Montée de l’antisémitisme : c’est « la révélation d’une faille nationale »
En ce vendredi où l’on commémore la Nuit de cristal, ce pogrom qui marqua les débuts des arrestations de masse et la déportation des Juifs dans les camps de concentration, le Premier ministre Édouard Philippe publie, sur Facebook, une tribune pour s’alarmer de la recrudescence des actes antisémites sur le sol français.
« Pourquoi rappeler, en 2018, un aussi pénible souvenir ? Parce que nous sommes très loin d’en avoir fini avec l’antisémitisme. Je viens de prendre connaissance des chiffres les plus récents sur l’évolution des actes antisémites dans notre pays. Ils sont implacables. Alors qu’il était en baisse depuis deux ans, le nombre de ces actes a augmenté de plus de 69 % au cours des 9 premiers mois de l’année 2018 », écrit Édouard Philippe.
Des mesures sont donc à l’étude pour enrayer cette descente aux enfers. On planche sur une modification de la loi visant à « renforcer la lutte contre la cyberhaine », et dès les jours prochains, « une équipe nationale sera mobilisable en permanence pour intervenir dans les établissements scolaires en appui de tout enseignant confronté à l’antisémitisme ». Et de préciser : « Sur ce sujet, comme sur toute violence, le gouvernement préférera toujours la transparence et l’action à la peur et au silence du #PasdeVague. » Acceptons-en l’augure.
Ce qu’on lit entre les lignes, c’est l’indicible, évidemment. On dit #PasdeVague parce qu’on sait que cela désigne les jeunes des "territoires perdus de la République" aussi sûrement que les trois bandes représentent Adidas.
Dans une série de reportages consacrés au sujet par Euronews, la parole est donnée à Nonna Mayer, directrice de recherche au CNRS. Elle explique que le nombre d'actes antisémites a explosé chez nous dans les années 2000, en lien avec la situation au Proche-Orient. En cause, la politique israélienne et la seconde Intifada : « Cela va suivre très précisément chacune des grandes interventions de l'armée israélienne dans les territoires », dit-elle. « Très souvent, on ne connaît pas précisément le profil des auteurs, mais on sait que c'est plutôt des jeunes hommes, souvent issus de l'immigration – alors qu'avant, c'étaient surtout des membres de l'extrême droite qui étaient les auteurs de ces actes – et qui ont du ressentiment contre une communauté qui apparaît comme privilégiée. »
En ce sens, on peut imaginer que la recrudescence des actes antisémites en 2018 repose sur les mêmes causes : reprise de la colonisation à outrance dans les territoires palestiniens, adoption par le Parlement israélien d’une loi définissant le pays comme « l'État-nation du peuple juif » – ce qui fait des Arabes israéliens des citoyens de seconde zone – et, enfin, transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.
C’est ainsi que l’invitation de Benyamin Netanyahou et de Donald Trump au Forum de Paris sur la paix, dimanche prochain, déclenche l’indignation de l’AFPS, l’Association France-Palestine Solidarité. Dans un communiqué, celle-ci rappelle, outre ce qui vient d’être dit plus haut, les tirs « sur les manifestants pacifiques à Gaza, faisant depuis le 30 mars plus de 200 morts et 15.000 blessés dont plus de 5.000 par balles le plus souvent mutilantes », la promotion de « la colonisation comme grande cause nationale » ou encore « la peine de mort pour les seuls Palestiniens ». Alors, « Netanyahou, le criminel de guerre, invité au forum sur la paix ? », s’interroge l’AFPS, de même que Trump, « qui diffuse tous les jours la haine et les mensonges, qui déchire les accords internationaux […] qui coupe les vivres aux agences de l’ONU notamment l’UNRWA. Trump, le fauteur de haine, invité au forum sur la paix ? »
Invitée sur France 24, Delphine Horvilleur, rabbin engagée dans le Mouvement libéral juif de France, disait ceci : « L’antisémitisme est la révélation d’une faille nationale. Il faut être conscient de ce qu’il raconte d’une montée de la violence beaucoup plus globale. » Elle a, hélas, raison.
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