Après l'Allemagne, comme il l'avait promis, Macron a choisi le Mali pour son premier déplacement à l'étranger. Macron est un bon élève : il sait que sa crédibilité dans les domaines régaliens reste à construire, il fait donc son apprentissage. Et l'opération, en termes d'image, ne peut qu'être bénéfique pour sa campagne pour les législatives : la France amie de l'Afrique, en pointe contre les groupes djihadistes au Sahel, et rendant hommage à nos soldats. Que de belles images. Du classique. De l'attendu. Il a fait ce qu'il devait faire. Mais, sur le fond, dans ce domaine comme dans tous les autres, il faudra juger le Président à ses actes.

N'ayant donc rien à dire, puisque Macron est simplement venu affirmer qu'il allait continuer la politique de son "prédécesseur M. Hollande", et ne faisant pas partie des journalistes sélectionnés par le Président, j'ai donc regardé distraitement les images fournies par le pool presse de la présidence, et en particulier la conférence de presse du nouveau Président à Gao. Il s'adressait à son homologue malien, en présence des nouveaux ministres Le Drian et Goulard, et lui expliquait le rôle de chacun.

On baignait donc dans le symbole et les images destinées à la fabrique du Président régalien et jupitérien que se veut M. Macron. Et, comme il le fait depuis sa campagne électorale, celui-ci enchaînait les gestes, saccadant ses phrases. Il faut regarder ses jeux de mains, systématiques, agités, calculés jusqu'à l'excès (pour lui) et la fatigue (pour nous). Mais, irruption du naturel, retour du refoulé, que sais-je, c'est au moment où Macron présentait son nouveau chef de la diplomatie et son nouveau ministre des Armées, avec ses deux mains en action latérale, façon construction de la base d'une pyramide, que sa langue a fourché sur l'image qu'il avait choisie :

« Mais ce sont avec ces deux zambes, ces deux jambes, que nous continuerons à avancer ! »

Que le Président ait zézayé sur ce mot, cette expression, cette idée, il n'est pas besoin d'être grand psy pour voir tout ce que cela nous rappelle, nous révèle de ses angoisses, de ses limites, ce qui nous le rend, par-delà ses ambitions jupitériennes, finalement un peu plus humain.

On repensait donc au jeune élève de Brigitte, son professeur de théâtre et de diction, à ses cours avec un baryton renommé pour améliorer ses performances vocales : ça le rendait touchant, notre chef de guerre zozotant. On songeait au Discours d'un roi. On comprenait pourquoi quelque chose d'aussi fort le liait à Bayrou le Bègue.

Mais, sur le fond, on voyait bien qu'il avait trébuché sur son obsession du « et de droite et de gauche », du « en même temps » systématique, incarnés à ce moment-là par Le Drian et Goulard, un homme et une femme, un socialiste et une centriste, un vieux et une jeune, les "deux zambes" qui portaient notre Président jupitérien à Gao à ce moment-là...

Et c'est vrai que ça peut vite devenir casse-gueule, le « et de droite et de gauche ». Un exemple ? Alors que Benjamin Griveaux estime que la réforme sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu devrait se faire après évaluation, le jeune Gérald Darmanin s'est autoproclamé, ce dimanche dans La Voix du Nord, "le ministre [...] de la suspension de l'impôt à la source".

Visiblement, Benzamin et le zeune Zérald ne marcent pas encore main dans la main. Et ce n'est certainement pas la fin des soucis ni des lapsus pour notre Président. Il lui faudra encore beaucoup de doigté et de jeux de mains pour faire avancer ensemble tous ces zélés attelages de son gouvernement.

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22 mai 2017 à 10:07

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