Loi sur l’injure en ligne : tour de vis sur la liberté d’expression ?

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Le 10 avril 2024, l’Assemblée nationale a adopté une loi « visant à régulariser et sécuriser l’espace numérique », aussi appelée loi SREN. Sous ce doux acronyme, l’agenda liberticide du gouvernement se poursuit.

Tout ceci relève avant tout d’une volonté de l’Union européenne qui avait adopté, le 19 octobre 2022, le Digital Services Act. La loi SREN avait d’abord été adoptée l’été dernier avant de passer par un commission mixte paritaire. Adoptée par le Sénat le 2 avril, elle l’est désormais par l’Assemblée. Le nouveau texte instaure, entre autres, des mesures devant mieux interdire l’accès des mineurs à la pornographie, des « filtres anti-arnaques », la fin de l’anonymat sur Internet et surtout un délit « d’outrage en ligne »… Concrètement, sera passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende toute diffusion en ligne d’un contenu jugé « injurieux », le tout sans passer par un tribunal.

Le délit ne se limite pas à la diffamation ou à l’insulte, ce qui paraît somme toute normal, comme c’est aujourd’hui le cas dans la presse. Il inclut également des concepts assez flous comme « l’offense ». Voici ce que dit le texte : « Est puni de 3.750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement le fait [...] de diffuser en ligne tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit créée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’ensemble des plates-formes de communication en ligne est concerné. Des réseaux publics comme Facebook, X et Instagram aux réseaux privés comme WhatsApp et Telegram. Nous avons tenté de joindre le sénateur Loïc Hervé, l’un des grands défenseurs de cette loi, mais n’avons pas eu de réponse de sa part pour l’instant.

De nombreuses dérives possibles

Le texte pose plusieurs problèmes, à bien y réfléchir. En effet, il entretient un certain flou juridique sur ce qui constitue « une situation offensante ou humiliante ». Avec ce texte, nous n’aurions donc plus le droit de nous moquer de personnalités publiques, par exemple. Il est également permis d’imaginer que la Justice soit plus sévère dans certains cas que dans d’autres… N'allons-nous pas assister, dans les prochains mois, à une restriction phénoménale de la liberté d’expression ? Il faudra apprendre à pratiquer l’autocensure ou à en subir les conséquences. Le texte encourage, en effet, la délation mais il prévoit également que l’Arcom recrute « des signaleurs du Net ». Un bel euphémisme pour dire « professionnels de la censure ». Même les journalistes n’échappent pas à cette loi, car rien n’est prévu dedans pour garantir la liberté de la presse. Les pamphlets et autres satires, des genres pourtant profondément français, pourraient ainsi être réprimés au même titre que n’importe quel contenu en ligne.

De plus, il n’est pas exclu que le processus de contrôle finisse par s’automatiser à l’aide de l’intelligence artificielle. C’est, en tout cas, ce que craint Jean-Yves Le Gallou, que nous avons contacté sur le sujet. De la même façon que les amendes pour excès de vitesse sont désormais traitées par l’IA, il pourrait en aller de même pour ce délit d’outrage en ligne. Le problème réside dans le critère d’objectivité. Il est facile de prouver si un véhicule est ou non en excès de vitesse. Cela se complique lorsqu’il s’agit d’estimer ce qui caractérise ou non « un climat hostile ou offensant ». Là aussi, il est permis d’imaginer qu’une IA mal entraînée serait plus sévère à l’égard de certains propos qu’elle ne le serait avec d’autres.

Louis de Torcy
Louis de Torcy
Etudiant en école de journalisme

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Si on demandait l’avis du Conseil constitutionnel, si bon gardien des libertés individuelles (surtout celles des fripons)…

  2. En se cachant derrière un pseudonyme peut-on offenser ou injurier quelqu’un qui est lui-même dissimulé derrière un autre pseudonyme ? Deux pseudonymes sont-ils légalement valables pour ester en justice ?

  3. Mao en chine, Kim Jong Un en corée du Nord, Staline en URSS, Khomeyni en Iran, Ashraf Ghani en Afghanistan et bien d’autres encore comme la RDA avec la Stasi, risquent de devenir le modèles servant à écrire des lois et règles qui régiront la France sous l’impulsion de certains que je ne nommerai pas, tellement ils sont connus. Ecrire leur nom ou fonctions relèverai de ma part, le refus d’un dégout qui heureusement va grandissant chez les français. Tout au moins les vrais

  4. Il est évident que ce texte ne vise que certaines personnes…..comme pour le reste….Des Antifas violents sont rarement mis en examen, une femme femme Nemesis l’est pour une banderole qui n’a en plus rien d’illégal.. Le probème n’est pas la Loi mais les Juges. Seule solution, faute de s’exprimer on pourra passer son temps à dénoncer les comportements offensants des individus d’extrême gauche et même s’il ne se passe rien, conserver les preuves afin d’invoquer la jurisprudence …Si nous sommes nombreux à dénoncer nos amis les gauchistes, ça occupera les employés de la censure, autant qui les distraiera de nous….

  5. Une formulation qui résume l’éthique à mettre en oeuvre dans le journalisme :  » exactitude de la pensée et modération dans le ton », pourrait être exigée des particuliers intervenant sur les réseaux sociaux . (?)

  6. Une manière supplémentaire de contrôler et museler les Français. « 1984 » d’Orwell. Nous y sommes!…

  7. Liberté : Souveraineté inaliénable de l’individu , droit qu’il a de disposer de sa personne ; capacité des individus et des organisations qu’ils forment a agir sans restriction .Possibilité qu’a en pratique une personne d’agir selon son bon vouloir , de penser selon son bon vouloir , et de se mouvoir sans contrainte . …A force de rogner nos libertés la dictature s’installe insidieusement .

  8. La pensée correcte : l’étau se resserre inexorablement sur la liberté de pensée et de s’exprimer.

  9. Cette loi touchera t’elle tout le monde ? Les députés et ministres lors des séances à l’assemblée nationale par exemple ne seront-ils pas concernés ? Ou s’appliquera t’elle seulement aux « mauvais » députés ? Encore une porte grande ouverte au 2 poids 2 mesures, tellement on peut faire confiance à l’impartialité de notre justice.

  10. Pourquoi pas, mais d’abord il faudra déterminer ce qui relève de l’injure et ce qui est un constat, si vous dites à quelqu’un que c’est un idiot, ou un voleur, ou un salaud, etc, si ce n’est pas vrai, c’est une injure, si c’est vrai c’est un constat et non pas une injure. A trop vouloir tout légiférer et règlementer on tombe dans l’absurde et pour ça on peut faire confiance à nos législateurs, pour nous « amuser » avec des sujets mineurs avant es élections.

    • Il est vrai que de dire d’un « con » qu’il est un « con » peut être considéré comme un simple constat et non une insulte.

  11. En public, cela peut s’admettre, en privé, on n’a pas de délit d’opinion . Tout sera de délimiter les deux mondes

    • Vous. ne serez pas à l’abri de la délation. Vous savez cette qualité que bien des français cultivent avec délectation.

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