C’est « très clairement » une des priorités de son ministère. Pap Ndiaye s'attaque à la mixité sociale, avec les établissements privés dans le viseur. Pour ce faire, il rendait public, le 5 octobre dernier, son IPS, indice de position sociale dans les collèges de France. « En publiant ces indices, on a un point d’appui qui va nous permettre d’agir. » L'IPS est calculé à partir des diplômes, pratiques culturelles, conditions matérielles et implication des parents dans la scolarité, et ces données révèlent que parmi les cent établissements les plus favorisés socialement, seuls 18 sont publics.

Pour Anne Coffinier, présidente de Créer son école, « le Ministère s'enferme dans le rôle du pompier pyromane, qui dénonce les problèmes en les aggravant par les solutions qu'il prétend y apporter. L'heure est au bilan du collège unique, instauré depuis 1975. Or, ce collège, d'inspiration démocratique et fait pour éviter la reproduction des inégalités comme des élites, est un échec absolu. »

Pas de nation forte sans mixité sociale, mais...

Celui qui a inscrit ses enfants dans la prestigieuse École alsacienne explique tranquillement, chez « Quotidien », le 9 novembre, « que la mixité est bonne ». Pour Axelle Girard, directrice d'Educ'France, « oui, la mixité sociale est une bonne idée, au sens moral comme au sens politique du terme. Il n'y a pas de nation forte, de pays, de société forte et soudée sans un lien puissant entre les différents composantes et milieux socio-économiques qui les constituent. » Reste à savoir jusqu’où elle est bonne. Nathalie, professeur de lettres modernes dans un collège public d'Auvergne, témoigne : « Au-delà d'un quart d'élèves loin du fonctionnement "classique", l'enseignement devient très compliqué : trop de recalage à faire et trop d'impact sur la dynamique de groupe. Il faut un noyau stable important pour que chacun puisse avancer. L'enjeu est de créer un effet de groupe engagé dans la même direction : être là pour progresser scolairement, si certains sortent trop du cap, tout le monde s'épuise et perd son temps. »

Tuer le privé sous contrat

Or, pour le ministre, l’enseignement privé doit « prendre sa part ». Une affirmation que dénonce Anne Coffinier : « L'État veut tout simplement tuer le privé sous contrat. » La présidente de Créer son école y voit une nouvelle volonté d’aligner l'enseignement sous contrat sur l'Éducation nationale. « Ce n'est qu'une étape de plus après l'alignement des programmes, des volumes horaires, de la liberté de conscience, des statuts de professeurs, des retraites, de la formation des professeurs, etc. L'arrivée d'élèves d'horizons différents provoquera en retour un nivellement par le bas qui finira d'établir un signe égal entre l'école sous contrat et l'école publique. »

Le ministère devrait établir des propositions en janvier afin d’inciter le privé à favoriser cette mixité. Axelle Girard estime qu’« il peut le faire entrer dans la carte scolaire ou bien lui imposer des quotas d'enfants en fonction de leur IPS ou de leur quartier d'origine ou de la feuille d'imposition de leurs parents. Il est tout aussi patent que l'Enseignement catholique est fort dépourvu pour résister à ses exigences. » Un vœu pieux qui, en outre, fait fi du choix des parents qui choisissent le privé pour la qualité de l’environnement et de l’instruction. « Les parents savent aussi que les familles présentes en école privée sont plus impliquées que les familles laissant leur enfant à l'école publique. Et cette implication parentale est fondamentale dans la réussite des enfants et dans la discipline générale régnant dans l'établissement », complète Anne Coffinier, et surtout, ils « ne veulent plus qu'on leur dicte les conditions du bien de leur progéniture ».

Une sélection au détriment des plus défavorisés

En faisant pression sur les établissements privés, Pap Ndiaye ne risque-t-il pas de déplacer la question de la fuite des parents qui se réfugieront dans le hors-contrat ? « On peut sinon faire le pari que les parents seront conduits à faire le grand saut et à participer à la création d'écoles indépendantes. Bref, la politique du ministre fera le jeu de la liberté scolaire, en définitive », répond Anne Coffinier. Axelle Girard conclut en dénonçant « le manque d'ambition général pour l'école, abandonnée au pourrissement qui sévit depuis quarante ans. Le ministère peut toujours "s'attaquer" (comme élément de langage, c'est difficile de faire pire) au collège. La réalité sur le terrain, elle, se dégrade réforme après réforme sans que la perspective de cette nouvelle réforme ne rende espoir à personne. C'est l'éthique du renoncement. L'abandon des enseignants face aux difficultés des élèves, à la paresse, à l'agitation. Et, comme toujours au bout du compte, la sélection naturelle... Au détriment des plus défavorisés ! »

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/11/2022 à 16:05.

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27 novembre 2022 à 11:41

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29 commentaires

  1. Que ce clown de la macronie se concentre sur les difficultés de son ministère avant de se préoccuper de ce qui fonctionne bien dans le privé.
    C’est une nouvelle maladie que celle qui consiste à déconstruire tous azimuts.

  2. Encore parler et dire ce qui ne peut exister ..à moins que le gouvernement s’empresse de payer la scolarité des défavorisés …donner ils savent …le ministre a un culot certain de penser cela …ces gosses sont dans une institution bien protégée ..

