Molière célébré par Tartuffe et Trissotin

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Tous ces gens du théâtre officiel, grassement subventionné par le contribuable populaire et populiste qui n’y met jamais les pieds — tous ces responsables de lieux que la novlangue bureaucratique appelle scènes nationales, conventionnées, croisées, d’intérêt national et autres monstres, tous ces acteurs d’une culture tellement conformiste qu’elle a banni l’art de son cerveau et remplacé l’œuvre dramatique par une couillonnade scénique, tous ces artistes/fonctionnaires sortis d’un fromage de Hollande sont extraordinaires !

Et seule notre époque aura réussi la prouesse d’accoucher d’une telle humanité. Ils n’ont pas leur pareil pour faire du labellisé conforme et, la main sur la couture de leur uniforme ministériel, organiser des projets culturels d’un modernisme vermoulu. On les voit tous, cette année, pour célébrer les 400 ans de sa naissance, transformés en laudateurs de Molière et accrochés à sa bière, lui rendre les honneurs à marche forcée !

Dans cette gigantesque farce, la Comédie-Française ne pouvait être en reste. Sponsorisée non pas par Castex et Surer mais par Castex et Bachelot, elle a donné une véritable caricature du théâtre actuel le plus insignifiant, avec un Tartuffe d’Ivo van Hove, le metteur en scène, puisqu’en fait, on ne parle que de la mise en scène, conformément à l’orthodoxie théâtrale depuis trente ans et plus. Bref, que du ronron labellisé !

Et pour l’œuvre écrabouillée, précisons qu’il s’agit du premier Tartuffe écrit par Molière, encore plus virulent et impertinent que celui joué depuis, et qui provoqua un scandale.

De scandale, il y a bien longtemps que, contrairement à l’impertinent Molière, les cuistres du théâtre public n’en produisent plus, il a été remplacé par un ennui devenu le synonyme de ce théâtre là, où ne vont plus que des spectateurs captifs et /ou maso-culturels, avides de souffrance scénique et de pédantisme surmultiplié.

Quant à la mise en commentaire créative — dite inédite ! — de Ivo van Hove, qui remplace aujourd’hui l’œuvre dramatique dans ces théâtres-là, même les journaux parisiens conformes émettent des réserves. « Vantée comme sauvage », écrit le critique de Libé, « la mise en scène inédite de la pièce de Molière, par trop simpliste, fatigue et agace ». Qu’est-ce que cela aurait été si elle avait été « complexe » !

Je vais être honnête, je n’ai pas regardé ce nouveau pensum, je ne les supporte plus, et puis c’est inutile, j’en ai déjà tellement vu depuis mes débuts d’auteur et je connais par cœur toutes leurs ficelles, leurs tics, leurs procédés, leurs « apoilisations » — ici, dit Libé, « un homme sous une pile de couvertures, vite déshabillé puis lavé par les personnages » —, leurs acteurs qui crient et se roulent par terre — ici, sans doute, Tartuffe avec Elmire — ou ne disent plus rien pendant un quart d’heure, toutes ces dites audaces, cette dite création, mais sur l’œuvre d’un classique dont on se sert au lieu de le servir. Et sur ce délirium tremens scénique en costumes modernes, on entend un texte du XVIIe dont on se demande ce qu’il fait là.

Quelques images, aperçues sur un réseau social, les commentaires de spectateurs qui suivent, les titres d’articles m’ont suffi pour l’avoir vu dans son intégralité, en évitant l’ennui qui va avec, et pour me rassurer de n’avoir rien manqué.

Molière est certainement l’un des auteurs les plus subversifs de notre littérature. Son Tartuffe a été censuré pendant cinq ans, et c’est grâce à Louis XIV qu’il a pu le rejouer. S’il écrivait aujourd’hui, il serait censuré par les DRAC et mis à l’écart du réseau labellisé. Quelle tristesse de le voir mis à toutes les sauces et récupéré par les faux dévots médiatiques, les Tartuffe et les Trissotin de notre temps !

Quand tous ces gens comprendront-ils enfin que, pour réactualiser Molière, il faut réécrire ses pièces, comme il le fit lui-même avec L’Avare (l’Aulularia de Plaute), Anouilh avec l’Antigone de Sophocle, Giraudoux avec Amphitryon et moi-même — pardon de me citer ! — avec la Trilogie Molière ?

