Après Emmanuel Macron, c’est au tour de Jean-Luc Mélenchon d’intéresser le microcosme médiatico-sondagiste. Plusieurs mois après le début de cette campagne, c’est à l’entame de la dernière ligne droite — et comme par hasard à un moment pivot où la « dynamique Macron » semble s’essouffler — que les commentateurs, enfin décidés à regarder autre chose que les pieds du Marcheur, découvrent l’existence du tribun anciennement sénateur socialiste, comme s’il était tombé d’un arbre dans la nuit. Mélenchon n’a pourtant rien changé substantiellement dans sa méthode ni dans ses objectifs : gouailleur, habitué à parler et, par conséquent, à l’aise dans cet exercice, praticien du mot qui fait mouche et grand connaisseur de la mécanique émotionnelle, il veut toujours, en 2017 comme en 2012, devenir Président.

Une petite différence, tout de même : alors qu’en 2012, son seul véritable objectif était de passer devant Marine Le Pen en termes de scrutin — pari largement perdu —, en 2017, convaincu de pouvoir profiter de l’effondrement de la gauche et du PS, sentant monter la vague protestataire, gonflé par les honorables scores de ses vidéos en ligne, et maintenant poussé en avant par les sondages, il semble s’être mis à croire réellement que son heure était peut-être enfin arrivée.

Les médias, de leur côté, soumis aux exigences de l’Audimat©, pour tenir leurs téléspectateurs en haleine et éviter qu’ils ne zappent, doivent pour les retenir créer régulièrement une nouvelle séquence, une nouvelle « dynamique » en faveur de quelqu’un ; donnant ainsi à l’actualité en diffusion continue les airs d’un feuilleton à suspense dont on ne veut pas rater une miette. Après les affaires Fillon et la déification de Macron, le troisième gros épisode de cette saga s’appelle donc Jean-Luc Mélenchon — avant le quatrième et dernier, qui devrait être le sabotage de la campagne de Marine Le Pen.

Comme pour le beaujolais, c’est donc un Mélenchon nouveau qui débarque sur nos écrans. Pour le transformer en troisième homme de cette élection, peut-être en deuxième et même en Président lorsqu’on l’intègre aux sondages de second tour, les médias utilisent la formule habituelle : il s’agit de sur-commenter, en termes plutôt favorables, les activités du candidat qui devient, dès lors, un sujet de conversation. Et comme les journalistes, qui n’entendent rien à la politique, se contentent, lorsqu’ils veulent en parler, de demander aux politiciens ce qu’ils pensent de leurs concurrents, c’est tout naturellement qu’un nombre grandissant de personnalités est amené à commenter le sujet de conversation du moment, à savoir le Mélenchon nouveau.

Royal, Le Pen père, Patrick Buisson, l’économiste Thomas Piketty - pour ne citer qu’eux -, tous ont un mot gentil ou un hommage quelconque à rendre à Mélenchon : son charisme, son audace, sa culture, son énergie, etc. En soi, le problème n’est pas qu’on puisse avoir des avis positifs sur un adversaire politique ; le problème est que les médias, définitivement enfermés dans leur lecture binaire, interprètent ces avis comme autant de signaux de quasi-ralliement qui justifient à leurs yeux de transformer le candidat en figure majeure de cette élection. Avec ces méthodes qui tiennent davantage de la presse « people », on peut mettre Philippe Poutou à 14 % dans une semaine. Tout cela est-il bien sérieux ?

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13 avril 2017 à 14:50

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