Le gaz algérien pourrait-il nous sauver d’un hiver qui s’annonce… sibérien ?

gaz algérien

Le prix du gaz bat record sur record. À la suite des déclarations de Vladimir Poutine menaçant de couper le gaz aux Européens, cet hiver, en cas de grand froid, le TTF Rotterdam a dépassé les 300 €/MWh, soit un prix multiplié par 10 en un an. De son côté, Emmanuel Macron est arrivé en Algérie pour une visite officielle de trois jours. L'objectif officiel est de « refonder une relation qui s’est tendue depuis plusieurs années ». Le choix de la date n’est en effet pas anodin puisqu’il coïncide avec le 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Beaucoup pensent pourtant que la visite du Président est principalement motivée par le gaz algérien, substitut possible au gaz russe aujourd’hui très courtisé. Est-ce vraiment raisonnable ?

L’Algérie est un producteur majeur de gaz (100 milliards de m3 par an) pointant à la dixième place mondiale. Sa production est assez stable depuis le début du siècle, oscillant entre 90 milliards et 100 milliards de m3. Elle possède un réel potentiel de croissance, mais à condition d’investir massivement dans le développement de nouveaux champs, ce qui n’a pas vraiment été le cas au cours des dernières années. À moyen terme, elle pourra maintenir son potentiel mais pourra difficilement l’accroître.

L’Algérie a consommé, en 2021, 45 % de sa production pour son usage domestique. Une consommation qui, compte tenu de l’explosion démographique (population multipliée par quatre depuis l’indépendance et accrue de 44 % depuis 2000), a été multipliée par 2,5 depuis le début du siècle. La part domestique devrait donc s’accroître dans le futur aux dépens des exportations, qui représentent aujourd’hui 55 % de la production. Le gaz algérien est, en majorité, exporté vers l’Europe par gazoduc (34 milliards de mètres cubes) mais aussi sous forme de gaz naturel liquéfié (16 milliards de mètres cubes).

Principalement produit dans le Nord saharien (la célèbre région d’Hassi Messaoud), le gaz algérien peut être transporté vers l’Europe via trois gazoducs principaux traversant l’Italie et l’Espagne qui sont, par la même occasion (avec, dans une moindre mesure, le Portugal), les principaux « clients gazoduc » de l’Algérie.

Le Maghreb-Europe connecte l’Algérie à l’Espagne via le Nord marocain et le détroit de Gibraltar. Il a une capacité de 13,5 milliards de m3. Le Medgaz, d’une capacité de 10,5 milliards de m3, relie directement l’ouest de la côte algérienne au sud de l’Espagne (Alméria). Enfin, le Trans-Méditerranéen est composé de deux gazoducs parallèles d’une capacité totale de 40 milliards de m3. Il transite via la Tunisie (qui prélève un droit de passage d’un milliard de m3) et la Sicile puis remonte l’ensemble de la péninsule italienne. La capacité totale des trois gazoducs (64 milliards de m3) est donc largement supérieure à la capacité actuelle d’exportation (34 milliards de m3).

Toutefois, les exportations vers l’Espagne et le Portugal (14 milliards de mètres cubes, dont 10 pour l’Espagne et 4 pour le Portugal) sont régulièrement entravées par le conflit historique entre le Maroc et l’Algérie concernant le Sahara occidental. Ainsi, le Maghreb-Europe est inopérant depuis la fin 2021 (contrat non renouvelé). Parallèlement au différend algéro-marocain, la tension est aussi récemment montée entre Madrid et Alger. Le gouvernement algérien est en effet remonté contre l'exécutif ibérique qui, afin de mettre fin à une crise « diplomatico-migratoire » avec Rabat, a décidé de soutenir le plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental. En réaction à cette volte-face, les autorités algériennes ont fortement réduit leurs livraisons de gaz via le Medgaz, tandis que l’Espagne s’est tournée vers le GNL [gaz naturel liquéfié, NDLR] américain. Il ne faut donc pas espérer d’afflux de gaz algérien côté espagnol.

Quant à l‘Italie, elle est de loin le premier client de l’Algérie. Suite, notamment, à la visite de Mario Draghi à Alger, le 18 juillet dernier, elle a accru significativement ses importations de gaz algérien pour ses besoins domestiques. Mais ces volumes sont maintenant pratiquement au taquet. Malgré l’importante capacité du Trans-Méditerranéen (il est aujourd’hui à moitié rempli), l’Algérie n’est pas en mesure d’accroître le débit au-dessus des 20 milliards de mètres cubes actuels.

La situation du GNL n’est malheureusement pas plus encourageante. L’Algérie produit de l’ordre de 16 milliards de mètres cubes de GNL dont les principales destinations sont la Turquie, qui absorbe 6,1 milliards de m3, et la France, 4,5 milliards de m3, représentant environ 10 % de la consommation de l’Hexagone. Les volumes de GNL étant vendus dans la cadre de contrats long terme peuvent difficilement être reroutés vers d’autres destinations.

L’Algérie ne possède donc pas - loin de là - les clés pour libérer l’Europe en général, la France en particulier, de l’étau gazier russe. Emmanuel Macron l’a bien compris, le gaz algérien ne nous sauvera pas d’un hiver qui s’annonce « sibérien ».

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

46 commentaires

  1. Les faux étudiants, les caillasseurs de pompiers, les lanceurs de mortiers, les incendiaires de voitures et autres malfaisants congénitaux dont va nous faire généreusement cadeau ce pays en échange du gaz et du pétrole, atténueront éventuellement les froidures de l’hiver prochain en réchauffant l’atmosphère de la manière que l’on sait.

