La dernière émission d'« Envoyé spécial » avait pour but, une fois de plus, d'éveiller l'inquiétude du grand public sur le glyphosate, cet herbicide fabriqué à l'origine par la société américaine Monsanto. Dans un article publié en octobre 2017 ici même, je vous avais déjà fait part du résultat des études épidémiologiques menées à grande échelle et des expertises menées par plusieurs agences internationales (OMS, FAO, ECHA ou EFSA), concluant à l'absence de lien entre l'usage du glyphosate et le développement de cancers ou le fait qu'il est improbable que le glyphosate pose un risque cancérogène pour les humains du fait de l’exposition par le régime alimentaire.

Faisant fi de tout cela, Élise Lucet nous a donc offert, une fois de plus, une leçon de militantisme journalistique.

Afin de réveiller les consciences, elle a proposé à plusieurs personnes, dont des personnalités, de mesurer la quantité de glyphosate dans leurs urines. Oh ! surprise, ils en ont trouvé, même dans celles de Julie Gayet ! Vous rendez-vous compte ? Et Élise Lucet est allée jusqu'à affirmer : « On est incapable de fixer un seuil au-delà duquel c’est dangereux. » Il s'avère que ce seuil existe et que les doses trouvées sont 714 fois inférieures à la limite admise pour l'eau potable, et environ 4.000 fois inférieures à la dose journalière admissible fixée par l'EFSA et établie avec un facteur 100 de sécurité. Suite à la réaction outrée de certains scientifiques, la rédaction d'« Envoyé spécial » a déclaré, sur le site francetvinfo, qu'elle connaissait l'existence de ces seuils. Pourquoi n'en a-t-elle pas parlé durant le reportage ?

Afin de se trouver une caution scientifique, elle est allée interviewer Gilles-Éric Séralini, rendu célèbre par la presse et la télévision suite à la publication, en 2012, d’une étude sur la cancérogénicité d’un maïs OGM résistant au glyphosate. Malheureusement pour elle, il est, aussi, célèbre dans le milieu scientifique pour avoir subi une procédure exceptionnelle de rétractation de sa publication après nombre de critiques argumentées sur sa méthodologie.

Depuis, ses résultats ont été contredits par quatre expériences indépendantes, financées en partie par l'Europe, et menées sur un plus long terme. Une, au moins, de ces études est française, mais aucun de ses protagonistes n'a été interviewé.

Plutôt que de faire parler la science, elle a préféré faire parler la Justice à travers l'affaire du jardinier Johnson et de son procès contre Monsanto. Atteint, malheureusement, d'un cancer incurable, un jury populaire a désigné un responsable : la firme Monsanto.

Quand Élise est lancée, rien ne l'arrête, et surtout pas le malheur d'un enfant handicapé dont la mère affirme que ce handicap est survenu alors qu'elle utilisait cet herbicide quand elle était enceinte. Il n'y a pas, non plus, de lien de causalité démontré dans l'affaire de l'épidémie de maladie rénale survenue au Sri Lanka (selon l'OMS). Preuve en est, le gouvernement sri-lankais a annulé l'interdiction du glyphosate en 2018, contrairement à ce que notre journaliste affirme.

Jeudi dernier, Élise Lucet nous a infligé une dose de désinformation, indigne d'une émission du service public.

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24 janvier 2019 à 12:52

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