Le scandale McKinsey n’est que la partie émergée de l’iceberg macroniste

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Si l’entourage d’Emmanuel Macron se presse pour défendre son candidat, à moins de deux semaines des élections, c’est que l’affaire des cabinets de conseil est tentaculaire. La pratique n’a pas commencé sous son quinquennat, mais elle a été croissante entre 2018 et 2021 (bien avant la pandémie, donc). La direction du budget indique que les dépenses de conseil des ministères ont plus que doublé, avec une forte accélération en 2021 (+45 %). Largement médiatisé, le cabinet américain McKinsey ne représente réellement que 1 % des dépenses de conseil de l’État entre 2018 et 2020, loin derrière Eurogroup (10 %) et Capgemini (5 %). Selon le rapport du Sénat, 19 autres cabinets de conseil se sont partagé 55 % du marché, laissant le reste du gâteau à... 2.050 autres entreprises de conseil. Un vrai festin pour les consultants de tous poils !

Des consultants très discrets

Ils sont behind the scene. Le Sénat dénonce, dans son rapport, l’opacité des méthodes. Interrogé devant la commission d’enquête, Olivier Véran avait déclaré : « Si vous aviez voulu [les] documents estampillés McKinsey présents dans le dossier, vous auriez trouvé une feuille blanche. » Et, de fait, les consultants travaillent en « équipe intégrée » et sont assimilés aux agents publics. Ils ont rédigé pendant la crise des notes administratives sous le sceau de l’administration, certains disposaient d’une adresse mail du ministère. Le Sénat (notre photo) révèle qu’aucun logo de cabinet de conseil ne doit figurer sur les documents produits ou les supports de présentation, rendant impossible la distinction entre l’apport des consultants et celui de l’administration.

Méthodes infantilisantes

Outre ce manque de transparence caractérisé, l’infantilisation des méthodes des cabinets « pour transformer l’action publique vers une république du Post-it » fait fulminer le Sénat. Ainsi, les consultants sont missionnés pour proposer des méthodes « disruptives » inspirées du privé avec un jargon qui pourrait faire sourire s’il ne coûtait pas si cher aux contribuables. Un exemple parmi tant d’autres : les cabinets de conseil INOP’S et Capgemini ont mis au point les consultations sur les États généraux de la Justice. Concrètement : une plate-forme en ligne et « des “ateliers délibératifs” sont organisés avec 48 citoyens volontaires. Les participants doivent déposer un Post-it™ sur un paperboard en répondant à la question : “Qu’est-ce qu’est pour vous la justice idéale ? ” Ils procèdent ensuite à la lecture du “nuage de mots” ainsi constitué. À la fin de la journée, ils votent avec des gommettes vertes, jaunes et rouges sur les thématiques qui leur paraissent prioritaires. » Coût de l’opération : 950.241,97 euros. Cela fait cher le post-it™... D’autres ateliers aux méthodes « innovantes » sont vécus comme infantilisants par les agents qui témoignent benoîtement : « Le vocabulaire de la start-up nation me semble peu approprié à notre mission de service public. » Et pour cause, ils sont initiés au jeu du « bateau pirate » (ils doivent s’identifier à un des personnages, capitaine ou marin par exemple, et assumer ce rôle), au « Lego™ serious play » (il leur faut construire un modèle avec des pièces Lego™, imaginer « l’histoire qui donne du sens à son modèle et la présenter aux autres »), aux « ice breakers » (activités ludiques et courtes pour détendre l’atmosphère), sans oublier les fameux Post-it™, chers à Emmanuel Macron (« nuages de mots » sur lesquels les participants doivent réagir). Ils s'occupent à mettre en scène la météo RH, fabriquent les boîtes à questions et manifestent leurs votes à l’aide de gommettes de couleur !

Des missions inabouties mais facturées quand même

Moins connus que la réforme des APL ou la gestion de la pandémie, certains dossiers se sont soldés par un échec pour l'état macroniste, pas pour les cabinets de consultants qui ont bien facturé leurs prestations. Ainsi, en 2018, BCG et EY organisent, pour la somme de 558.900 euros, la convention des managers de l’État, qui doit réunir 1.821 hauts fonctionnaires au Palais des Congrès, le 12 décembre 2018. Cette « intervention inspirante » préparée de longues semaines à l’avance a été reportée en raison des gilets jaunes, puis finalement annulée à cause du Covid. Au diable l'avarice !

