Le livre de l’été : La Reconquête (12)

reconquete

Pour lire le onzième épisode : ici.

Café Le Maresquier, au même moment

Jean-Luc Mélenchon écarquillait les yeux ; fidèle à lui-même, son visage exprimait tout son étonnement et sa voix grondante annonçait qu’il allait exploser sous peu.

– Tu es malade, Éric, tu ne vas pas faire ça ? Tu veux allumer une allumette dans la Sainte-Barbe ! C’est de la folie pure !

Éric Zemmour souriait. Il aimait cette place, l’église Saint-Augustin la dominait de toute sa splendeur, surtout depuis qu’elle avait été rénovée. Il aimait aussi Jean-Luc Mélenchon, l’un des rares politiques à être encore digne de ce nom : cultivé, excellent tribun, convaincu, orgueilleux, mégalo. Tout ce qu’il attendait d’un véritable homme d’État. Mais voilà, Jean-Luc s’était cassé les dents, comme Chevènement avant lui, sur l’immigration. Sauf que lui allait plus loin : il était carrément pour l’immigration massive. Il avait fait fuir tout son électorat et l’avait envoyé droit dans les bras de Marine Le Pen, puis de sa nièce. Il l’avait prévenu, mais Mélenchon, fidèle à lui-même, n’avait rien voulu entendre.

– Je ne comprends pas que tu sois étonné, Jean-Luc, sincèrement, ça me semble assez évident.
– Mais non, c’est pas évident, pas évident du tout même ! Tu veux tout faire péter ou quoi ? Soutenir Maréchal, c’est de la folie !
– Tu l’as déjà dit, Jean-Luc, sourit Zemmour. Écoute, je crois que c’est la première fois que j’ai de l’espoir pour la France. Je pense que c’est la seule à pouvoir changer les choses : elle a les convictions, le cran, l’ancrage local, le soutien populaire. Alors évidemment, elle est très jeune, trop jeune probablement, mais avec un Premier ministre comme Wauquiez, elle sera bien entourée. Il a beau avoir peu de conviction, il est un homme d’État, il a l’expérience et le réseau.
– Donc, tes élucubrations fascistes, c’était sérieux.

Il tournait machinalement sa cuillère dans son café. Il accusait le choc de la nouvelle.
– Arrête avec ça, t’es ridicule, tu sais aussi bien que moi que rien de grave ne va se produire. Tu as laissé passer ton tour, Jean-Luc, et tu leur en veux d’être en train de réussir là où tu as échoué. Tu serais vraiment honnête avec toi-même, tu la soutiendrais face à Castaner qui est tout ce que tu vomis. Ta seule différence avec Marion - et ta seule erreur, soit dit en passant -, c’est que tu refuses d’ouvrir les yeux sur la guerre civile qui se prépare avec les immigrés.
– C’est faux, la guerre se prépare avec les terroristes, Éric. Elle est en cours, depuis longtemps. Les immigrés, ils la subissent, cette guerre, et ils vont encore plus la subir avec elle au pouvoir !
– Tu as tout faux. Je pense même qu’une partie d’entre eux va la soutenir, les immigrés des vieilles générations subissent aussi l’arrivée des nouveaux. Non seulement ils ne s’intègrent pas et sont plus radicaux que leurs anciens, mais en plus, ils donnent une mauvaise image de l’islam. Bref, c’est notre éternel débat de toute façon, et je vais devoir te laisser, je vais annoncer ma décision à Pascal Praud, il est trop content d’en avoir la primeur. Tu sais que Houellebecq aussi va la soutenir ? Les intellectuels sortent du bois, ça va changer la donne.
– Je croyais que tu hésitais à te présenter toi-même ?
– J’y pense depuis 2019, mais je crois que ce n’est pas pour moi, je tiens trop à ma liberté. Bon, on se revoit la semaine prochaine ?
– C’est ça, vas-y, on verra si j’ai envie de te revoir.
Zemmour rit et se leva.
– À très vite Jean-Luc.

Mélenchon était dans ses pensées. Oui, il haïssait Castaner et tous ceux qui avaient tué la gauche, Hollande le premier. Quels guignols, ils avaient amené l’extrême droite aux portes du pouvoir à plusieurs reprises et, cette fois, elle allait le prendre. Il sourit. Et s’il osait ? Est-ce qu’il pourrait oser soutenir la jeune Marion ? Il perdrait tous ses soutiens, il serait honni par la classe politico-médiatique, même ses plus proches camarades ne le suivraient pas sur ce coup-là. Il avait trop à perdre et pas assez à gagner. Sa décision était prise, il annoncerait ce soir son départ de la vie politique et il expliquerait à Salamé que ni Maréchal qui voulait chasser les Noirs pour sauver les Blancs, ni Castaner qui voulait chasser les pauvres pour sauver les riches, n’auraient son soutien. Il faudrait travailler la formule.
Un serveur se dirigeait vers sa table. Il regarda Zemmour qui s’éloignait.
– Le salaud, il m’a laissé l’addition !

Pour commander le livre : ici.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois