Comme dans la pièce de Marivaux, le hasard fait bien les choses et, sur le Vieux-Port de Marseille, quand Macron passe non loin de Mélenchon, une rencontre fortuite peut déboucher sur une déclaration d’amour et une reconnaissance.

Oui, bien sûr, on n’est pas d’accord sur tout, mais l’on s’aime quand même et l’on est content de se voir, et de réaffirmer ensemble : « Tu es mon Président, je suis ton opposant, je suis ton Président, tu es mon opposant, je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui rira sera xénophobe !
— Le plus grand xénophobe, non, non, je n’ai jamais dit ça !
— Non non, il n’a pas pu dire ça…

Car chez ces gens-là, Monsieur, la politique est un jeu, jeu d’enfants, jeu de dupes, mais un jeu qui rapporte des voix, beaucoup de voix, et des positions. On joue à être Président alors qu’on est, côté pile, la marionnette de l’oligarchie financière, on joue à être le premier opposant alors qu’on est, côté face, l’idiot utile de la marionnette, le révolté qui appuie l’échelle de sa révolution sur le mur qu’il dénonce mais qu’il ne voudrait surtout pas voir tomber car c’est lui qui tient l’échelle.

À la vérité, qu’est-ce qui les oppose vraiment, ces deux opposés ? Tous les deux sont internationalistes, ils veulent la disparition des frontières, la libre circulation des personnes et des biens et, au nom des grands principes moraux, un peu plus de pauvres à défendre et de main-d’œuvre bon marché à exploiter ; l’un garantit à l’autre son taux de mécontents de leur condition qui le soutiendront, l’autre garantit à l’un d’empêcher une véritable alternance ; l’un fait miroiter à sa clientèle électorale des lendemains qui chanteront, mais toujours demain, l’autre continue tranquillement son entreprise de destruction : tous deux, le néophyte et le vieux dinosaure, sont bien placés, chacun d’un côté, dans le système en place, et n’entendent pas le changer…

Car pour achever de tirer sur la barbichette, tous les deux ont le même ennemi, le Rassemblement national, l’épouvantail à moineaux électoral, annonciateur des pires malheurs et catastrophes, fantôme d’Oradour, antichambre du facho-racisme…

Tout ce qui fait leur combat politique, c’est de la communication, il s’agit de jouer, jouer à l’opposition, tenir son rôle, faire du cirque, venir à l’Assemblée sans cravate, traiter les Français de Gaulois réfractaires, faire du spectacle, faire du théâtre. Et beaucoup de gens, d’ailleurs, aujourd’hui, disent avec amertume que la politique est devenue du théâtre.

Mais est-ce si vrai ? Est-ce vraiment du théâtre ? Car cette politique-là est l’art de présenter le mensonge et l’esbroufe comme la vérité ; alors que le théâtre, au contraire, restera toujours cet art qui se sert de l’illusion et du mensonge de la scène pour montrer la vérité !

Et la vérité de la rencontre Macron/Mélenchon, c’est que l’un et l’autre sont de bons comédiens et complices, mais qu’ils jouent une mauvaise pièce, celle d’une opposition factice, illusoire, convenue.

De Gaulle ne disait-il pas déjà que la droite financière - celle qui a produit Macron - et l’intelligentsia de gauche - celle qui a produit Mélenchon - "s’entendent comme larrons en foire sur le dos du populo". À l’évidence ces deux opposants, celui qui est pour sans le dire, et celui qui joue à être contre, s’entendent pour berner de concert les plus gogos des Français...

3057 vues

10 septembre 2018 à 10:19

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.