Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini ! (1)
Durant le mois d’août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini !, d'Alain de Benoist.
En septembre 2016, un sondage révélait que pour 85 % des Français l’élection présidentielle de mai 2017 sera « décevante » quel qu’en soit le résultat. C’est un chiffre qui dit tout. L’extraordinaire défiance de couches de population toujours plus larges envers les « partis de gouvernement » et la classe politique en général, au profit de mouvements d’un type nouveau, qu’on appelle « populistes », est sans nul doute le fait le plus marquant des transformations du paysage politique intervenues depuis au moins deux décennies.
Ce phénomène, qui a d’abord touché l’Europe du Sud et de l’Ouest (Syriza, Podemos, Front national, Mouvement Cinq étoiles, Ligue Nord, Parti de la liberté), avant de s’étendre à l’Europe centrale, à l’Allemagne (AfD), à l’Europe du Nord (Parti des démocrates suédois) et aux pays anglo-saxons (« Brexit » britannique), atteint même désormais les États-Unis (phénomènes Trump et Sanders). Partout se confirme l’ampleur du fossé séparant le peuple de la classe politique installée. Partout émergent de nouveaux clivages qui rendent obsolète le vieux clivage droite-gauche.
En France, sous la Ve République, la vie politique s’est longtemps résumée à une alternance régulière entre deux blocs dominés chacun par un grand parti. Ce système était garanti par un mode de scrutin majoritaire à deux tours qui, en favorisant une claire distinction entre la majorité et l’opposition (la majorité parlementaire se superposant à la majorité gouvernementale), semblait exclure l’arrivée au pouvoir d’un troisième prétendant. Mais ce système ne fonctionne plus dès lors qu’un tiers parti conquiert de façon durable plus de 25 % de l’électorat. Nous y sommes. Au premier tour des dernières élections départementales, le Front national, qui remporte l’essentiel de ses succès auprès des jeunes, des classes populaires et de la fraction inférieure des classes moyennes, a obtenu plus de cinq millions de voix contre 3,3 millions au PS et 3,2 millions à l’UMP. Au second tour, dans les 1.109 cantons où il était présent, il a fait en moyenne 35 %, se positionnant même entre 45 et 50 % dans 99 cantons. Au premier tour des élections régionales du 6 décembre 2015, avec 27,7 % des voix, il est devenu le premier parti de France. On peut donc considérer qu’environ un électeur sur trois vote aujourd’hui en faveur du FN, ce qui confirme que nous sommes entrés dans une nouvelle forme de tripartition électorale : le système politique se structure désormais autour de trois formations principales, attirant chacune entre un quart et un tiers des électeurs. […]
Le grand événement de l’élection présidentielle américaine de cette même année 2016 a été l’écroulement du parti républicain vieux style, tenu d’abandonner sa philosophie politique accordée au monde des affaires sous les coups de boutoir de la protestation populiste et dont les candidats les plus emblématiques, Jeb Busch, Marco Rubio et Scott Walker, se sont tous effondrés. Ici, ce n’est pas la personne de Donald Trump qui doit retenir l’attention, mais le phénomène Trump, qu’il faut immédiatement rapprocher du phénomène Bernie Sanders chez les démocrates. Trump (qui est un anti-Reagan tout autant qu’un anti-Clinton) a capitalisé durant toute sa campagne sur ce que ses concurrents, tout comme les stratèges républicains, n’avaient pas été capables de voir : la montée d’une puissante protestation populaire anti-élites, d’un rejet de l’Establishment avec lequel la classe politique américaine va désormais devoir compter. Sanders l’a, lui, emporté dans 22 États contre 28 à Hillary Clinton pour à peu près les mêmes raisons, à commencer par sa dénonciation de l’influence de Wall Street.
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