L’Arc de Triomphe réduit à l’état de paquet cadeau

Capture d'écran
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En 1985, il avait emballé le pont Neuf et décrété qu’il s’agissait d’une œuvre d’art. Jack Lang se pâmait, la gauche exultait et Le Parisien hésitait entre passer pour un plouc qui ne comprend rien à l’art moderne et jouer le branché hyper en phase avec son époque. À peine le temps de se faire une opinion que, déjà, le tissu était enlevé, l’œuvre démontée et le pont retrouvé. À l’image d’un grand nombre de ses collègues, l’artiste faisait dans l’éphémère. Ça ne pouvait pas durer. Sur ce point, il y avait unanimité.

L’autoproclamé « artiste » Christo a fondé l’ensemble de ses travaux sur l’emballage. Comme une marotte, une idée fixe. Depuis 1962, il en rêvait. L’Arc de Triomphe devait, lui aussi, disparaître sous un monceau de tissu, être empaqueté, emberlificoté sous le regard à nouveau interrogateur du Parisien, à peine remis de l’opération du pont Neuf. 25.000 mètres carrés de tissu recyclable, 7.000 mètres de corde rouge pour quatorze jours d’extase. Comment refuser ? Entièrement financé par son auteur, le chef-d’œuvre ne bénéficie d’aucuns fonds publics. Anne Hidalgo est passée à l’art chamallow. Le cœur en plastique rouge qui domine la porte de Clignancourt s’inscrit dans une « modernitude » autrement plus « branchouillante » que cet Arc de Triomphe dissimulé gratuitement pour deux semaines. À moins de 650.000 euros, peut-on parler d’œuvre d’art ?

Christo fut l’un des précurseurs de l’état d’esprit du moment, consistant à assimiler une idée à une œuvre d’art. Emballer un monument est juste une idée. Recouvrir la tour Eiffel de feuillage ou peindre l’obélisque de la Concorde en vert fluo sont d’autres trouvailles à la portée de n’importe quel quidam. Leur mise en œuvre de la compétence de n’importe quelle entreprise de travaux publics. La crédulité du bobo voit bon nombre de « Géo Trouvetou » s’engouffrer dans la réalisation, grandeur nature, d’idées parfois originales mais qui ne méritent en rien l’appellation « artistique ». « C’est rigolo » ou « c’est marrant », dit le passant. Ce n’est effectivement rien d’autre.

Qui n’a jamais pensé à emballer François Hollande pour l’exposer place Vendôme ? Ficeler Jack Lang ou enrubanner Castaner ? L’entartage de BHL présente l’énorme avantage d’être éphémère mais renouvelable à peu de frais. Face à ce que l’on pourrait appeler « installation », le visiteur se dirait « Il faut le voir chez soi ». Le musée d’art moderne se doit d’ouvrir ses portes à des artiste engagés dans le politico-artistique. L’art de demain.

Pour fêter cet Arc de Triomphe réduit à l’état de paquet cadeau, le Centre Pompidou proposera une exposition retraçant la période parisienne de Christo et l’histoire de son projet « Le pont Neuf empaqueté » (avec de gros guillemets). L’enjeu consistera à deviner ce qui se cache sous les emballages. L’artiste, lui-même drapé dans son aura de créateur d’avant-garde, viendra peut-être montrer d’où lui est venue l’idée.

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Jany Leroy
Chroniqueur à BVoltaire, auteur pour la télévision (Stéphane Collaro, Bêbête show, Jean-Luc Delarue...)

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