Les dysfonctionnements répétés du baccalauréat risquent de conduire à sa disparition

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L'un des fraudeurs présumés du bac, interrogé sur BFM TV, a déclaré que « pour [lui], c'était juste rendre service à un ami », ajoutant : « Je ne pensais pas que ça allait prendre des proportions aussi énormes. » On se souvient que le sujet de mathématiques des séries ES et L avait fuité. Suite à la plainte déposée par le ministre de l'Éducation nationale, treize lycéens ont été interpellés et placés en garde à vue. Un incident de plus qui, avec la rétention des notes d'une minorité de correcteurs, pourrait fragiliser encore davantage le baccalauréat.

Au-delà de l'inconscience des risques encourus, que traduit le témoignage de ce lycéen, ce nouvel incident vient s'ajouter à ceux que connaît presque chaque session du baccalauréat. Tout se passe comme si la tricherie aux examens était devenue un sport national : on en fait l'apprentissage à l'école et on le pratique, sous différentes formes, une fois entré dans la vie active.

Mais le plus grave, dans cette affaire, c'est qu'elle révèle un dysfonctionnement entre le moment où le sujet de mathématiques a été retenu et celui où il est distribué aux élèves. La fuite se situe-t-elle au niveau du rectorat, où les sujets sont imprimés et stockés, ou au niveau des centres d'examen, où ils sont conservés en lieu sûr, dans un endroit dont seuls le proviseur et ses adjoints ont le code d'accès ? Pire : peut-on exclure un piratage informatique, bien que le circuit informatique soit ultra-sécurisé ? Les responsabilités doivent être établies et les coupables sanctionnés.

On peut craindre, cependant, que cet incident ne soit un prétexte pour remettre en cause cet examen, dont la lourdeur et le coût sont régulièrement critiqués. La « grève » des corrections, qui s'est traduite par la rétention des notes dans quelques centres d'examen, risque fort d'apporter de l'eau au moulin des partisans d'une plus forte dose de contrôle continu, à commencer par le ministre lui-même.

Il a, en effet, annoncé que si quelques notes de candidats ne parvenaient pas, ce jeudi, dans les centres où ont lieu les délibérations, les jurys se référeraient à la note moyenne obtenue dans la discipline par les élèves concernés, en se fondant sur leur livret scolaire. Il y aurait beaucoup à dire sur le mélange de contrôles en cours de formation et d'épreuves terminales qui caractérisera le nouveau baccalauréat – c'est la règle dans les universités –, mais il est certain que le choix local des sujets apparaîtra comme un moyen d'éviter les fraudes nationales.

C'est méconnaître que les risques locaux de dysfonctionnement sont encore plus importants : fuites au niveau de chaque lycée, pressions des parents et des élèves sur les professeurs, pressions des chefs d'établissement sur les correcteurs, voire des professeurs sur les correcteurs de leurs élèves. On en tirera vite la conclusion que le nouveau système est pire que le précédent et on finira par remettre en cause l'existence même du baccalauréat.
Personne ne croit plus qu'il soit le « premier grade universitaire », même si c'est officiellement sa définition. La plate-forme Parcoursup, actuellement, ne tient compte que des résultats des deux premiers trimestres. Avec le nouveau bac, elle ne pourra pas prendre en considération toutes les épreuves terminales, sauf à les placer trop précocement dans l'année scolaire.

Dans ces conditions, le baccalauréat pourrait bien paraître totalement inutile.

Ce serait le triomphe du contrôle continu et la fin d'un examen qui, malgré tous ses défauts, avait le mérite d'exister.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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