Laurent Joffrin touché par la grâce : « Il faut débattre avec l’extrême droite »

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Élevé dans la haute bourgeoisie droitière mais homme de gauche depuis l’adolescence, directeur de la rédaction du Nouvel Obs puis de Libération avant de fonder son mouvement politique « Les Engagé.e.s » (devenu « Engageons-nous »), Laurent Joffrin a fréquenté, un temps, les plateaux de CNews.

Il les a quittés quand la rédaction du JDD a (très chèrement) monnayé sa clause de conscience : plus question de côtoyer ce suppôt de Satan nommé Geoffroy Lejeune. Exit, donc, Joffrin et l’émission Vraiment pas d’accord. C’était le 1er septembre 2023.

Si l’on compte d’éminentes personnalités parmi les Engagé.e.s – Mazarine Pingeot, Patrick Pelloux, Hervé Le Bras, Laure Adler, Pap Ndiaye, Benjamin Biolay, etc. –, la parole de Joffrin peine, aujourd’hui, à dépasser les frontières du VIIe arrondissement. C’est le risque quand on se cantonne à l’entre-soi parisien.

Alors, Laurent Joffrin a repris son bâton de pèlerin et publié, ce lundi, une tribune dans Libération. Pour appeler ses amis à « Débattre avec l’extrême droite », tout simplement parce qu’« il n’y a pas le choix ». Il n’y a pas le choix parce que, depuis quarante ans qu’on agite l‘épouvantail, tout a échoué à enrayer la montée du FN puis du RN. Fine mouche, il craint déceler chez ceux qui boudent la confrontation « une pureté hautaine, une crainte de la confrontation, un évitement de l’arène, un retrait sur l’Aventin douillet de l’entre-soi militant ». Ça sent le vécu…

Certes, « le boycott, on pouvait le comprendre au début de l’ascension du Front national », écrit-il, mais voilà, « il est temps de s’en rendre compte : nous ne sommes plus dans les années 80, la France a changé. Désormais, quelles qu’en soient les raisons, plus du quart des Français partagent peu ou prou les idées de l’extrême droite. Bien plus encore, en fait : si l’on cumule les intentions de vote de Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan et Ciotti, on arrive à 40 %. » Alors ? Alors, « à moins d’aller vivre dans une caverne, les politiques, les éditorialistes, les experts ou les intellectuels ne peuvent éviter de se colleter avec les publicistes xénophobes et les zélotes de l’intolérance nationaliste. Le fait est désagréable, mais c’est un fait. » Et puis, trois fois hélas, poursuit Joffrin, « c’est surtout l’inconvénient de la démocratie : elle repose sur la confrontation publique des points de vue ». Eh oui, mon bon monsieur, ce serait tellement mieux, avec une bonne dictature de gauche !

Paradoxalement, il peut aussi y avoir de bons moments à fréquenter le diable. Ainsi Laurent Joffrin se souvient-il de ces gens qui l’arrêtaient dans la rue : « Le plus souvent, ces interlocuteurs, spectateurs de CNews, étaient d’accord avec moi, non avec mes contradicteurs plus ou moins réactionnaires. Détail intéressant : souvent, ils étaient d’origine maghrébine ou africaine. » C’était le bon temps…

Joffrin sera-t-il entendu de ses amis de gauche ? On en doute… Pour preuve, l’audition des journalistes de CNews et C8, la semaine dernière, devant la commission d’enquête parlementaire sur la TNT.

Ce lundi matin, Sonia Mabrouk recevait, sur Europe 1, le député Renaissance Karl Olive, vice-président de cette commission, et lui a posé cette question : « Comment avez-vous jugé, vécu cette étape ? A-t-elle été impartiale et menée dans l’esprit d’une commission d’enquête parlementaire alors que le rapporteur Aurélien Saintoul revendique, lui, sa partialité ? »

Réponse de Karl Olive : « Vous avez vécu, dans un petit échantillon de quelques heures, ce que nous autres, à l’Assemblée, on vit H24, tous les jours, depuis le début de cette 16e législature. C’est-à-dire, depuis juin 2022, un irrespect total dans l’Hémicycle, un irrespect total dans les commissions. Là, c’était même plutôt tranquille. Elle était bien, cette garde à vue ! »

« Garde à vue ? » s’étonne Sonia Mabrouk. « Oui, vous avez vécu une sorte de garde à vue : systématiquement coupé, ne pouvant pas donner vos réponses, c’est comme ça que ça se passe, à LFI », répond Karl Olive.

