Livre : Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos, de Christian Combaz

Combaz Marianne

Christian Combaz, votre livre - dont les lecteurs de Boulevard Voltaire ont eu la chance d'avoir la primeur l'an passé - s'intitule Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos. Le titre fait froid le dos ! On dirait celui d'un roman policier, sauf que vous n'attendez pas la fin pour désigner le coupable…

Cette primeur de l'an passé a fait bondir le livre en tête des ventes d'Amazon mais sans aucune présence en librairie. Un éditeur "normal" et courageux, c'est-à-dire hors normes, Le Retour aux Sources, a relevé le défi : on le trouve, désormais, dans les FNAC et chez Cultura. Je précise que le livre a été augmenté de cinq chapitres correspondant à l'arrivée de Macron et à l'affaire hongroise. Le livre dans son édition originale (censurée par son propre éditeur après composition et couverture, un cas rarissime) devait précéder l'élection. Il s'achevait sur une incertitude.
La nouvelle édition montre à quel point les craintes étaient légitimes. Oui, la France a fait l'objet d'une tentative d'assassinat ratée et ne s'est pas suicidée comme le prétend Zemmour, dont la thèse est commode puisqu'elle permet de ne pas chercher les coupables. Cette tentative d'assassinat (culturel, politique, géostratégique) est l'œuvre d'une conjuration et, moi, je nomme les conjurés : de Giesbert à Pierre Bergé.
Ce sont tous ceux qui nous ont infligé, outre "la France des Bronzés", qui était assez facile à domestiquer, le modèle américain dans les années 80. L'actionnariat du Figaro est même passé dans le giron d'un fonds de pension américain au moment de la guerre du Golfe - ce n'est pas neutre. En fait, la vie publique française n'a jamais été neutre. Elle a toujours roulé pour l'Amérique, tous les présentateurs vedettes ont été correspondants à Washington. Le rôle d'Hollywood, de Line Renaud, de Céline Dion, la glorification de la Silicon Valley, l'achat de la MGM par le Crédit lyonnais, la colonisation du palmarès de Cannes, la perpétuation du mythe "c'est mieux là-bas", les pressions pour le retour dans le commandement intégré de l'OTAN, tout cela est d'une grossièreté, d'un cynisme total. Sarkozy, Hollande et, désormais, Macron épousent toutes les lubies américaines, vendent nos bijoux de famille, bradent l'image de la France et essaient de nous faire passer la Russie, l'un des plus vieux alliés de notre pays (plusieurs siècles de fascination mutuelle), pour l'image de la barbarie. Ça ne marchera pas.

À quel moment, selon vous, le coup fatal a-t-il été porté ?

Le règne de Giscard est le point de basculement, c'est là que la France des futures élites mitterrandiennes, celle des "Bronzés", a pu s'appuyer sur le dédain affiché, encouragé, des structures anciennes de notre pays et aller chercher ses recettes dans la permissivité marchande américaine, le tiers-mondisme, la déconne permanente. Dans une chanson de Souchon, on parlait de la bourgeoisie française comme d'une "basse-cour à bijoux", on parlait du racisme de ces gens-là, on débinait ses rapports avec l'armée et la religion. Mais a-t-on remplacé le monde qu'on a ridiculisé, destitué, par une sorte d'autogestion éclairée où le peuple aurait eu la parole, aurait gardé sa langue, ses références, ses usages, son passé, son unité ?
En fait, non, on a remplacé les élites bourgeoises, gaullistes, économes, indépendantes à l'égard de l'Amérique, celles qui pratiquaient un langage châtié, celles qui connaissaient leur histoire, par d'autres élites dépensières, socialistes, analphabètes, vulgaires, immigrationnistes et vendues à tous les mythes californiens.
On se souvient de Servan-Schreiber, fervent lobbyiste américain, démissionnant comme ministre parce qu'on voulait mettre des ordinateurs Thomson dans les écoles et non des Macintosh.
Le peuple français a fait l'objet d'un paternalisme pénible, de l'élite jusqu'à Giscard, mais, au moins, il a été défendu. Après, il a été trahi.

Un poignard dans le dos, c'est grave, mais ce n'est pas désespéré ! Marianne est-elle mortellement atteinte ou peut-elle encore se remettre ?

Marianne a arraché le poignard, le coup n'a touché aucun organe vital, mais on peut la comprendre, elle est très en colère contre ses agresseurs. Il lui suffira de mener l'enquête pour comprendre que rien n'est arrivé par hasard. Il y a eu conjuration. Le propre des conjurés, dans les manuels d'histoire, est qu'on a toujours fini par en établir la liste. Ce sera fait chez nous aussi. À présent, comment réparer le mal ?
Ça ne dépend plus de nous mais de ceux dont nous dépendons. En cas de grave pépin sur la sécurité nationale, je tiens pour probable que Macron remettra les clés du pays à l'OTAN. L'opinion peut se fâcher gravement à cette occasion. Si Pologne, Hongrie, Slovénie, Serbie décident de renouer avec la Russie puis de se laisser appuyer par la Chine pour des raisons économiques, si le sentiment historique européen renaît à Budapest, la France, là encore, va avoir un choix à faire. Une fois de plus, ce sera le peuple contre ses élites.
Les élites sont, en principe, programmées pour gagner tout le temps mais le rôle de l'imprévisible est de plus en plus probable. Y compris à travers un repli de la puissance américaine en Europe. Je crois qu'il existe une providence qui veille sur la France : le jour où elle se manifestera, les gens sauront quoi faire.

Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 24/10/2018 à 9:06.

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