étroits ressemblent aux « lucioles sortant de la grande catacombe » chères à Philippe de Villiers.

La miraculée

Savez-vous que cette statue de deux mètres est appelée « la miraculée » ? Cette Vierge intacte au milieu des gravas, c'était un concentré d’espérance dans la déréliction générale. L’abbé Stéphane-Paul Bentz, chapelain de Notre-Dame, parle, sur RCF, de « prodige » : « Il y avait un amas de pierres et de bois à ses pieds, mais elle est restée debout. » Il y voit tout un symbole : « Dans la tradition chrétienne, la Vierge qui reste debout, c’est le Stabat Mater : la Vierge debout au pied de la Croix. »

Si l’on en croit le site de la boutique de Notre-Dame qui en propose une reproduction aux touristes, « dès le XIIe siècle, un autel dédié à Marie était adossé au pilier sud-est de la cathédrale. Cet emplacement était un haut lieu de dévotion depuis le Moyen Âge. » Mais c’est bien plus tard, en 1818, que l'architecte Viollet-le-Duc a remplacé la Vierge du XIIIe siècle, détruite pendant la Révolution, par une Vierge à l'Enfant : cette « nouvelle » sculpture date du milieu du XIVe siècle. Elle provient de la chapelle Saint-Aignan, située dans l'ancien cloître des chanoines, sur l'île de la Cité.

Claudel et Huysmans 

C’est auprès de celle que l’on appelle aussi « la Vierge du Pilier » que le poète Paul Claudel se convertit, au cours des vêpres de Noël 1886 : « J’étais moi debout dans la foule, près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus.. Dans son livre La Cathédrale, Huysmans décrit le visage de pierre : « La bouche se contracte en une apparence de moue et prédit des pleurs. Peut-être qu’en parvenant à empreindre en même temps sur la face de Notre Dame ces deux sentiments opposés, la quiétude et la crainte, le sculpteur a voulu lui faire traduire à la fois l’allégresse de la Nativité et la douleur prévue du Calvaire. » Sauf que cette fois, la douleur (de l’incendie) a précédé l’allégresse (du grand retour).

Pour la petite histoire (actualité oblige), en juillet 2017, Melania Trump, en marge d’une visite officielle de son mari, s’était rendue à Notre-Dame en compagnie de Brigitte Macron. Deuxième « first lady » - après Jackie Kennedy - de confession catholique, elle avait tenu à aller vénérer la couronne d’épines et avait posé deux bougies devant ladite statue. Monseigneur Patrick Chauvet, qui leur servait de guide, les avait fait entrer avec ces mots : « Ici, il y a une première dame à visiter ! C’est Notre-Dame de Paris qui vous accueille, la maîtresse de maison et surtout la plus belle femme du monde ! » Donald Trump, lui aussi, est très attaché à Notre-Dame : « C'est si terrible d'assister à ce gigantesque incendie à Notre-Dame de Paris. Peut-être faudrait-il utiliser des bombardiers d'eau pour l'éteindre. Il faut agir vite », avait-il très vite tweeté (agaçant un peu, par ses conseils aussi radicaux qu’expéditifs, les Français). Et plus tard, lors d’un meeting, il avait déclaré que cette cathédrale était « l'un des grands trésors du monde », « probablement plus importante que pratiquement tous les musées du monde ». On dit le nouveau président des États-Unis mufle et misogyne ; il est au moins une « dame » qu’il respecte.

La « dame » sur son pilier 

La « dame » - c’est d’ailleurs ainsi que l’appelait sainte Bernadette, à Lourdes - a donc retrouvé sa place sur le pilier. Pendant ce temps sonnaient les cloches. Le plus troublant (et le plus touchant) ? Entendre les mêmes prières, les mêmes cantiques que ceux que la foule spontanément rassemblée avait entonnés devant la cathédrale en feu, il y a cinq ans. La boucle est bouclée. On dit des cathédrales qu’elles sont des catéchismes en image : les pérégrinations de cette Vierge à l’Enfant racontent à elles seules l’incarnation, la passion, la rédemption et la résurrection. Jusqu’à la symbolique de son entrée dans la cathédrale tandis que les fidèles restent encore sur le parvis. Stabat mater dolorosa il y a cinq ans, elle est aujourd’hui Felix caeli porta, comme dans le cantique grégorien moyenâgeux Ave maris stella : heureuse porte du Ciel qui précède les élus.

Foin des politiques, des notables et des prélats qui se presseront à l'intérieur, le 8 décembre, le « vrai » retour de Notre-Dame, c’était ce vendredi.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Notre Dame est de nouveau a sa place. Notre petit monsieur, lui, aura le droit au parvis…et s’il y avait des oubliettes a Notre Dame de Paris, c’est bien la que les français souhaiteraient qu’il soit !

  2. Merci chère Gabrielle. Marie est la première dame de France et du monde et on la prie dans toutes les langues. Chez nous soyez reine ,soyez la madone qu’on prie à genoux. Elle sera toujours debout et elle nous ouvre la porte du ciel comme on lui a rouvert la porte de
    NOTRE DAME ce vendredi .

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois