La mondialisation de la moutarde

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Nous sommes un grand peuple moutardier : Amora, moutarde de Dijon, « Que Maille qui m’aille », etc. Pourtant, nous avons connu une pénurie de moutarde : plus de moutarde disponible, les rayons des magasins désespérément vides, prenez donc du ketchup !

À cette occasion, nous avons appris que cette catastrophe avait pour origine une sécheresse… au Canada ! En effet, la majorité des graines de moutarde utilisées pour notre moutarde française provient de ce pays. La guerre russo-ukrainienne a aggravé la situation, ces deux pays étant aussi producteurs de graines de moutarde. En fait, la France ne produit que moins d’un tiers des graines nécessaires à sa production de moutarde.

La France est pourtant un grand pays agricole. Nous sommes le premier pays agricole d’Europe et le huitième mondial. Et nous n’arriverions pas à produire nous-mêmes les graines nécessaires à notre moutarde ?

Il s’avère, d’ailleurs, que nos marques emblématiques de moutarde, Amora et Maille, sont désormais la propriété de l’entreprise anglo-néerlandaise Unilever. Autrement dit, la moutarde purement française est, en fait, fabriquée par une multinationale à partir de graines produites au Canada, en Ukraine et en Russie.

On découvre aussi, à travers la presse, que la France (pays possédant des régions si variées) importe d’Ukraine et de Chine près des deux tiers du miel qu’elle consomme.

Tel est le processus d’une mondialisation sans contrôle ni réflexion. On abandonne des produits que nous savons faire nous-mêmes, que nous pouvons faire nous-mêmes. Plus que cela : que nous devrions absolument faire nous-mêmes, au moins pour certains, comme le miel. En effet, les abeilles pollinisent nos champs, donc assurent l’avenir de notre agriculture : la présence de ruches nombreuses à travers le pays devrait ainsi être déclarée « cause nationale ».

On dira que cette affaire de la mondialisation de la moutarde et du miel n’a pas grande importance. C’est une erreur ! Car la moutarde et le miel sont, en réalité, l’arbre qui cache la forêt. La fameuse « mondialisation » consiste, en effet, au lieu de produire chez nous ce que nous savons, pouvons et devons produire, à se contenter paresseusement d’importer la plupart des produits de pays lointains, d’où ils arrivent à des prix sans doute moindres, mais avec une qualité souvent médiocre. Surtout, la « mondialisation » revient à accepter délibérément, inutilement et imprudemment un risque majeur de rupture d’approvisionnement si, pour une raison ou une autre (guerre, catastrophe naturelle, conflit économique ou politique, etc.), la chaîne de transport se grippe.

Il faut être clair. La France ne dispose pas de certains produits et la recherche de substituts (« ersatz ») ne peut être que longue et coûteuse. La France est donc obligée, pour le moment, d’importer ces produits. Mais, tout d’abord, il faut varier autant que possible nos sources d’approvisionnement afin de conserver le maximum de liberté. Ensuite, il faut chercher à tout prix à sortir de cette dépendance, comme le fit Pierre Messmer, à la fin de 1973, face à la crise pétrolière, en lançant son plan de centrales nucléaires : nous vivons encore en bonne partie de ce choix intelligent d’indépendance nationale et de souveraineté économique.

En revanche, pour tous les produits que la France peut produire elle-même (et c’est le cas, notamment, des produits agricoles), il faut impérativement favoriser leur production nationale et restreindre au maximum les importations : cela assurera notre indépendance sur la scène du monde et, subsidiairement, redonnera du travail et de la dignité aux Français.

Sinon, il faudra se résigner à ce que notre pays ne soit plus qu’un modeste vassal des grands empires mondiaux et attendre humblement notre moutarde du bon vouloir du Canada, comme notre miel de la condescendance de la Chine ou de l’Ukraine.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2023 à 9:52.
Alexandre Dumaine
Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

60 commentaires

  1. La France est déjà un petit vassal des grands groupes mondiaux …Cela a été voulu et organisé ..plus haut ….Ne nous faisons pas d’illusions le pays est en train de mourir ….

  2. Alexandre Dumaine n’évoque pas le CETA, traité de libre échange entre l’U€RSS et le Canada. Or, j’ai comme l’impression que, grâce à la mise en place de ce traité, les graines de moutarde (entre autres) ont pu inonder la France, au détriment, naturellement, de nos agriculteurs. Quant à la guerre en Ukraine, j’ai comme des doutes. C’est l’excuse habituelle dont nous abreuvent les médias mainstream. Un produit manque ou son prix flambe ? C’est la faute au vilain pas beau Vladimir. Excuse bien commode destinée à masquer l’incompétence voire la trahison de nos zzzélites …

  3. Comme c’est dit très justement en commentaires les agriculteurs Français sont soumis à des règles bien plus contraignantes que beaucoup d’autres notamment en matière d’emploi de pesticides interdits chez nous mais largement utilisés ailleurs. Souvent ces règles nous sont imposés par l’UE et comme nos gouvernants veulent toujours appliquer à la lettre les ordres de Bruxelles on plombe notre agriculture. Un exemple significatif : Les terrains en jachères en France sont soumis au bon vouloir de la commission européenne, comprendre aux écolos qui entendent « verdir » notre territoire national au détriment des cultures. Encore une bonne raison de foutre le camp de ce piège à rats qu’est l’UE.

