Mes amis grecs ne peuvent jamais faire comme les autres, à commencer par leur Premier ministre qui, tout en se disant athée dans un pays majoritairement chrétien, se rend en pèlerinage au mont Athos (avant les élections…) et, dans le même temps, refuse de se marier à l’église et de baptiser ses enfants... On lui prête également l’intention de vouloir modifier le préambule de la Constitution puisque cette dernière est écrite « Au nom de la Trinité sainte, consubstantielle et indivisible » et qu’elle précise par ailleurs, dans ses attendus, que la religion « dominante » » est celle de l'Église orthodoxe orientale du Christ. Tsípras le mécréant, le Premier ministre sans cravate, les médias grecs l’attendent au tournant dimanche prochain où l’on célèbre le Christ ressuscité, la Pâque catholique et protestante du calendrier grégorien ne coïncidant pas avec la Pâque orthodoxe du calendrier julien qui tombe, cette année, le 28 avril.

La « fête de Pâque » (au singulier), contrairement aux « fêtes de Pâques » (plurielles) de nos religions romaines ou luthériennes, est, en Grèce, bien plus que Noël, la fête religieuse la plus importante du calendrier liturgique. Majoritairement orthodoxes, les Grecs, hormis leur Premier ministre sans cravate, mais dont la carte d’identité précisait jusque dans les années 2000 l'appartenance religieuse de son titulaire, demeurent viscéralement attachés à leurs croyances religieuses et la fête de Pâque est, en quelque sorte, la fête par excellence du peuple grec.

Oups… Une olive sans noyau m’est restée en travers de la gorge en lisant, ici ou là, que l’Église orthodoxe grecque serait non seulement propriétaire d’un tiers environ du pays et qu’elle serait « riche comme Crésus » alors que, vous l’aviez compris, le peuple crèverait de faim. Un peuple qui n’oublie pas que l’Église orthodoxe reste étroitement liée à leur libération du joug ottoman et à l’idée même de la création de la nation grecque. Les biens immobiliers de l’Église que Tsípras voudrait privatiser, comme il l’a entrepris pour les sites archéologiques, ont notamment servi d’hypothèque à l’État grec pour l’émission de ses bons du Trésor. C’est encore elle qui a tenu lieu de garantie pour les emprunts de 1845 auprès de la Banque centrale d’Angleterre. Un peuple qui constate tous les jours, dans un pays où les services sociaux sont quasi inexistants, que l’Église orthodoxe reste encore aujourd’hui la béquille solvable de l’État en faillite, assurant le soutien social en ces lendemains de crise et de pénurie, distribuant des dizaines de milliers de repas par jour, payant les factures d’eau et d’électricité, les loyers et les impôts de familles dans le besoin. Alors, « riche comme Crésus », l’Église grecque ? Elle l’est tellement qu’elle a du mal à entretenir ou à restaurer elle-même les lieux de culte historiques tombant en ruines. Pas question de compter sur le soutien de l’État, qui préfère financer la construction d’une grande mosquée à Athènes…

Si les Grecs sont très attachés à leur croyance religieuse, seul moyen de garder leur identité, il en est de même des Russes convertis à l’orthodoxie en fin du Xe siècle, quand le prince Vladimir de Kiev reçut le baptême et se convertit au christianisme venu de Byzance. Et, comme en Grèce, l’orthodoxie a joué un rôle important dans le développement de l'identité nationale russe... Depuis ce temps-là, sur les rives de la Volga comme au pied du Parthénon, on célèbre avec faste et solennité cette fête chrétienne à nulle autre pareille. Durant l’office du Samedi saint vers l’heure de minuit, en Russie comme en Grèce, le pope sort de l’église avec le cierge pascal allumé en disant « Christo Anesti ! » (« Le Christ est ressuscité ! »), tandis que les fidèles viennent allumer leur bougie au feu béni de la Résurrection en s’écriant à leur tour : « En vérité, Il est ressuscité ! » Sur le chemin du retour, chacun veillera à ce que la bougie reste allumée pour noircir d’une croix l’embrasure de la porte d’entrée de sa maison pour éloigner le mauvais œil. Et pendant toute la semaine, les chrétiens orthodoxes se salueront par l’exclamation « Christ est ressuscité », à laquelle on répondra « Il est vraiment ressuscité ! »

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:24.

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21 avril 2019 à 18:54

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