Le Bataclan : six ans plus tard, qu’a-t-on fait pour empêcher un nouveau drame ?

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« C'est une horreur. » Les mots pitoyables de François Hollande à la télévision sont encore dans beaucoup d'esprits. Le 13 novembre, au soir de l'attentat du Bataclan (photo : les fleurs posées auprès de la salle dans les jours qui suivirent), rien n'était « à la hauteur des enjeux », comme on dit en patois républicain : ni le dispositif de sécurité, ni le personnel politique, ni la réaction du Président, donc, ni l'émotion passive des foules, ni, plus tard, les « résistants » pour qui aller boire une pinte en terrasse après les attentats, c'était être Jean Moulin. Un pays entier, jadis craint par l'Europe, aujourd'hui risible, plongé dans la sidération, la médiocrité, la faiblesse. Un test grandeur réelle qui a permis à nos ennemis de se rassurer.

Se rassurer, car le « commando » lui-même n'était pas à la hauteur. D'ailleurs, pourquoi l'appeler « commando » dans la presse ? Une poignée de ratés, certains drogués, la plupart délinquants, cherchant un sens à une existence inepte. Une fanatisation sur fond de haine de l'Occident, d'inculture, de violence. Des arrestations dans des quartiers de non-France ou de non-Belgique. Quel rapport avec les commandos historiques, ceux des patriotes magnifiques de Kieffer, des réseaux de résistance, des héros atypiques du SOE ? Un commando chichon-kebab, de bric et de broc, vêtu de barbarie stupide, d'explosifs artisanaux et de chatterton. La belle équipe !

Six ans ont passé. Le procès s'est ouvert. Salah Abdeslam, seul survivant, s'est inventé une vie de moudjahid. On l'a laissé faire son cinéma dans le box des accusés. Il a toutefois gardé les codes de la cité, la culture de petite frappe, inspirée des films de Scorsese et Coppola, pour faire mine de ne pas reconnaître ses complices. Le pire des deux mondes. Les familles des victimes ont défilé à la barre, présentant toutes les nuances du deuil : absence de haine, colère froide, tribune politique. Le comportement du président du tribunal face à Patrick Jardin, père d'une victime, lors de ces auditions, a ému les réseaux sociaux. Sa complaisance avec Abdeslam aussi.

Et puis, on a fait intervenir François Hollande. Après le commando en carton et le juge en mousse, l'endive parlante, clou du spectacle de cette foire aux monstres. Comme d'habitude, il a balancé du secret-défense pour essayer de faire le malin. Cette fois, c'était pire que tout. Le pouvoir savait donc, depuis 2014, qu'il y avait des terroristes dans les colonnes de réfugiés qui déferlaient sur l'Europe. Pourtant, seuls ceux que leurs adversaires qualifient de fachos complotistes en parlaient, à l'époque. Tout le monde avait nié qu'il pût y avoir, parmi ces braves gens, des assassins en puissance. Libé avait même « fact-checké » la « fausse nouvelle ». Et voilà qu'une fois de plus, le réel est de droite. Les services de renseignement ont fait leur travail. Le pouvoir, non.

Au fond, six ans plus tard, la question, une fois les « devoirs de mémoire » passés, est simple : un nouveau Bataclan est-il possible ? Et la réponse s'impose : bien sûr que oui. La population a toujours peur et refuse, en plus de cela, d'aller au bout de son raisonnement en chassant la menace. Le pouvoir politique, dont l'horizon est de cinq ans, navigue à vue. La police manque de moyens et d'un cadre juridique adapté. Les forces armées n'ont pas vocation à intervenir sur leur propre sol. Sinon, cela s'appellerait la guerre civile. C'est donc pire qu'avant, puisqu'on sait maintenant ce qui peut se passer, ce qui va, mécaniquement, se passer, et qu'on ne sait que limiter les libertés des honnêtes gens en croyant faire coaguler les choses.

Une nouvelle fois, relire Jünger : « Les longues périodes de paix favo­risent cer­taines illu­sions d’optique. L’une d’elles est la croyance que l’inviolabilité du domi­cile se fonde sur la Consti­tu­tion, est garan­tie par elle. En fait, elle se fonde sur le père de famille qui se dresse au seuil de sa porte, entou­ré de ses fils, la cognée à la main » (Traité du rebelle, ou le recours aux forêts).

On ne saurait mieux dire. Notre maison commune est ouverte, nous n'avons plus de fils et plus de cognée. Nous nous en remettons, les yeux humides, les mains tremblantes, à la Constitution. Nous attendons tout de l'État. Il ne nous donne rien, rien d'autre que des leçons de vivre ensemble. Jusqu'au prochain Bataclan.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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