La ficelle est tellement grosse que cela n’étonne même plus. Tous les partis défileront le 19 février, à Paris, contre l’antisémitisme. Tous, SAUF le Rassemblement national et La France insoumise. Mais l’on pourrait citer aussi Debout la France, dont le candidat obtint quand même près d’un million sept cent mille voix à l’élection présidentielle de 2017.

Mais avant d’y venir, une question un peu provocatrice : quand on échoue, doit-on défiler ? Car c’est un peu de cela qu’il s’agit. Les actes antisémites recensés ont donc augmenté de 74 % en 2018 : 541, contre 311 en 2017. Rappelons qu’en 2015, on en avait compté 808 et, en 2016 - forte baisse –, 335 seulement. Maintenant, ces chiffres sont-ils significatifs au plan statistique ? En janvier 2016, à la parution des chiffres de 2015, Francis Kalifat, le président du CRIF, interrogé par Le Figaro, tenait en effet à relativiser, à "apporter des nuances", selon les termes du quotidien. D’après lui, depuis les attentats, "il y a une banalisation des menaces et des menaces antisémites pour lesquelles on ne va plus porter plainte". Si, donc, l’on peut apporter des nuances lorsque les chiffres baissent, ne peut-on en apporter aussi lorsque les chiffres augmentent ? Et, dans ce cas, ne pas tomber dans les excès verbaux d’un Christophe Castaner, déclarant que "l’antisémitisme se répand comme un poison, comme un fiel" sans, du reste, nous dire qui répand ce poison… On aurait bien comme une petite idée, si l’on se réfère aux propos du président du CRIF, cités plus haut.

On voudrait exploiter politiquement ces résultats bruts, on dirait que les deux ministres de l’Intérieur de 2018, Gérard Collomb et Christophe Castaner, ont pour l’instant échoué à faire reculer les actes antisémites en France. On voudrait rendre service à Christophe Castaner, on arguerait que, peut-être, on a plus osé porter plainte en 2018 qu’en 2017.

Cela dit, il ne resterait qu'un seul acte antisémite en France que cela resterait, de toute façon, intolérable.

Ainsi, donc, une nouvelle manifestation contre l’antisémitisme. L’initiative en revient à Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, suite à l’appel du président de la République, lors du dernier Conseil des ministres, à une "clarification républicaine". Un communiqué a donc été signé par le PS, le PCF, les LR, l’UDI, l’UDE, le MoDem, le Parti radical, le PRG, EELV, LREM, Agir, le Mouvement des citoyens, Génération.s, les centristes (nous laisserons à nos lecteurs entomologistes le loisir de découvrir par eux-mêmes ce que représentent certains de ces partis), communiqué qui commence ainsi : "Les partis politiques lancent un appel à la mobilisation contre l’antisémitisme." Il eût été plus correct d’écrire « des » ou « un grand nombre de » ou encore « la plupart des partis ». Mais non. L’honnêteté intellectuelle ne semble pas être le souci des signataires de ce énième manifeste contre l’antisémitisme. Mélenchon a hurlé à la mort en se disant "écarté" de cette marche par ses anciens camarades de PS. Olivier Faure rétorque qu’il tient à la disposition de Mélenchon le message d’invitation envoyé par Telegram. Problème de communication à gauche ? Le débat est ouvert. À droite, en revanche, cela semble plus clair. Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan n’ont pas été invités. Ce qui permet d’ailleurs, à l’AFP, d’écrire, très factuelle : "Les principaux partis, hors RN et LFI, lancent un appel contre l’antisémitisme." En creux, comment interpréter ce « non-appel » ? Vous connaissez l’adage populaire : qui ne dit mot consent...

Ce n’est pas la première fois que les socialistes font le coup. Suite aux attentats de Charlie et de l’Hyper Cacher, le Front national avait été, de fait, exclu de la grande manifestation organisée le 11 janvier 2015. Olivier Faure, à l’époque porte-parole du PS, avait déclaré qu’il ne fallait "exclure personne" mais qu’il parlait des "citoyens appelés à manifester et en aucun cas du Front national, qui ne peut compter sur [le PS] pour lui donner un brevet républicain en l’invitant". On ne change pas.

Donc, grande manifestation contre l’antisémitisme, le 19 février. Et l’on s’apprête à accueillir « nos » djihadistes, de retour de Syrie et d’Irak. C'est vrai qu'ils sont français avant d'être djihadistes, comme dit Castaner, et qu'il ne faut exclure personne, comme dit Faure.

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15 février 2019 à 12:13

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