Bref, Joffrin appelle au débat dans un pays où la culture de l'oukase gagne du terrain. Pas sûr que sa tribune trouve un écho chez ses copains…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

32 commentaires

  1. A l’époque lointaine ou je regardais la télévision je me souviens d’une soirée consacrée à Mussolini . Ce monsieur semblait bien mal à l’aise lorsqu’un invité raconta à l’antenne la vie du Duce à l’origine socialiste juste avant de devenir fasciste allié de l’Allemagne nazie.

  2. Qui est-ce Monsieur ? Un « bourgeois de gauche bobo écolo ……La gauche est bien représentée par ce monsieur dont les arguments sont les mêmes que certains propos tenus dans un salon de thé , pas les propos tenus, dans un café le matin à 6 h00 par des vrais travailleurs…..

  3. Le débat d’idées est une chose vitale en démocratie, mais l’Histoire nous a déjà montré que ceux qui se réclament du camp du bien sont les seuls à connaitre la vérité. Aux électeurs de savoir s’ils veulent vivre en démocratie ou en dictature.

  4. Contrairement à ceux cités, je suis surpris que Mazarine Pingeot ait pu s’enrôler dans les rangs de cette extrême gauche et non ceux aux 1,75%.
    « Les Engagé.e.s » ; Ils ont bien compris que cette écriture inclusive est devenue rédhibitoire chez nombre de français, y compris parmi leurs électeurs un peu plus lettrés et fiers de l’être.

  5. Pour pouvoir débattre il faut des convictions fortes et résister a l’invective . C’est aussi avoir des arguments autres que couper la parole ou hausser le ton. C’est encore faire référence à l’histoire et savoir se remettre en question sur les erreurs et les errements de certains politiques machiavéliques qui sont manifestement dans le déni quant à aborder des problématiques qui touchent la population . L’entre soit de discuter pour ne rien dire et ne pas avoir de compassion pour ce que vivent les français à quoi cela sert il ? Pourquoi le succès de CNews a t il bousculé l’ARCOM.et les médias bien pensant ? Parce que la liberté d’expression n’a jamais fait autant parler

  6. Il y a des vices langagiers qui deviennent _ là encore_ faute d’y remédier, des sortes de réalités : où ce M. a t-il vu « l’extrême droite » ? Certes, maintenant ce qui est légèrement moins la »gauche extrême » que LFI est de droite ou extrême droite. Il sent bien ce M. qu’il vaut mieux « discuter » puisque la progression de ceux qu’il abhorre continue…
    Son repoussoir repousse de moins en moins. Il y a donc danger pour ces idéologues. Cependant , des coups tordus, ou mensonges ad hoc, ne sont pas à exclure.

  7. Parler d’extrême droite en évoquant les votes pour LR, RN, R, et DLF, c’est assez curieux car l’extrême droite n’a pas vocation à s’occuper d’élections, elle n’en vaut pas, ce n’est pas son identité.
    Pour commencer toute discussion il faut bien cerner cette notion.
    Quant on est dans le champ parlementaire, on ne sait et ne peut être d’extrême droite. Et inutile de venir avec le national-socialisme élu au Reichtag il y a avait contrainte magistrale.

  8. Ils n’accepteront pas de débattre avec leurs opposants car ils savent que le dogme idéologique qu’ils défendent ne vaut rien contre la réalité des faits. Cela renforcerait leur adversaire. Et c’est tellement plus agréable de discuter entre 50 nuances de gauchistes.

  9. M. Mouchard, parangon de la mauvaise foi…mais aussi parfois du « bon coup », a oublié un élément de la discussion : à partir de quand débute le territoire de ladite « extrême droite » ?

  10. Il faut désormais contester l’utilisation de l’expression insultante «extrême droite ». Il s’agit de la vraie droite. Républicaine, Souverainiste, Légitime, Élue démocratiquement par le Peuple Français.
    Que LR s’en inspire et choisisse entre vraie droite et gaucho-macronisme !
    L’extrémisme est caractérisé par la violence tant politique que verbale que gestuelle. Et cela ce n’est qu’à gauche .

    • Je suis d’accord avec vous et je crois que cette rhétorique éculée de la « gôgôche » bourgeoise, va faire long feu.

  11. Tentez de commenter sur Libé, même sur des sujets incontournables les contredisant, vous serez censuré en trois coups les gros.

  12. quel bonheur de ne plus avoir à le supporter sur CNews , je me demande comment Charlotte d’Ornellas à pu le contrer si longtemps !

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