Autre exemple d’échec relevé par le Sénat : celui du logiciel SCRIBE, qui visait à dématérialiser les procédures de la police nationale, et notamment la rédaction des plaintes. 11,7 millions d’euros et quatre ans de développement investis pour aboutir à ce que la chambre haute décrit comme « un exemple emblématique des échecs de chantiers informatiques de l’État ». Confié en 2017 à Capgemini, le dossier accumule les retards et les défauts majeurs (support juridique inadapté, solutions techniques mal évaluées, suivi de haut niveau insuffisant…).

Multiplication des consultations citoyennes

Nous pourrions citer les cas où le recours aux cabinets est devenu un réflexe, conduisant le Sénat à s’interroger sur leur réelle plus-value : ainsi le rôle confié par le ministère de la Culture à Deloitte dans les dispositifs d’aide aux journalistes et aux diffuseurs de presse. Ou les nombreuses consultations citoyennes organisées depuis ces dernières années. La commission d’enquête note « au moins une quinzaine d’exemples entre 2018 et 2021, dont le montant total approche les 10 millions d’euros (9,86 millions) ». Souvenez-vous, entre autres, du grand débat national (2,9 millions d’euros de conseils), de la Convention citoyenne pour le climat (au moins 1,9 million d’euros) et même de la concertation relative à l’avenir de l’Europe (1,72 million d’euros). La palme revient peut-être à cette prestation de 400.397 euros pour « l’organisation du collectif “vaccins” de 35 citoyens tirés au sort par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et chargé de faire des recommandations sur la stratégie vaccinale ».

Ces pratiques onéreuses de recours aux cabinets de conseil sont d’autant plus scandaleuses qu’il y aurait moyen de les internaliser. Par exemple, Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, à la demande de la commission d’enquête, a indiqué que le coût brut d’une journée travaillée d’un membre de la DST (structure de conseil interne : la direction de la stratégie et de la transformation) s’élevait à 365 euros en moyenne, contre... 1.080 à 2.400 euros TTC pour un jour de consultant des grands cabinets.

Enfin Macron, le candidat de la start-up nation, devra assumer dans le bilan de son mandat ces quelques extraits d’évaluations de prestations de conseil rédigées par la Direction interministérielle de la transformation publique : « absence de connaissance du secteur public », « manque de culture juridique », « absence de rigueur sur le fond comme sur la forme », « erreurs de comportement ». Des informations dévoilées au grand jour qu'Emmanuel Macron aurait sans doute préféré éviter de porter à la connaissance du contribuable-électeur…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/04/2022 à 18:00.
Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

70 commentaires

  1. Macron pas au courant de cette derive ! Dans le privé le dirigeant est penalement responsable et ça s appelle des abus de biens sociaux ;là il s agit d abus de biens publics
    J espere qu il rentra des comptes devant la justice pour tous les abus liés à cette affaire

  2. Si le peuple n’est pas capable de faire lui même le ménage ne compter ni sur le parquet financier , ni sur quiconque pour se bouger , ils sont tous complices du système. J’espère une seule chose que les français se bougent les fesses et aillent retourner la table lors des élections . Cette mascarade n’a que trop duré.

  3. Quelle que soit le jugement porté sur ces « cabinets de conseils », on peut dire qu’après tout, ils ne font que ce qu’on leurs demande.
    Le vrai problème se situe plutôt au niveau du gouvernement qui est notoirement incapable d’assurer les fonctions confiées par le suffrage.
    Mais ne soyons pas surpris de la chose quand deux ministres se vantent de leur activité littéraire. Il faut bien que quelqu’un fasse le boulot.

  4. Ces pratiques infantilisantes que j’ai connues en entreprise furent, sont et resteront à jamais une injure à mon intelligence !!!! aucune réflexion , des mots, des mots et des sous beaucoup de sous pour ces guignols qui vendent du « vent » !!!!

  5. Il faut lire le livre récent de Michel Onfray : Foutriquet. C’est une description complète d’Emmanuel Macron, de sa présidence, du « en même temps »; écrit avec une note d’humour, mais bien détaillé sur tout ce qui a jalonné le parcours et décisions de la Macronie.

  6. Cette affaire « MC Kinsey » est probablement l’arbre qui cache la fôret. Et quel gâchis tout cet argent dépensé en matière grise inopérante pendant que d’autres se gèlent dans leur habitation

  7. Une fois de plus, macron a vendu nos données aux US Il faut que le 10 avril les français votent contre ces malfaisants !

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