Depuis zéro heure, ce 1er janvier 2021, le Royaume-Uni n’est plus membre de l’Union européenne. « Un jour historique mais triste », a tweeté Clément Beaune, préposé aux affaires européennes au sein du gouvernement français. « C’est le Royaume-Uni qui se punit lui-même […] On n’a puni personne, mais on a montré aussi le prix à payer de ce que c’était de partir. » « Le prix à payer » : il y a quelque chose de churchillien, là-dedans, vous ne trouvez pas ? Du sang et des larmes, pendant qu’on y est !

Dans une interview donnée à Franceinfo, Clément Beaune qualifie l’Union européenne de « grand club ». A la différence d’une secte, un club, en principe, se quitte et l’on ne voit pas trop ce que vient faire là-dedans la notion de punition. La nation qui a su faire face à Napoléon et Hitler en a vu d’autres dans son Histoire. Mais il est convenu que cela doit être un jour triste. Comme s’il fallait laisser aux Britanniques un goût d’amertume, une petite pointe de regret à ce divorce. Il n’y a pas de divorce heureux, même pour les tenants d’une société libertaire.

Même l’âme de la Dame de fer - c’est dire ! - est appelée à la rescousse par le très européiste Clément Beaune qui nous offre dans un tweet un portrait de Maggie, revêtue d’un patchwork de drapeaux européens ainsi qu'une citation de la baronne de Kesteven : « La Communauté européenne est un puissant groupe de nations. Avec la Grande-Bretagne comme membre elle est plus puissante ; sans la Grande-Bretagne elle sera encore puissante. » Il est vrai, aussi, que la même Thatcher disait, en 1979, lors d’un sommet européen : « I want my money back » (« Je veux qu’on me rende mon argent ») ! Comme quoi, les citations, comme les chiffres, on peut leur faire dire ce que l'on veut, surtout si ceux qui les ont prononcées sont morts depuis longtemps.

Maintenant que les Anglais sont retournés au Moyen Âge dans leur île brumeuse, on va donc être vigilant. Dès le 1er janvier, Clément Beaune et son collègue Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, seront dans les Hauts-de-France, histoire de montrer cette vigilance. Pour illustrer cette annonce, une photo dudit Dussopt entouré de douaniers. Qui dit douanier dit douane. Pourquoi faire ? Le ministre l’explique sur Franceinfo. « Nous serons vigilants dans l’application de l’accord […] Pour accéder à notre marché […] nous avons posé des conditions très strictes en matière d’aides d’État, par exemple, pour qu’il n’y ait pas de distorsions, de concurrence entre nous et les Britanniques […] Pour que, par exemple, les normes que nous imposons à nos industries en matières environnementale, sanitaire, de qualité alimentaire, nous les imposions aussi aux Britanniques et nous les vérifiions, d’où les contrôles à l’entrée. » Rien de plus normal. Et qui dit douane dit frontière. Ce qui n’empêche pas le secrétaire d’État, dans la foulée et dans un exercice désormais traditionnel du « en-même-temps », de déclarer et de tweeter : « Le charme de la frontière, de la souveraineté nationaliste, c’est une fable, c’est une illusion et c’est un mensonge. » La frontière, ça doit être comme le cholestérol : il y a la bonne et la mauvaise.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul (pour le Royaume-Uni), on apprend que le père de Boris Johnson, l’ancien député européen Stanley Johnson, veut demander la nationalité française. Décidément, triste jour pour la perfide Albion. Johnson père affirme même que « ce n'est pas une question de devenir Français. Si j'ai bien compris, je suis Français. Ma mère est née en France, sa mère était entièrement française, et son grand-père également. Alors, pour moi, c'est une question de réclamer ce que j'ai déjà. » Cela risque d’être un peu plus compliqué que ça, mais bon… Il est vrai que la grand-mère maternelle de BoJo est née à Versailles en 1907 dans une excellente famille, comme on disait alors. Il est vrai, aussi, qu'il pourrait demander la nationalité turque puisque son grand-père paternel était Ali Kemal Bey (1867-1922), dernier ministre de l’Intérieur du sultan ottoman...

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01 janvier 2021 à 2:20

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