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

Vos commentaires

13 commentaires

  1. J’ai essayé de regarder les fourberie et Tartuffe, sur France 4, je crois. J’ai vite déchanté. Scapin à poil sur la scène, ou le mauvais jeu dans Tartuffe, j’ai effacé, sans regarder au bout (j’enregistre, Dieu merci!)

  2. Mais nous avons du Molière tous les jours avec les tartuffes au gouvernement , sauf que c’est du mauvais Molière tant ils sont pitoyables .C’est bien ce qu’il nous manque aujourd’hui , des auteurs capables de mettre en scène les rigolos au pouvoir , on aurait du beau spectacle au quotidien tant les clowns de l’élysée sont risibles dans leurs discours .

  3. Comme pour toutes les commémorations de ce genre (on a vu cela avec Brassens), on pouvait s’attendre au pire, à un enterrement dans la fosse commune exécuté par les cuistres « d’avant-garde » qui nous tiennent lieu de croque-morts. Nous y sommes, ça va durer quelques mois.

  4. Vous ne commentez que Tartuffe mais que dire du lamentable Bourgeois gentilhomme présenté hier sur France 4 (chaine publique) précédé par de non moins consternantes « Fourberies de Scapin » la semaine dernière ? On se met avec prudence devant l’écran, on sait immédiatement que ce sera un désastre mais on tient dix minutes pour honorer l’espoir d’une bonne surprise avant de retourner au livre qu’on a interrompu pour cette aventure éternellement douloureuse. Pitié pour les classiques !

  5. S’il revenait, Molière aurait surement du grain à moudre. Je suis sûr qu’il se régalerait à caricaturer les figures de notre temps, tous ces prétentieux théâtreux d' »avant-garde », mais aussi Sandrine Rousseau, nouveau chef de file des femmes savantes du 21ème siècle, nos Diafoirus, tous détenteurs de la vérité sur le COVID. Le poumon, le poumon, vous dis-je… Sans compter nos barbus islamistes : Couvrez cette chevelure que je ne saurais voir. Reviens vite Molière !

  6. «  Sur quelque préférence une estime se fonde
    et c’est n’aimer personne que d’aimer tout le monde »
    Disait Alceste…
    Quand on prétend nous prêcher l’amour des autres alors que c’est un sentiment impondérable et fluctuant il faudrait mieux prêcher la bienveillance ça permettrait peut- être de mieux supporter les contradicteurs les opposants et tous ces fâcheux fascistes islamo gauchistes qui nous tirent par le bas assassinent notre Histoire et nos classiques et nous pourrissent la vie.

  7. Hier soir le bourgeois gentilhomme sur France 4 et au Théâtre de Bordeaux( je crois) n’avais pas un grand intérêt, les acteurs faisaient ce qu’ils pouvaient avec la mise en scène discutable ,les acteurs en faisant un peu trop en se roulant par terre et utilisant vaporisateur et fer à repasser à vapeur tout à fait d’époque! Le pire est le décor complètement absent un mur
    plat ,percé de porte où les acteurs rentre et sortent en courant. Cela ne m’a pas réconcilié avec le théâtre moderne.

  8. On ne saurait mieux dire, cher Monsieur. Mais malheureusement il n’y a que dans Bd Voltaire qu’il est possible d’entendre ce type de discours que je fais suivre à quelques amis aussi révoltés que vous et moi.

  9. Qu’ouïs-je ? Il n’y aurait plus d’acteurs brillants pour jouer Molière ! Avec tous les talents que nous avons au gouvernement, capables de jouer avec la plus grande et magnifique aisance les tartuffes qui nous promettent des sous, les fourbes, les Doms Juan débauchés de la cassette, les précieuses ridicules, les docteurs diafoirus qui piquent plus vite que leur ombre, les bourgeois qui nous plument. J’en bégaie !

  10. Le Molière d’or doit être décerné à Fillon qui est Harpagon, Tartuffe et Scapin. Qui dit mieux?

    • Sortez un peu de votre confinement et de l propagande pour regarder autour de vous, vous trouverez beaucoup mieux et surtout des petits malins qui échappent au regard louche de Mediapart et qui restent en poste . Le camp des saints n’existe pas et la politique est une jungle où les médias règnent sur les esprits faibles .

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