[Exclusif] Béatrice R., à Nouméa : « Nous ne dormons plus depuis 48 heures, nous avons peur »

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L'opération « Dix jours pour Kanaky », qui vise à protester contre le dégel du corps électoral, a mis le feu à la Nouvelle-Calédonie. L'extrême gauche assure que les Blancs terrorisent les Kanaks. La réalité est bien différente. Nous avons joint sur place, ce 15 mai, Béatrice R., arrivée voilà deux ans dans l'île pour exercer une profession médicale. Terrifiée, elle n'a qu'une envie : rentrer en France.

Marc Baudriller. Où êtes-vous précisément et qu'entendez-vous actuellement ?

Béatrice R. Nous sommes au sud de Nouméa, à 1 km de Tuband [quartier de Nouméa, NDLR], qui a vécu une violence extrême. C'est presque calme, pour l'instant. Cette nuit, il est 2 heures du matin, mais nous avons peur. Cela fait 48 heures que nous ne dormons pas, mon compagnon et mes deux filles. Nous entendons des tirs au loin alors que je vous parle. Nous avons aussi entendu des tirs et des explosions, il y a une demi-heure, du côté de la Rivière salée. Les attaques sont extrêmement violentes. Les Kanaks, on le sait depuis plusieurs semaines, se mobilisent, notamment les troupes du CCAT, la branche dure du FLNKS. Cette organisation est prête à sacrifier beaucoup de jeunes pour la cause. Ce qui fait peur, c'est que de nombreux insurgés sont armés : s'ils entendent des tirs, ils répondent et cela peut très vite dégénérer.

M. B. Les forces de l'ordre doivent vous protéger...

B. R. Les forces de l'ordre sont débordées, elles ne s'attendaient pas à une telle violence. Elles ne sont pas assez nombreuses, alors elles essaient de repousser les assaillants, mais elles sont caillassées et reçoivent des jets de cocktails Molotov. Les insurgés pillent et brûlent. Ce sont le plus souvent des jeunes très alcoolisés qui fument beaucoup. Ils sont très remontés contre les Blancs car, depuis qu'ils sont nés, on leur dit que les Blancs ont accaparé leurs terres et les ont spoliés, alors que les Mélanésiens ont récupéré presque toutes leurs terres et que, si vous n'êtes pas mélanésien, il est impossible d'obtenir certains emplois. Ils imposent une forme de préférence locale dans les hôtels, par exemple. Pour les postes de serveurs et pour de nombreux petits emplois, si vous n'êtes pas mélanésien, c'est très compliqué.

M. B. De quoi avez-vous peur, précisément ?

B. R. Nous avons peur du pillage. Ils ont expulsé plusieurs personnes à un kilomètre de Tuband. Ils brûlent les maisons pour qu'on s'en aille. Il y a une chasse aux Blancs, c'est clairement cela ! J'ai été travailler lundi, on se sent regardé pour sa couleur de peau. J'exerce une profession médicale. Lundi matin, beaucoup de patients ont annulé leurs rendez-vous en prévision des troubles. J'ai, moi aussi, fini la journée plus tôt, car le centre-ville n'est pas sûr. Il fait nuit à 17h30 et, dès 17h, les Mélanésiens commencent à boire et à devenir agressifs. La nuit de lundi à mardi, cela a été extrêmement violent. Nous avons entendu des explosions tout autour de nous, des jets de cocktail Molotov et des explosions de bouteilles de gaz. Ils brûlent des pneus, beaucoup de feux sont allumés dans les rues. L'industrie Le Froid, l'une des rares industries de l'île [créée en 1941, NDLR], a brûlé. Des commerces, des supermarchés, le Decathlon ont aussi été pillés et brûlés.

M. B. Comment vous protégez-vous ?

B. R. Notre quartier est assez isolé. Tous les volets sont fermés, on ne sort que très peu mais nous habitons une maison en hauteur, donc nous voyons ce qui se passe autour, cela nous rassure un peu. Nous avons aussi monté un groupe de vigilance entre voisins. Mais nous avons difficilement accès aux magasins qui sont fermés pour la plupart. Lorsqu'ils ouvrent, devant les pharmacies par exemple, une longue file se forme immédiatement. On sert en priorité les enfants et les personnes âgées. De toutes façons, on se déplace le moins possible. Une amie infirmière a tenté de rejoindre son poste à l'hôpital. Au deuxième barrage, elle a expliqué qu'elle allait soigner leurs familles mais, malgré sa carte professionnelle, on lui a dit : « Casse-toi ! Fais demi-tour ! On va te buter ! » Elle a laissé ses collègues débordées à l'hôpital et elle est rentrée chez elle.

M. B. Essayez-vous de revenir en métropole ?

B. R. Nous n'avons aucune issue : l'aéroport est fermé. J'espère pouvoir partir pour marier ma fille en juin en France. Après, je ne pense pas que je resterai en Nouvelle Calédonie.

Propos recueillis au téléphone le 15 mai à 17h30 (heure française).

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. J’ai entendu aux informations que notre « zéro » national part la bas ce soir, sans se presser et va tout arranger, comme d’habitude. Qu’elle misère! Pauvre France!

  2. Et les mêmes causes menant toujours aux mêmes effets, en métropole dans moins de dix ans les Français se terreront aussi apeurés dans leurs appartements, la police étant débordée devant assurer par leurs seuls moyen la sécurité de leur voisinage! A moins d’un changement aux urnes radical d’ici là! Ils auront intérêt à se couper des boniments des médias du système!

  3. C’est bien là que l’on constate qu’à Nouméa ou en Afrique comme à Mayotte ou à Haïti un sauvage reste un sauvage

  4. L’arrivée de la Gendarmerie et de renfort de Police ne change absolument rien, on l’a vu lors des pillages de la nuit dernière, les forces sont là mais laissent passer les casseurs qui partent avec alcool, tv, frigo, canapé. Ils sont trop nombreux pour être interpellés et les gendarmes et les policiers n’ont pas le droit de tirer donc regardent sans rien faire. Les services judiciaires ont remis presque tous les interpellés dehors pour des vices de procédure comme si on avait le temps de faire de la dentelle quand on se fait tirer dessus. Et pour enfermer quelques malfrats à la prison de Nouville, il a fallu libérer des détenus à qui il ne restait plus qu’un an ou deux à faire. Les seuls endroits correctement sécurisés sont les lieux tenues par des groupes de citoyens qui se sont organisés.
    C’est une guerre et si l’état ne dépêche pas l’armée française pour reprendre tous les quartiers, saisir les armes, évacuer les squats et campements et libérer les routes une par une, il faudra que les citoyens menacés s’organisent davantage.

  5. En Algérie, lors des attaques des villages par des ahuris excités par le FLN, ceux qui étaient armés ont eu la vie sauve. N caledonie aujourd’hui, France demain prenez des précautions.

  6. La nouvelle Calédonie est vraiment un cas d’école. Ca fait longtemps maintenant qu’on tente d’aveugler les gens avec des lanternes, qui ne sont que des vessies. Et toutes ces « bonnes âmes » (qu’ils se croient), tout à côté de leurs pompes, bien appuyés par la majorité des médias, rabâchent sans cesse que les races n’existent pas, et qu’on est tous des humains. Certes, mais de tout temps, et ca a toujours existé, il y’a la vraie réalité. Et donc en Nouvelle Calédonie, les humains à la peau sombre pourchassent et veulent détruire les autres humains à la peau claire. Le monde est fait ainsi depuis la nuit des temps. Il faut juste être conscient de quelle est sa place. Peu importent les idées face à des machettes.

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