  3. Ceux qui revendiquent la mixité essaient de s’en prémunir. Il y a les écoles pour le peuple que l’on veut médiocre pour permettre aux enfants de privilégiés de ne pas être mis en concurrence. C’est le remplacement de l’échelle sociale qui permet aux enfants de gravir par l’effort par l’ascenseur social qui permet aux fils de bourges de monter les étages sans effort.

  4. J’aimerai connaître le niveau de mixité sociale à l’école Alsacienne où étudient les enfants du ministre.

  5. A la fin de ce deuxième mandat catastrophique et si rien ne les arrête , il n’y aura plus rien à déconstruire car tout sera par terre .
    Une retraitée qui n’a pas voté pour Macron et qui a peur pour ses petits -enfants.

  6. Quel manque de courage de la part de ces politiques. Allez, osez le dire enfin: « le savoir se doit d’être réservé aux enfants de notre caste, vous les sans dents, les ploucs, abreuvez vous de jeux, de divertissements et comprenez qu’on vous tolère juste pour consommer le temps que vous ayez tous disparus ».

  7. Pour juger ce que vaut un « voeux », ou évaluer les solutions à un « problème », il faut commencer par nommer correctement les données dudit problème. Or, dans le cas présent, le terme de « mixité sociale », parfois même réduit à celui de « mixité » tout court (!), n’est pas relatif aux niveaux de revenus, aux professions des parents, ni même à leurs diplômes : cela fait au moins un siècle et demi que tous les enfants des familles françaises (ouvriers, paysans, notables…) fréquentent obligatoirement l’école jusqu’à 13 ou 14 ans, avec des résultats certes inégaux (il y a des élèves qui réussissent mieux que d’autres, c’est incroyable !) mais sans que cela ait rendu les classes ingérables, les profs dépressifs et démissionnaires, et les élèves (ou leurs parents) violents et hurlant à l’injustice parce qu’ils ne maîtrisent pas les rudiments de la langue française, et tous les apprentissages afférents, y compris en mathématiques, après plusieurs de présence dans une école puis un collège.
    Et contrairement à une contre-vérité universellement répandue dans les milieux bien-pensants, ou tout simplement incultes et incompétents, la mixité dite « sociale » dans les classes n’est pas une solution et encore moins LA solution au retard des plus faibles. Une étude lourde et complexe, menée il y a une quinzaine d’années, a démontré que les progrès accomplis par des élèves entre le début et la fin d’une année scolaire étaient les plus marqués 1) Dans des classes homogènement fortes; 2) Puis dans des classes homogènement faibles; 3) Et enfin, seulement, dans des classes mêlant des très forts avec des très faibles. Cette conclusion rejoint d’ailleurs celles que peuvent tirer de simples enseignants de leur propre expérience de l’enseignement, dans des écoles diversement situées.
    Donc, arrêtons de parler de « mixité sociale » et appelons les choses par leur nom : « Mixité ethnoculturelle », ce qui pourrait au moins donner une idée des solutions à chercher, antérieures ou externes à l »institution scolaire, qui n’en peut mais….

  8. Et « l’école Alsacienne », établissement privé élitiste où sont scolarisés ses enfants, ca fait partie de la mixité?

  9. Sous prétexte de mixité Pap NDiaye vise à poursuivre le travail de nivellement par le bas en rabaissant l’école privée au niveau désastreux de l’école publique. Détruire est toujours plus facile que de reconstruire; la priorité serait bien plutôt de redonner son niveau d’antan à l’école publique. Par exemple commencer par instruire, apprendre correctement à lire, écrire et compter plutôt que de formater les enfants à l’idéologie progressiste; beaucoup moins de parents, pas forcément les plus fortunés mais simplement désireux de préserver leurs enfants se sentiraient alors moins contraints de scolariser leurs enfants dans le privé.

  10. C’est extrêmement simple, je suis encore en France uniquement parce que c’est la langue natale de ma fille et que l’école privée dispense encore ce qui peut être considéré comme un enseignement du fait de sa sélection.
    Si ma fille se retrouve mélangée avec des petits sauvageons, je préfère quitter le pays pour de bon.

  11. QUE va t-il falloir faire pour stopper cette invasion « wokiste » et out ce qui va avec ? … cet énième « coucou politicard » vient faire la morale du haut de son idéologie nourrie par son expérience outre atlantique … Qu’il y retourne avec ses « ami-e-e-s et tout le reste de ces « déconstruits » …
    Encore un qui n’a aucune mémoire et encore moins de reconnaissance pour LA FRANCE …

  12. Or de question , on ne va pas faire de ces bonnes écoles un nid à problèmes , supprimer l’histoire qui y est enseigné , enlever les signes religieux et tout ce qui rappelle notre culture pour plaire à certains .Qu’il redresse l’école publique , y fasse respecter les règles de la république et il pourra commencer par y scolariser ses enfants en signe de bonne foi .Stop au massacre partout dans ce pays .

      1. ++++! Espéreriez-vous une réponse ? Quant la mauvaise foi fait loi, il n’y a pas de limite à la bêtise, de ce gouvernement, et je suis polie !

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