  4. Je tiens à vous informer que nos voisins Suisses n’ont pas manqué de moutarde l’été dernier alors que les linéaires de nos grandes surfaces étaient vides. (et la Suisse ne fabrique pas de moutarde.). Bizarre non ? Pour le reste nous ne fabriquons plus grand chose. Nous savions pratiquement tout faire, avant. Aujourd’hui les voitures, nos armes, même pour notre armée, nos munitions ! Oui nos munitions sont fabriquées à l’étranger. Nous dépendons de pays étrangers pour nous défendre. Les vêtements, uniformes de nos militaires sont fabriqués à l’étranger. Pour le miel, c’est un peu plus compliqué. J’ai qqes ruches je sais de quoi je parle. il n’y a pas que la mondialisation au niveau commercial. Des maladies, des parasites comme le varoa « importés » d’autres pays, certains pesticides compliquent sévèrement la vie des apiculteurs professionnels ou amateurs comme moi… Avec nos « 35 heures », tout est devenu moins cher à fabriquer ailleurs. Tout ce qui demande de la main d’œuvre est devenu trop cher à fabriquer en France. Nous en sommes là. On complique nos productions locales avec des normes impossibles à respecter. Résultat :nous achetons à l’étranger des produits, où ces normes sont ignorées, contenant par exemple beaucoup plus de pesticides que ce que l’on impose à nos producteurs locaux. C’est le « progrès »! Sans parler de notre manie bien française de faire la grève pour un oui ou pour un non. Les grosses entreprises n’hésitent donc pas à délocaliser afin d’être plus tranquilles. Trop de protection sociale met l’entreprise en difficulté voire en faillite. Les prud’hommes font des ravages en France et peuvent anéantir ou fragiliser une petite entreprise alors qu’en Angleterre ou en Suisse ils n’existent pas. Toutes ces normes parfois idiotes, souvent Européennes , ont bouleversé notre production, ont tué beaucoup de petits producteurs locaux ou de petites entreprises.

  5. Certes, mais la première chose à faire car tout vient de là, c’est de réduire drastiquement les charges salariales, demandez aux agriculteurs espagnols ce que leur coùte le salaire d’un ouvrier agricole et faites la même demande en France, de plus l’agriculture française crève d’une règlementation tatillonne.

    • J’ai commence a travailler a 15 ans et rarement moins de 60 heures comme beaucoup de m’a génération Vous irez dire aux Français qui vivent de prestations ou de subsistes que cela va s’arrêter ou qu’il faut travailler 40 ou 45 heures où jusqu’a 68 ans bon courage je pense malheureusement que la seule solution sera la mise sous tutelle de la France par le FMI avec a la clés des reformes d’envergure au forceps une contestation jamais vue mais nous n’y somme pas encore un instant monsieur le bourreau !!!

  6. Vous avez tout à fait raison et il est choquant, pour des gens comme moi qui vivent à la Réunion ( en métropole aussi ), de voir dans les grandes surfaces, des légumes essentiellement venant de l’étranger ( carottes de Chine ou d’Australie, fruits d’AS, d’Egypte ou autres, le poisson d’Inde, de Norvège ou autres, la viande idem mais très rarement de France et peu de la Réunion alors que les producteurs sont légions…
    Vendre des carottes chinoises qui ne pourrissent presque jamais…ou du raisin d’AS qui connaît le même sort après 3 mois d’oubli dans un frigidaire ( volontairement ) entrouvre les intérêts sous-jactents de nos distributeurs !!!
    La mondialisation n’a qu’un seul but, enrichir ceux qui la dirigent !

    • Le consommateur est fautif. Personne ne l’oblige à acheter des produits qui ont traversé la moitié de la planète. De même, pourquoi y a-t-il des gens qui achètent tomates, poivrons, courgettes et aubergines hors saison ? Ces légumes n’ont au un goût. Faut-il être bête !

  7. Pour le miel, les Français sont assez stupides pour acheter leur miel en supermarché et déplorer ensuite qu’on l’importe de Chine ou d’ailleurs. Il y a des décennies de cela nos apiculteurs dénonçaient déjà l’importation du miel de Hongrie au détriment des productions françaises. Il suffit quand on va en vacances (en France !) d’acheter son miel sur les marchés où les petits producteurs locaux ont leur étalage, on en trouve aussi en vente sur internet auprès de producteurs bien de chez nous. Pour la moutarde pourrait-on espérer le retour d’un producteur français qui vende sa production en France et non pas à la terre entière ?

