[LIVRE] Rome, aux sources « de la civilisation chrétienne et occidentale »

Alors que le conclave a mis la ville au premier rang de l’actualité, Alain Deblock publie un Guide de Rome (Éditions Salvator). Idéal pour aller saluer Léon XIV dans ses nouveaux appartements ou, au moins, admirer la façade rosissante de Saint-Pierre alors que le soleil décline, telle qu’on a pu la voir à la télévision, le 8 mai au soir.
Des guides de Rome, il y en a plus qu’on en peut emporter lors d’un séjour. Chacun a sa spécificité, qui fait qu’on privilégie tel ou tel, le Routard ou le Guide romain. Le guide d’Alain Deblock suit le chemin des « sources de la civilisation chrétienne et occidentale ». Art, histoire et foi, à l’image même de la ville à laquelle il sert d’introduction. Ne prétendant pas à l’exhaustivité, il cible une bonne quarantaine de sites et églises, à la fois par lieu (Rome hors les murs, le Latran, le Trastévère…) et par époque (Rome antique, Rome baroque…). Un condensé qui peut guider un nouveau venu à Rome le temps d’un week-end, touriste ou pèlerin en cette année jubilaire 2025. « Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome », comme disait Joachim du Bellay…
La basilique Sainte-Marie-Majeure
Visitons, par exemple, la basilique Sainte-Marie-Majeure. On peut y prier pour l’âme de feu François, où il vient d’être inhumé. Le guide nous rappelle la raison de la fondation de l’édifice au Ve siècle : le concile d’Éphèse venait de condamner l’hérésie de Nestorius et de déclarer Marie « Mère de Dieu ». D’où le choix du lieu : « L’emplacement choisi sur la plus haute colline de Rome est le symbole de la suprématie de l’orthodoxie sur l’hérésie. » Et le campanile érigé en 1377 est le plus haut de Rome (75 mètres).
Le guide s’attarde sur les mosaïques qui la décorent, exemple magnifique d’art paléo-chrétien. C’est « le plus ancien et le plus grand ensemble iconographique de Rome ». La quarantaine de mosaïques est détaillée, chaque sujet relié au chapitre biblique en question : invitation à lier image et texte. Les figures d’Abraham et de Moïse ne sont pas anodines, au Ve siècle à Rome. Que Dieu, par ces hommes, fasse alliance avec son peuple constitue « une révolution dans le monde romain ». Ce monde romain que revêtent, quasiment au sens propre, les uns et les autres : Abraham en général, saint Joseph en sénateur, la Vierge en impératrice.
Les Pieux Établissements
La façade et le chevet de la basilique Sainte-Marie-Majeure sont baroques, un courant qui a largement sa place dans le guide avec la place Navone, la fontaine de Trevi… et Saint-Louis-des-Français, où le baroque reste mesuré, en particulier dans le plan et la façade encore très Renaissance. On visite Saint-Louis-des-Français, surtout, pour la chapelle Saint-Matthieu et ses tableaux de Caravage : vocation de saint Matthieu, celui-ci écrivant l'Évangile, son martyre. Il ne faut pas dédaigner pour autant les œuvres du Dominiquin (vie de sainte Cécile), même si elles peuvent paraître fades par rapport aux violents clairs-obscurs du Caravage.
Les autres édifices français de Rome (dits « Pieux Établissements », sous tutelle de l’ambassade de France près le Saint-Siège), sont Saint-Yves-des-Bretons, Saint-Claude-des-Bourguignons et (qu’on trouve aussi dans le guide) La-Trinité-des-Monts et Saint-Nicolas-des-Lorrains. Celle-ci, comme son nom l’indique, est riche en peintures et sculptures illustrant la vie du très populaire évêque et datant du milieu du XVIIIe siècle. La Fondation du patrimoine a lancé un appel aux dons pour restaurer deux toiles : l’une de Corrado Giaquinto (Saint Nicolas bénissant les trois officiers de l’empereur Constantin), l’autre de Nicolas de Bar (Les Noces mystiques de sainte Catherine d’Alexandrie). Quant à la Trinité-des-Monts, elle est unique par la beauté de sa situation, au sommet d’un escalier monumental, mais l’intérieur ne manque pas de richesses non plus.
« Chacun chez soi »
Rome, « c’est la plus commune ville du monde où l’étrangeté et différence de nation se considèrent le moins ; car de sa nature, c’est une ville rapiécée d’étrangers. Chacun y est comme chez soi », écrivait Montaigne. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle chacun s'y sent chez soi. Le fait qu’y soient intimement fondus l’Antiquité et le christianisme de tous les âges y est pour quelque chose aussi. Là est le cœur de notre univers mental, artistique, spirituel. Soucieux des « sources de la civilisation chrétienne et occidentale », le guide d’Alain Deblock illustre à merveille ce phénomène.

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4 commentaires
Rome c’est surtout la République, puis l’Empire avant que le christianisme ne le mine de l’intérieur…
Ne le fasse exploser, plus exactement. Le christianisme, décrété religion d’état par Théodose 1er (édit de Thessalonique en 380) fut le moteur déclenchant de la chute de l’empire romain, les invasions barbares n’en étant que la conséquence. Toute religion instaurée d’Etat se traduit toujours par un désastre.
Vous avez raison, mais on peut aussi considérer que le christianisme ne fut qu’un des symptômes du pourrissement intérieur de l’Empire dont les habitants avaient perdu peu à peu la conscience et les vertus propres à l’identité romaine et qui les accompagnaient depuis presque un millénaire… Le christianisme a alors substitué une identité religieuse, superstitieuse, mondialiste et universaliste à la pragmatique et cohérente identité romaine… et l’Empire s’est délité… Je ne sais pas pour vous mais moi ça me rappelle quelque chose de plus actuel.
Soyons dignes d’être romains !