Marie Laforêt : plus que la « fille aux yeux d’or », une femme libre !

Marie Laforêt : plus que la « Fille aux yeux d’or », une femme libre !

Dans le petit monde de la chanson française, et ce, en matière de classe innée, qui d’autre, pour égaler une Françoise Hardy, que Marie Laforêt qui, à quatre-vingts printemps, vient de rendre l’âme à Dieu. Nul doute qu’elle se trouve aujourd’hui en terre connue, puisque ayant longuement hésité, en sa prime jeunesse, entre couvent et studios d’enregistrement ?

Avant qu’on ne la surnomme « la fille aux yeux d’or » – elle avait effectivement un regard à damner tous les saints du paradis et de ses proches environs –, elle n’était que Maïtena Douménach, issue d’une honorable famille de la bourgeoisie basque. Et c’es, finalement, presque par hasard qu’elle devient… Marie Laforêt.

Un télé-crochet organisé par Europe 1 et gagné haut la main, en 1959. L’année d’après, c’est Plein Soleil, de René Clément. Elle y a comme partenaires un Maurice Ronet qui est déjà connu et un Alain Delon qui ne demande qu’à le devenir. Entre ces deux mâles dominants, c’est finalement elle qui domine, avec sa plastique de rêve, sa moue boudeuse et, surtout… ses yeux.

Ces derniers ne sont d’ailleurs pas d’or, mais d’un mauve ensorcelant. D’ailleurs, ce sobriquet de « fille aux yeux d’or », elle le tient d’un film éponyme, tourné en 1961 par Jean-Gabriel Albicocco, qu’elle épouse aussitôt. Ainsi se succéderont les chansons, les films et les maris. Comme quoi on peut avoir la tête bien faite et n’en faire qu’à la sienne ; ce dont elle ne se privera pas.

Sa carrière musicale ? Aussi brillante qu’éclectique. Elle aborde tous les genres. Des « Vendanges de l’amour » à l'hommage rendu aux Beatles, « Il a neigé sur Yesterday », et à leur triste séparation. Il y a aussi, et évidemment, « Viens, viens », complainte qui n’est pas sans évoquer l’inoubliable « Mamy Blue » de Nicoletta. Le succès est au rendez-vous et les tournées s’enchaînent, en France et à l’étranger. Pour autant, Marie Laforêt en veut plus et, surtout, veut autre chose, alors que sa maison de disques entend qu’elle creuse un sillon fonctionnant si bien.

Mais comment lui faire entendre raison, alors qu’elle entend creuser d’autres microsillons : ceux de ce qui ne s’appelle pas encore la « world music ». Ainsi exige-t-elle d’aller vagabonder sous d’autres cieux musicaux, rythmes brésiliens et mélopées yougoslaves, à mi-chemin entre harmonies tsiganes et orientales. Le succès public ne suit pas forcément ; mais, semble-t-il, elle n’en a que faire.

Pareille philosophie paraît être également son viatique en matière cinématographique. Elle tourne tout et à peu près n’importe quoi, au gré de ses envies. En 1965, Marie-Chantal contre le docteur Kha, de Claude Chabrol, sorte de « jamesbonderie » à la française, devenue culte depuis. En 1979, elle dévore l’écran dans le Flic ou Voyou de Georges Lautner, où elle parvient à reléguer Jean-Paul Belmondo à l’arrière-plan en incarnant Edmonde Puget-Rostand, hilarant décalque d’Edmonde Charles-Roux, femme de lettres et accessoirement épouse de Gaston Defferre. En 1984, dans Joyeuses Pâques, toujours de Georges Lautner et encore avec le même Bebel qu’elle se plaît à faire tourner en bourrique, dans ce réjouissant vaudeville sur fond d’antisocialisme, certes primaire, mais hautement jubilatoire.

Dans sa vie conjugale, elle fait preuve de la même crâne indépendance, ayant épuisé quatre maris au moins, sans oublier les à-côtés. Un grand héron déplumé, plus connu sous l’acronyme de VGE, aurait été l’un de ses amants, dit-on. Le même ayant prétendu avoir été celui de Lady Di, quelques réserves sont néanmoins à émettre. En revanche, Pierre Cornette de Saint-Cyr, prince des commissaires-priseurs dans la galaxie de l’art contemporain français, paraît avoir beaucoup compté dans sa vie.

Marie Laforêt avait donc les idées larges, l’homme en question étant un sympathisant revendiqué du Front national d’alors. En revanche, son dernier époux, Éric de Lavandeyra, lui aurait laissé un souvenir plus amer. Agent de change proche de Didier Schuller, il l’aurait embringuée dans cette affaire politique ayant ébranlé le règne d’Édouard Balladur à Matignon, de 1993 à 1995.

Le 9 février 2002, elle déballait le tout, lors de l’alors fameuse émission, « Tout le monde en parle », de Thierry Ardisson, évoquant réseaux « francs-maçons et mafieux » et tuerie dans la secte de l’ordre du Temple solaire, sous les yeux éberlués du présentateur en question et l’approbation rigolarde d’un certain JoeyStarr.

Pas de doute, cette femme était libre. Plus que libre.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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