  8. Manque de réflexion, d’anticipation, de bon sens, la France est devenue adepte du sens dessus dessous. C’est désolant. En tout cas, je n’achète mon miel que chez des producteurs locaux et sérieux, le miel des grandes surfaces étant souvent plus du sucre que du miel.

  9. J ai dans ma région des apiculteurs qui produisent un miel de qualité je pense que dans toutes les régions il y a cette possibilité d acheter local c est un peu plus cher mais cela vaut le coup de les soutenir les circuits courts dans bien des domaines sont nécessaires c est un combat inégal mais David n a t il pas gagné contre le géant Goliath

  10. « Sinon, il faudra se résigner à ce que notre pays ne soit plus qu’un modeste vassal des grands empires mondiaux et attendre humblement notre moutarde du bon vouloir du Canada, comme notre miel de la condescendance de la Chine ou de l’Ukraine. »
    SI seulement le « problème français » se résumait qu’à « un manque de moutarde ou de « miel » ! …
    Absolument tous les pas régaliens français … et les autres … sont en train de crever ! ! ! …

  11. Nous sommes le pays qui travaille le moins, qui exporte peu et importe bcp et qui entretient un systeme pléthorique ( du maire au Président et dispendieux, un pays qui vit au dessus de ses moyens et en plus endetté jusqu’au cou.
    Produire demande bcp de travail pour des résultats faibles et lointains.
    Ne rêvez pas, nous sommes devenus un pays de second rang au niveau mondial.

  12. Le déficit commercial sur les échanges de biens à atteint 85 milliards en 2021 (dont la moitié est imputable aux importations de Chine) et vraisemblablement aux alentours de 95 à 100 milliards en 2022, compte tenu de l’augmentation des énergies en volume et en valeur. Alors le miel ou la moutarde, peu me chaut comme dirait l’autre, d’autant que nous allons faire face dans les années à venir à la plus grande pénurie de produits pharmaceutiques. Mais j’admets que le miel et la moutarde ont valeur d’exemple

  13. « …Il s’avère, d’ailleurs, que nos marques emblématiques de moutarde, Amora et Maille, sont désormais la propriété de l’entreprise anglo-néerlandaise Unilever. Autrement dit, la moutarde purement française est, en fait, fabriquée par une multinationale à partir de graines produites au Canada, en Ukraine et en Russie. … »

    Combien sont-elles nos entreprises que nous connaissions historiquement de chez nous, où il n’y a plus de production agricole ou industrielle, et où aujourd’hui leurs enseignes ne cachent qu’une direction des ventes, un administratif légé, voire un entrepôt quoique avec Amazon on s’en passe. Ah j’oubliais à ces enseignes, parfois des fleurons de nos traditions régionales on garde un musée pour l’histoire avec réduction pour les étudiants et les chômeurs.

    A l’œuvre de Messmer s’oppose les ricanements idiots de l’ex ministre de Jospin, Dominique Voynet. Mais aujourd’hui qu’oppose-t-on aux ricanements idiots de Dominique Voynet, … les mesurettes de Macron incapable de donner l’Indépendance à la France.

    En 1940, aux heures les plus sombres, Georges Mandel lorsqu’à Bordeaux il confiât à De Gaulle avant son départ pour Londres, les premiers subsides de la futur France Libre, il lui dit « Surtout Général, Penser France ». Comment peut-on s’en sortir avec des gens qui pensent que « tout est dans tout et que tout se vaut partout ».

  14. Les agriculteurs et apiculteurs français doivent répondre, à juste titre, à de nombreuses normes concernant la qualité, l’écologie, ect..
    Qu’en est-il des productions chinoises et ukrainiennes lorsque qu’elles entrent sur notre sol?

    • C’est la même chose pour les fruits importés d’Espagne ou du Maroc : nos agriculteurs croulent sous les normes françaises qui les empêchent d’être compétitifs et on autorise la vente de primeurs dont la production n’a pas eu à respecter ces normes. Ubuesque

      • Perso, Je boycotte systématiquement tout ce qui provient d’Espagne, de Turquie, maintenant des US, de Chine et Asie évidemment depuis le microbe de guerre bactériologique pour motifs d’hygiène, des pays musulmans, des pays trop lointains à cause du coût en kérosène (hormis café, chocolat, bananes) : je me prive donc de nems, litchees, avocats, dattes, figues sèches. On peut parfaitement se nourrir autrement en se référant à ce qu’on a connu dans les années 50_60 chez nos grand’mères…

  15. Comme nos médicaments fabriqués en Chine et qui manquent dans les pharmacies ….Nous devons reprendre le contrôle de toutes ces denrées , de ces médicaments , rouvrir ces usines . La crise du covid n’a pas servi de leçons à ces incompétents au pouvoir . Pour ce qui est de la moutarde je n’en consomme plus que très peu , en effet ne pas en avoir m’a fait retrouver le vrai goût de certains aliments et c’est délicieux sans moutarde ……

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