Les gilets jaunes : la liberté jusqu’où ? Réponse à Michel Onfray

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Qu’il soit permis au modeste écrivain que je suis de contester les certitudes de Michel Onfray. Il place la vertu de courage au-dessus de tout et il a raison. Pas de grande civilisation sans courage individuel et collectif ! C’est bien ce qui a permis à la France sa victoire, aujourd’hui centenaire, dans la Première Guerre mondiale. Quant au fait que la vertu n’est pas payée de retour, Sénèque rappelait "qu’une vertu sans adversaire se flétrit" : les stoïciens n’y ont jamais vu une raison de ne pas avoir d’enfants.

Cela dit, Onfray croit-il sérieusement que l’on peut nier la réalité de ce temps ? Croit-il que l’esprit de lucre soit seul à mettre en mouvement les chefs d’entreprise, dupes qu’ils seraient d’une rémunération trop souvent excessive, mais dont ils n’ont jamais le temps de profiter ? Les croit-il aveugles aux souffrances des moins favorisés ? Ses appels au socialisme proudhonien sont-ils vraiment la bonne réponse à l’ampleur des problèmes posés ?

Non, je crois qu’il est une démagogie, consciente ou inconsciente, derrière cette fausse vérité. Je crois que le monde réel, celui de l’appétit de revanche des peuples autrefois dominés, s’impose aux citoyens d’aujourd’hui, comme l’appétit des « Barbares » s’est imposé aux Romains de la décadence. Je crois que l’abandon du dévouement au bien commun, que la soif des plaisirs immédiats, que le poids excessif de l’administration de l’empire ont puissamment contribué à l’effondrement de la société romaine, comme l’a très bien analysé, en effet, Lucien Jerphagnon. Et qu’il existe des similitudes avec la situation d’aujourd’hui de l’Occident fatigué est une évidence. De là à en tirer les conclusions qu’en tire Onfray en faveur d’une manière de « girondisme » parfait, il y a une marge. Certes, la liberté doit être défendue par tous les moyens, mais ce n’est pas dans on ne sait quelle autogestion généralisée, somme d’individualismes sourcilleux sans support analytique sérieux, que le peuple français trouvera son chemin.

Vouloir nier le monde tel qu’il est relève d’une dangereuse utopie. Ce monde d’aujourd’hui est cruel, c’est un fait, mais vouloir se réfugier dans l’illusoire est un crime. Il faut expliquer inlassablement les vérités qui dérangent, il faut rappeler la dureté des temps, la nécessité vitale des adaptations nécessaires si nous voulons survivre en tant que nation indépendante, il faut le faire avec humilité, mais en sachant que la facilité ne mène nulle part. C’est ce que savent ceux qui tentent d’aller au-delà d’eux-mêmes, navigateurs solitaires, alpinistes de l’extrême, pèlerins de l’impossible. Nous ne pouvons qu’être humbles devant la puissance de la nature comme devant les mouvements tectoniques de la science ou de l’économie.

Mais laisser croire à ceux qui cherchent leur chemin qu’ils trouveront la solution dans une liberté individuelle sans contrainte est pire qu’une erreur : c’est une faute. C’est ce que nous ont appris nos vieux maîtres disparus, c’est là le vrai chemin de la vertu romaine, souvenons-nous-en !

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Gilles Cosson
Ancien membre du directoire de Paribas, écrivain

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