Je n’avais pas prêté attention à ces gros titres. Ou plutôt j’avais été une fois de plus ulcérée par leur côté « gras ». Le jeu grivois avec le corps des femmes continue donc : dénudage interdit ou obligatoire, extension du domaine du matage légal sous prétexte de vertu, bigote d’un côté, laïque de l’autre. On peut jouer à contrôler la peau des femmes au millimètre : chouette !

De quoi retourne-t-il ? Depuis plusieurs années, la presse africaine constate l’avancée du « burkini » sur les plages du sud de la Méditerranée. Non-nouvelle pour la presse européenne, nageant en plein relativisme culturel.

Fort heureusement, un groupe de femmes algériennes se mobilise pour aller à la plage en bikini. L’initiative d’une action de groupe a été lancée à Annaba… par une jeune femme voulant garder l’anonymat : « Sara ». Comme les féministes d’ici clament, en défilant la nuit, « La rue est à nous ! La nuit est à nous ! », elle affirme, en somme : « La plage est à nous ! »

Le journal algérien Le Matin salue leur courage. Moi aussi.

Mais la vraie révolte féministe serait de contester l’article 2 de la Constitution algérienne. Et également de libérer les corps de toutes les formes d’aliénation et d’agression. Reprenons ces deux aspects de la question.

Depuis des décennies, notamment au moment des débats sur les « Codes de la famille » algérien puis marocain, j’entends mes amies féministes maghrébines tonner : « Il faut abroger la référence à l’islam dans les Constitutions ! Les soi-disant féministes du Maghreb qui ne demandent pas l’abrogation passent à côté de l’essentiel. Je les aurai prévenues ! Qu’elles ne viennent pas pleurer ensuite ! Les femmes qui se disent féministes et qui veulent garder l’islam comme religion d’État ne sont pas féministes ! »

Car dans tout le Maghreb, l’islam est la base de la Constitution. En Algérie, par exemple, l’article 2 de la Constitution, dans sa rédaction de 2016, affirme : "L’islam est la religion d’État." "Les composantes fondamentales de [l']identité [de l’Algérie] sont l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité", précise même le préambule.

Mais de ces débats féministes, pas un mot dans la presse, évidemment. Par contre, des nénettes dénudées font les gros titres…
Le signe (le voile ou le burkini) est mis en avant pour ne pas parler de ce dont il est le signe : la loi islamique comme norme suprême étatique.

Interviewée sur France 3, la porte-parole d’une association « féministe », Euromed, s’empresse de dire : "Je ne suis pas du tout spécialiste des questions de religion." À quoi bon, pour défendre les droits des femmes, connaître la Constitution des pays où elles vivent, on se le demande…

D’autre part, le message délivré par ces gros titres est, en somme : « Mesdames, la libération passe par l’exhibition. »

Or, le « sexy obligatoire » est aliénant à la plage comme au bureau. Se voir imposer l’exhibition sexuelle des autres ici et là, pour se baigner, l'est tout autant. Bronzer en monokini est légitime. Préférer, que l’on soit homme ou femme, aller à la plage ou à la piscine en demeurant vêtu de tissus « floutant » la forme du corps, avant de se baigner, est tout à fait légitime aussi…

Le respect de l’intégrité d’autrui n’est pas mesurable par le vêtement mais par l’attitude : cherche–t-on à imposer au regard de l’autre « du sexuel » ou pas ?

Quand le législateur réprimera le signe masculin ostentatoire d’adhésion à la loi islamique que sont les barbes conformes aux prescriptions de Mahomet (teintes en roux ou assorties de moustaches rasées), je croirai à son souci réel de laïcité et de l’égalité.

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07 août 2017 à 14:50

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