Les vingt ans du Loft : on en est là, à fêter la télé-réalité, cette extraordinaire machine à décérébrer !

LOFTSTORY

Bimbos, blondasses, bombes, kékés gominés, bodybuildés, ultra-tatoués, rien dans la tête et forts en gueule. Bêtise, vulgarité, vide intersidéral…

Voilà, en quelques mots, les qualificatifs qui me viennent pour avoir regardé – jamais plus de dix minutes, après, c’est au-dessus de mes forces – l’une des émissions phares de la télé-poubelle : Les Marseillais à…

C’est un ami qui m’y a incitée ; il a insisté : il faut que tu voies ça, tu comprendras mieux. Comprendre quoi ? Comprendre tous ces pauvres mômes que l’on croise ici, des jeunes qui s’efforcent de leur ressembler : les filles moulées dans leur caleçon trop petit, le ventre à l’air et les seins aussi, qui ponctuent chaque phrase d’un sonore « j’m’en bats les couilles » ; les garçons gonflés aux stéroïdes, des durs qui parlent « chiffon ». Pas question de rater la dernière paire de Nike™.

Ce sont les enfants de la télé-poubelle, celle qu’on fête ces jours-ci avec « les vingt ans du Loft ». Eh oui, parce qu’on en est là, à fêter l’avènement de la plus belle machine à décérébrer inventée depuis l’aube de l’humanité : la tété-réalité.

Une sociologue le dit benoîtement dans Le Monde : la télé-réalité est devenue « un genre à part entière, regardé par des millions de téléspectateurs ». « En 2001 [naissance du Loft], cela choquait que des gens deviennent célèbres après avoir été exposés dans une émission où ils se contentaient d’être oisifs. […] Aujourd’hui, des gens deviennent connus car ils se racontent sur les réseaux sociaux, c’est devenu une profession à part entière. »

Toutefois, comme on est dans la presse de gauche financée par le « grand kapital », on évite de dire que tout cela a fabriqué, pour son malheur, la société la plus consumériste qui soit en vidant les cerveaux pour y caser du temps d’antenne. En revanche, on fustige le « retour de la société de cour du XVIIIe siècle, où un individu peut tomber en disgrâce à tout moment ».

Le Haut Conseil pour l’égalité s’est ému, nous dit-on, de ces émissions pourvoyeuses « de sexisme et de stéréotypes ». De fait, dit la sociologue, « il y a une hypervirilité des hommes, qui sont très grands, très musclés, très tatoués. Quand ils se présentent, ils mettent toujours en avant leur force et leur envie de se battre. Les femmes sont présentées par leur capacité à séduire et leurs formes. Le couple, lui, est forcément hétérosexuel. »

Comme il faut se mettre dans l’air du temps – il est à la plainte –, les médias mettent l’accent là-dessus. Tournent donc en boucle les héroïnes du jour : Angèle, Rawell, Rania et Nathanya, héroïnes des « Anges » qui se plaignent, aujourd’hui, de mauvais traitements. Humiliations, insultes, harcèlement de la part des autres candidats et obligation, par la production, de « se mettre en couple contre leur gré avec des participants ». Ainsi Nathanya qui rapporte ces mots de la productrice : « Tu veux sortir avec personne ? Pourtant, t’as passé un casting de salope. »

Il faut croire que ce qui semble une évidence pour toute personne sensée ne l’est pas pour les candidates. Jamais, en effet, n’est abordée dans ces articles critiques la question du volontariat, comme si tous ces pauvres pantins décérébrés se rendaient aux castings la baïonnette dans le dos.

Ce qui n’est pas dit, c’est que la télé-réalité est un business qui rapporte beaucoup d’argent, à la production comme aux « acteurs ». Le salaire des Marseillais, par exemple, va de 7.000 à 13.000 euros, avec une prime à l’ancienneté, à quoi s’ajoutent les posts Instagram facturés entre 500 et 2.000 euros par des marques de vêtements, de baskets ou de produits blanchissants pour les dents, indique Gala.

Dans une société où le savoir est totalement dévalorisé, montrer son cul sur les écrans est devenu le rêve de millions d’adolescents.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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