  2. Une question: seriez-vous devin ou bien est-ce le marc de café et la boule de cristal ? Comment savez-vous que l’hiver qui s’annonce sera sibérien, merci de vos explications. Pour le reste, le décompte de cubage est exact mais comme chacun sait, Macron est ignare et il nous le prouve tous les jours.

    • Les oignons ont trois peaux, mais peut être sont ils de l’importation avec ce cirque d’économie mondiale impossible d’être certains de quoi que ce soit.

    • Oui, faudrait savoir : comment un réchauffement climatique plus fort que jamais pourrait-il produire un hiver sibérien ?

  3. Tout ce qui vient d’ALGERIE nous le payons très cher ,autant que nous achetions dans d’autres pays que ce pays qui nous crache dessus et même ces binationaux qui sont toujours entrain de revendiquer avec 48 000 visas l’an passée c ‘est encore trop que ces gens restent chez eux et que notre future politique nous en débarrasse de plus en plus.

  4. Hiver sibérien ..un médium a parlé .pas de problèmes .cessons les sanctions et les méchancetés envers la Russie et tout redeviendra normal ..mais les États Unis sont aux commandes pour notre malheur …

  5. Sachant que l’europE (Italie France Espagne et Portugal )achète du gaz algérien et qu une bonne partie de ces revenus partent chez Poutine pour des armes, qu’un partenariat est dans les tuyaux pour une usine d’armement russe en Algérie, que les possibilités d’augmenter le volume de gaz extrait sont nulles, j’ai des difficultés à comprendre ce que va faire le président là bas.

  6. Les Algériens devraient faire preuve d’un peu d’humilité et de remerciements vis à vis le la France car si De Gaulle ne leur avait pas fait cadeau du Sahara et si nous n’avions pas exploité pour eux le gaz qu’ils nous vendent avec chantage à la clé. C’est bien simple, aujourd’hui ils crèveraient de faim et de soif. Par ailleurs, que ce soit en Algérie ou dans un autre pays arabe, trouver moi des ingénieurs capables de forages et d’installations pétrolières ou gazières, mais pas que !!

  7. Le meilleur moyen d’être sauvés est d’arrêter les idioties de sanctions envers la Russie pour plaire aux USA qui eux profitent à fond de ces sanctions.

    • entièrement d’accord avec vous ! c’est tellement évident que ce sont nos « amis américains » qui ont provoqué ce conflit ukrainien pour vendre….le GNL les avions F35, les chars dont ils ne savent que faire, le soja…. pour eux il n’y a que le pognon qui compte !!

      • surtout que ceux qui devraient le faire, les politicards, n’y ont aucun intérêt vu ce qu’ils touchent pour continuer d’embrouiller les cartes.

  8. Les Algériens nous vendent à bon compte le gaz que nous leur avons donné . Parallèlement à l’abandon de nos 3 Départements, De Gaulle envisageait une Europe jusqu’à l’Oural , ce dont les USA ne veulent résolument pas . Faute d’ennemis il faut choisir ses alliés !

  9. Ce n’est pas Poutine qui a coupé le gaz russe. Ce sont des inconséquents qui refusent de l’acheter. Souvenez vous de Macron et Lemaire. Qu’attend le congrès pour virer ces clowns ?

  10. Qu’est-ce qui vous permet de prédire un hiver sibérien ? Ce serait, en tout cas, une bonne nouvelle, nous n’avons pas connu de vrai hiver depuis des dizaines d’années.

  11. Nous pouvons donc affirmer que, question impéritie, le dirigeants algériens valent largement les nôtres.

  12. C’est ce que je dis á ma femme: Après la sécheresse exceptionnelle, on va nous donner du déluge jamais vu, puis un hiver sibérien avec des froids « polaires » vers les 2 ou 3°.
    Heureusement que nos ancêtres n’étaient pas aussi gnangnans!

  13. Les français auraient du y réfléchir à deux fois avant de réélire Macron ! Il avait déjà annoncé la couleur , c’est quelqu’un de très suiviste pour ce qui est des Etats Unis mondialistes ! Biden veut que ce concept serve essentiellement au dollars comme l’Allemagne a tirée ses marrons du feu de l’UE ! Il y a toujours un gagnant et un perdant dans l’histoire et les français sont à chaque fois les dindons de la farce ! Dans cet affrontement entre l’Ukraine et la Russie c’est en réalité deux conceptions du monde qui s’affrontent , si Poutine en a fait les frais , Trump qui avait osé évoquer son propre peuple au lieu de la planète a été diabolisé de la même façon
    Maintenant, Macron qui va à la pêche au gaz Algérien qui ne lui sera fournira que parcimonieusement selon votre excellente analyse concernant les possibilité de production de nos ex départements algériens , c’était prévisible sans être un fin connaisseur de la politique internationale!
    Le fait que nous allons être obligés de nous rationner et payer plus cher le gaz et tout le reste ne sont pas le fait du hasard mais bien les conséquence d’une politique déterminée . On nous dit il faut souffrir pour obtenir ! Mais quoi au juste ? Avoir la chance de vivre sous l’ère du woke , de l’interdépendance liberticide ? Est ce que nous ne vivons pas les limites du libéralisme économique qui devient de plus en plus contraint et non plus libre !

  14. Merci pour ces explications claires qui montrent que les dirigeants algériens sont bien peu prévoyants..

      • Gouverner c’était prévoir. Aujourd’hui il s’agit davantage d’expliquer aux Français qu’ils sont responsables et coupables des fautes et de l’incurie des politiques et qu’il doivent par conséquent payer les pots cassés.
        Et comme les Français en redemandent, ça risque de continuer encore un bon moment.

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