L’Arabie saoudite expulse l’ambassadeur canadien : vite, vite, regardons ailleurs !

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On ne peut pas dire que la nouvelle défraie, ce matin, la chronique. À l’heure du déjeuner, pas une ligne sur le sujet dans nos grands médias. Ce n’est qu’une nouvelle en passant, bien moins importante que le téléphone SOS Harcèlement qui ne répond pas, ou "Comment faire l’amour sous la canicule" !

Il y a une raison à cela : la France, comme tous les pays occidentaux, est à plat ventre devant l’or (autrefois noir) saoudien. Pour des raisons – disons plutôt des espoirs, voire des chimères – strictement économiques, nous ne voulons surtout pas froisser les blanches djellabas et les torchons à carreaux des rois du pétrole. Mieux que cela : le vieux roi ayant cédé la place, nos politiques sont en pâmoison devant son successeur, le fringant Mohammed ben Salmane. D’ailleurs, ils l’appellent MBS, c’est dire s’il a la cote. Et tant pis si celui-ci perpétue les pires traditions du rigorisme wahhabite (lapidations, flagellations, amputations, pendaisons, décapitations et autres réjouissances), "la patrie des droits de l’homme", comme aime à se présenter la France, trouve que c’est un garçon très bien.

Ainsi, autant nos amis de la grande presse se sont pâmés lorsque MBS a autorisé, en juin dernier, les femmes saoudiennes à s’asseoir derrière un volant, autant ils sont muets ce matin devant l’expulsion de l’ambassadeur canadien à Riyad et le rappel de l’ambassadeur saoudien à Ottawa, préambule au gel des relations commerciales entre les deux pays.

MBS ne supporte pas ce qu’il nomme une "ingérence" dans les affaires intérieures de son pays.

C’est que l’ambassadeur canadien, cet imprudent, se disant "préoccupé" par une nouvelle vague d’arrestations, a osé réclamer la libération de militants des droits de l’homme, dont de nombreuses femmes, emprisonnés pour "atteinte à la sécurité nationale" ou encore "collaboration avec des ennemis de l’État".

"Nous appelons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement ainsi que tous les autres activistes pacifiques des #droitsdel’homme", a publié l’ambassadeur canadien sur Twitter. D’où l’ire du souverain qui, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, assure qu’il "n’acceptera d’aucun pays des diktats imposés".

L’ambassadeur devra avoir quitté le pays dans les 24 heures, sans quoi… gare au fouet !

C’est, d’ailleurs, une histoire de fouet qui empoisonne le jeune monarque, lequel aimerait pouvoir fesser qui il veut comme il veut. Jusqu’à ce que mort s’ensuive, si tel est son plaisir. Quoique… Comme tous les tortionnaires religieux qui l’entourent, il aime, bien sûr au nom d’Allah le Miséricordieux, faire durer la torture. Ainsi Raif Badawi, un blogueur irrévérencieux, est-il au cœur de cette crise diplomatique.

Ayant notamment osé écrire que "musulmans, chrétiens, juifs et athées sont tous égaux", Raif Badawi fut condamné pour « injures envers l’islam » : dix ans de prison et 1.000 coups de fouet distribués en 20 séances de 50 coups. Filmée, la première séance de flagellation a fait le tour des réseaux sociaux et suscité l’indignation générale. Badawi reçut pas moins de sept prix pour la liberté d’expression, dont le prestigieux prix Sakharov décerné par le Parlement européen. C’est sa sœur, Samar Badawi, qui l’a reçu pour lui. Militante activiste pour que soit levée la tutelle qui frappe les femmes saoudiennes, elle a été arrêtée la semaine dernière avec une autre militante, Nassima al-Sadah, rejoignant les dissidentes incarcérées au printemps dernier.

Ces femmes sont "les plus récentes victimes d’une campagne de répression sans précédent du gouvernement", écrivait, mercredi dernier, Human Rights Watch. Une campagne qui risque de prendre encore de l’ampleur, nos dirigeants étant prêts à toutes les lâchetés pour ramasser les miettes des contrats que Trump et MBS voudront bien leur laisser.

On est d’ailleurs prêt, pour cela, à laisser mettre l’Iran complètement à genoux, puisque tel est le désir dudit MBS, et prendre le risque d’un embrasement suicidaire dans cette région du monde.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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