Les racines du mal

"Politique d’abord !", affirmait Charles Maurras, et ce n’est pas parce que l’homme qui a dominé la pensée et la politique françaises pendant un demi-siècle n’a pas su désengluer le patriotisme du jacobinisme qu’il avait tort sur ce point. C’est toujours vrai, ce qui n’a pas empêché l’économique de prendre le pas sur le politique jusqu’à l’avoir, à ce jour, absorbé. Or, le politique est beaucoup de choses : une conception de l’homme et de l’État, des mythes fondateurs, du rôle du pays dans le concert des nations ; la gestion des oppositions et des querelles qui existent dans tous les peuples. À tout cela, l’économique est étranger. Incapable de prendre en compte les fondements d’une nation mais seulement de répondre aux besoins essentiels, et plus souvent aux désirs suggérés, d’une population égarée, l’économique contribue à la confusion des esprits. Peut-on y remédier ?

Si l’on considère les causes premières, sans aucun doute. Quelles sont-elles ? Les écoles de formatage. Car des dizaines de millions de citoyens ne peuvent, si nombreux, vivre dans l’aveuglement si cet aveuglement n’admet pas des causes communes. Ces écoles de formatage sont au nombre de quatre, certaines regroupant plusieurs succursales.

Il s’agit des ESPE, Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ex-IUFM, qui mettent en place les bons petits soldats qui portent jusqu’aux plus modestes hameaux les valeurs de la bien-pensance ; l’ENA, École nationale d'administration, qui livre l’État à une caste de hauts fonctionnaires parmi lesquels émergent et se cooptent les dirigeants politiques ; l’ENM, École nationale de la magistrature, livrée au Syndicat de la magistrature (le mur des cons), qui transforment de brillants jeunes gens en défenseurs d’une morale droit-de-l’hommiste qui juge socialement en toute partialité (lire la harangue d’Oswald Baudot aux jeunes magistrats, elle est très éclairante !) ; les cinq principales écoles de journalisme (sur 30, dont 14 reconnues par la profession) que sont, à Paris, le CFJ (Centre de formation des journalistes), ScPo (École de journalisme de Sciences Po), l’IPJ-Dauphine (Institut pratique du journalisme) ; à Lille, l’ESJ (École supérieure de journalisme) ; à Toulouse, l’EJT (École de journalisme de Toulouse). L’enseignement binaire, sectaire et moralisant de ces établissements produit des professionnels militants, sermonneurs, justiciers et délateurs. Avec, bien sûr, pour l’ensemble de ces écoles, toutes les merveilleuses exceptions liées à la nature humaine.

Il suffirait de fermer ces établissements pour régénérer la vie politique, et, par là, la vie civique qui nous concerne tous. Il ne serait pas si difficile de les remplacer en respectant – enfin ! — la diversité des esprits qui nous manque tant. La sélection sur concours à l’université permettrait d’admettre et de former dans des filières dédiées de jeunes gens qui, après un stage de fin d’études en immersion, feraient d’excellents enseignants, hauts fonctionnaires, magistrats et journalistes. Venus de tous les coins de France, bénéficiaires d’un enseignement varié, porteurs de visions multiples, ils irrigueraient le pays d’un sang neuf. Un long processus de réadaptation à une démocratie vivante s’ensuivrait, au terme duquel la France retrouverait son rang et les citoyens leur liberté.

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