Nicolas Hulot : celui qu’on exhibait comme un Ushuaïa politique

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Je ne vais pas feindre le regret.

Nicolas Hulot a décidé de démissionner à partir d'une insatisfaction personnelle profonde et d'une analyse politique lucide : j'avais un peu d'influence mais pas de pouvoir.

Je ne suis pas assez féru en écologie pour avoir la prétention de juger son bilan. D'autant plus que même les spécialistes ne s'y retrouvaient plus. Entre ce qu'on lui accordait du bout des lèvres gouvernementales et les refus qu'on lui opposait, il était difficile de voir autre chose, dans sa quotidienneté, qu'un chemin de croix éprouvant, une succession d'états d'âme qui faisaient la "une" de son actualité ministérielle.

Je pense tout de même qu'après mille hésitations, avancées et reculs, le fait d'avoir osé se colleter avec la politique au jour le jour était courageux de sa part car, intelligent et pessimiste, il devait bien se douter qu'il avalerait plus de couleuvres qu'il n'accomplirait d'actions positives, qu'il serait plus critiqué que soutenu et que, comme un saint Sébastien criblé de flèches, il apparaîtrait comme un martyr de la cause écologique mais, le comble et le paradoxe, en l'ayant peu servie.

Sa démission projette une étrange et singulière lueur sur ce gouvernement et ce pouvoir. Il part parce qu'en réalité, derrière les mots, les hommages et les apparences, il n'avait pas la moindre importance. Au fond, tout pour la façade et rien pour la substance. Un Hulot, cela peut toujours servir ! Lui a eu l'intuition de le deviner très tôt et il n'avait pas vocation à une inutilité, même somptuaire.

Il y a des ministres qui ne servent à rien, qui n'ont aucun impact sur le réel et qui, pour la Culture et la Justice, par exemple, laisseront un bilan comme s'ils n'avaient jamais été en charge de ces responsabilités pourtant capitales.

Comme l'avait écrit Chamfort, c'est un grand avantage de n'avoir rien fait mais il ne faut pas en abuser.

Nicolas Hulot tire les leçons d'une expérience qui a échoué à cause de lui - pas assez de synthèse entre Créon et Antigone - mais aussi parce qu'on n'a pas su, pas voulu lui donner une légitimité concrète et opératoire en se contentant de l'exhiber comme un Ushuaïa politique.

Françoise Nyssen, malgré ses transgressions renouvelées et régularisées - comme c'est commode ! -, continue à être soutenue par un Premier ministre et un Président (qu'elle accompagne à l'étranger) qui s'obstinent à perdre leur crédit en maintenant leur confiance à un naufrage. À croire que ce ministre, sur un plan personnel, s'il a peu d'influence, a certainement beaucoup de pouvoir ! Elle n'a jamais songé à démissionner et elle s'en vante.

Nicolas Hulot, tout au long, n'a aspiré qu'à l'inverse. Il a mis fin à son cauchemar. Il aura le bonheur de se retrouver face à lui-même, dans sa liberté et sa sincérité.

En effet, je ne feindrai pas le regret mais lui, au moins, il aura droit à notre estime.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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